Question écrite n° 71171 :
TF1

13e Législature

Question de : M. François de Rugy
Loire-Atlantique (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. François de Rugy interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur la diffusion controversée, par la chaîne de télévision TF1, du programme "la Ferme célébrités en Afrique". Force est de constater que cette émission, tant dans son concept que dans sa scénographie, s'inspire dangereusement des ressorts des expositions coloniales d'antan : reconstitutions aussi spectaculaires qu'artificielles d'environnements naturels hostiles et de pseudo villages traditionnels, mise en situation "'d'autochtones" via un groupe folklorique dansant devant l'entrée d'une "réserve" et jouant ainsi le même rôle, dans la mise en scène, que les animaux sauvages filmés à quelques mètres de là, diffusion de poncifs éculés... N'a-t-on pas entendu un animateur raconter qu'un chef de village lui aurait proposé "d'épouser sa fille contre quelques vaches" ? Le cahier des charges liant TF1 au Conseil supérieur de l'audiovisuel indique que "la société s'engage à ce qu'aucune émission qu'elle diffuse ne porte atteinte à la dignité de la personne humaine". Ce concept, qui a désormais valeur constitutionnelle en France, ne connaît certes pas de définition précise et incontestable. Il paraît toutefois communément admis que la dignité de la personne humaine suppose que l'homme soit reconnu comme un sujet et ne soit pas traité comme un simple moyen, réduit à des clichés aussi dégradants pour ceux qui en sont victimes que pour celles et ceux qui en sont spectateurs. À l'évidence, sous couvert de divertissement, et sans qu'il soit d'ailleurs établi qu'il s'agisse d'une volonté de ses producteurs, ce programme connaît des dérapages qui contreviennent aux obligations imposées au diffuseur. Il souhaite donc que, en charge de la culture et de la communication, il fasse connaître son avis, et celui du Gouvernement, sur cette affaire désolante, et demande s'il compte saisir le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour rappeler le diffuseur à ses obligations.

Réponse publiée le 25 mai 2010

Ainsi qu'en dispose l'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la communication au public par voie électronique est libre et son exercice ne peut être limité que dans la mesure requise par la sauvegarde de certains principes au nombre desquels figurent la dignité de la personne humaine, la protection de l'enfance et de l'adolescence et l'ordre public. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante, est chargé de garantir l'exercice de cette liberté. Il s'assure notamment que les éditeurs de services respectent les dispositions de la loi de 1986 précitée. Il dispose d'un pouvoir de sanction en cas de non-respect de ces principes. En matière d'émission de téléréalité, le CSA est intervenu à de nombreuses reprises depuis 2001 afin notamment de faire respecter les principes énoncés ci-dessus. Dès l'apparition de ces émissions en 2001, le CSA est intervenu afin d'encadrer leur diffusion. C'est ainsi que, s'appuyant sur le principe de respect de la dignité de la personne humaine, il a adopté une première recommandation le 14 mai 2001 afin de protéger les participants (mise à disposition de moments et de lieux où ils ne sont pas soumis à l'observation du public, mise en oeuvre de phases quotidiennes de répit d'une durée significative et raisonnable ne donnant lieu à aucun enregistrement sonore ou visuel ni à aucune diffusion). Le CSA a complété ce dispositif en introduisant dans les conventions des services de télévision privés des dispositions renforçant la protection des participants non-professionnels à ces émissions. Leur participation ne doit s'accompagner d'aucune renonciation de leur part, à titre irrévocable ou pour une durée indéterminée, à leurs droits fondamentaux notamment le droit à l'image, le droit à l'intimité de la vie privée, le droit d'exercer un recours en cas de préjudice. Par ailleurs, l'éditeur ne doit pas mettre en avant de manière excessive l'esprit d'exclusion ni encourager des propos diffamatoires ou injurieux à l'encontre des participants. Le Conseil a également encadré l'intervention des mineurs dans les émissions de télévision afin que celle-ci ne soit pas susceptible de leur nuire. C'est ainsi qu'il est intervenu auprès de TF1 à la suite de la diffusion, le 17 juin 2008, à 23 h 30, de l'émission Pascal, le grand frère, considérant que l'image d'une jeune fille qui y participait était susceptible de lui porter préjudice en raison de son comportement particulièrement violent. Le CSA a en outre rappelé et précisé les conditions d'exposition, au sein des programmes télévisés, des drogues illicites, des produits du tabac et des boissons alcooliques dans une délibération du 17 juin 2008. Plus récemment, on notera que le Conseil est intervenu, à la suite de plaintes de téléspectateurs, concernant l'émission Secret Story en décidant de mettre en garde TF1 sur la nécessité d'apposer une signalétique de catégorie II (« déconseillé au moins de dix ans ») lorsque la nature des rapports entre les candidats, les images de nudité et la vulgarité de certains propos le justifiaient. Il appartient en conséquence au CSA de mettre en oeuvre le pouvoir de régulation que le législateur lui a confié afin d'encadrer la diffusion de ce genre de programmes. On relèvera par ailleurs que la société de production de ce programme a soumis au CSA une charte déontologique et constitué un comité composé de huit personnalités extérieures chargé d'en assurer le contrôle. Parmi les engagements pris par la société figure notamment celui de respecter les cultures, les traditions et l'environnement des populations locales lors des tournages à l'étranger.

Données clés

Auteur : M. François de Rugy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 16 février 2010
Réponse publiée le 25 mai 2010

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