protection
Question de :
Mme Michèle Delaunay
Gironde (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'obligation de porter à la connaissance de la justice les actes de maltraitance qui est en l'état difficilement applicable aux nombreux cas de maltraitance financière. Alma France évaluait en 2004 à 24 % le taux de maltraitances financières à domicile parmi l'ensemble des cas signalés. Les évolutions démographiques et l'accroissement continu du nombre de personnes fragilisées par une maladie neuro-dégénérative risquent d'entraîner une augmentation du nombre de ces cas dans les prochaines années. Le manque à l'obligation de dénoncer les actes de maltraitances est ainsi défini à l'article 434-3 du code pénal : « le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge de ne pas en informer les autorités administratives ou judiciaires ». L'application de ce texte se heurte à deux obstacles majeurs : la notion de mauvais traitements n'est pas définie. Cette lacune est plus flagrante concernant les maltraitances financières qui ne sont aucunement définies dans le corpus juridique français ; l'immunité familiale permet de ne faire peser ni sur les époux, ni sur les proches parents, l'obligation d'en informer les autorités. Elle interdit également des poursuites pour atteinte patrimoniale, délit qui ne peut concerner ni l'ascendant, ni le descendant, ni le conjoint. On ne peut prétendre lutter efficacement contre les maltraitances financières - dont les auteurs sont souvent de proches parents - sans engager une réforme du code pénal concernant l'obligation de d'alerte. Elle lui demande donc de lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour lever ces obstacles à l'obligation d'alerte.
Réponse publiée le 3 août 2010
Dans sa circulaire générale de politique pénale, du 1er novembre 2009, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a demandé aux parquets d'accorder une attention particulière aux infractions qui touchent les personnes les plus faibles, et notamment concernant les violences commises sur les personnes âgées. De plus, s'agissant très souvent d'infractions occultes, qui ne sont pas dénoncées par les victimes elles-mêmes, parfois isolées, les parquets sont invités à demander et à communiquer au juge des tutelles toute information utile permettant d'apporter une réponse adaptée à ces situations. L'absence de définition précise de la notion de « mauvais traitements », loin de constituer un obstacle à la répression, permet, au contraire, de recouvrer une multitude de situations, sans que celles-ci ne soit enfermées dans une énumération stricte, nécessairement incomplète. L'immunité familiale, empêchant l'exercice de poursuites pénales (mais non l'exercice d'une action devant les juridictions civiles), ne concerne que certaines infractions strictement énumérées (notamment, l'abus de confiance, le chantage, l'escroquerie, l'extorsion, et le vol) et ne s'applique pas au délit prévu à l'article 434-3 du code pénal. En effet, selon les termes de cet article, ne sont exceptées, sauf lorsque la loi en dispose autrement, que les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 du code pénal, régissant l'atteinte au secret professionnel. L'article 226-14 dispose expressément que : « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable : 1. À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; 2. Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ; 3. Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une. Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire. ». En conséquence, une réforme du code pénal concernant l'obligation d'alerte n'apparaît pas opportune. Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007, relative à la protection juridique des majeurs, a apporté des changements essentiels pour mieux lutter contre la maltraitance des personnes âgées dépendantes et des adultes handicapés en se fixant notamment pour objectif de prendre davantage en compte la volonté de ces personnes. Désormais, grâce au mandat de protection future, toute personne peut désigner un tiers chargé de la représenter dans les actes de la vie civile, pour le cas où elle deviendrait incapable. De même, la personne protégée ainsi que son entourage sont davantage associés à l'exercice de la mesure de protection. En parallèle, plusieurs mesures ont été prises, telles que la fixation de conditions d'âge, de formation, de moralité et d'expérience professionnelle pour exercer des mesures de protection judiciaire ou concernant l'augmentation du nombre de personnes disposant d'un pouvoir de contrôle sur l'exercice de cette mesure. De plus, depuis cette réforme, les tuteurs ne peuvent effectuer des opérations que sur des comptes ouverts au nom de la personne protégée. En outre, un Comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés a été créé par un décret du 12 mars 2007 et un numéro d'appel unique, le 3977, a été mis en place.
Auteur : Mme Michèle Delaunay
Type de question : Question écrite
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Dates :
Question publiée le 27 avril 2010
Réponse publiée le 3 août 2010