Question au Gouvernement n° 1018 :
DOM-ROM : Guadeloupe et Martinique

13e Législature

Question de : M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 19 février 2009

SITUATION AUX ANTILLES

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Louis-Joseph Manscour. Ma question, à laquelle je souhaite associer mon collègue Victorin Lurel, qui a dû rester en Guadeloupe, s'adresse à M. le Premier ministre.
Hier soir, en Guadeloupe, le pire est arrivé : un homme est tombé, victime d'une balle. Nous saluons tous sa mémoire et avons une pensée pour sa famille et ses enfants. Fallait-il qu'on en arrive là ?
Depuis vingt-huit jours en Guadeloupe et treize jours en Martinique, une crise sociale a vu le jour. C'est la plus importante de l'histoire des Antilles, par sa durée et par la pertinence des revendications légitimes, puisqu'il s'agit de la lutte contre la cherté de la vie et les inégalités sociales, trop criantes en outre-mer. Les Antillais savent, pour le vivre au quotidien, qu'un petit groupe de profiteurs détient tous les leviers de l'économie,...
M. Patrick Roy. Eh oui ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Louis-Joseph Manscour. ...l'import-export, le foncier, les hypermarchés. Le mouvement est en train de s'étendre à La Réunion, et peut-être demain à la Guyane.
Monsieur le Premier ministre, comment avez-vous pu rester sourd aux cris de détresse exprimés dans la dignité par nos populations des Antilles ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il y a eu parfois jusqu'à 70 000 ou 75 000 manifestants dans les rues, sur une population de 800 000 habitants. À l'échelle de la métropole, ces manifestations auraient fait descendre dans la rue 6 millions de personnes : vous imaginez ce qui se serait passé !
Comment le Président de la République a-t-il pu rester sourd et muet face aux cris de détresse de nos populations ? Après un mois de manifestations, pas une phrase, pas un mot, pas une attention, dans ses multiples interventions, dont la principale, le 5 février dernier, a duré une heure et demie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pourtant, cela aurait sans doute permis de dégeler la situation.
Alors, bien sûr, M. le secrétaire d'État nous dit, dans une de ses tribunes, que l'outre-mer a besoin d'amour, d'un " amour sincère ". Non ! Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement n'a rien compris à l'outre-mer. L'outre-mer a besoin de respect, d'équité, d'égalité, de justice sociale (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) ; pas de compassionnel.
L'outre-mer offre à la France tant de richesses : 97 % des 11 millions de kilomètres carrés d'espaces maritimes qui lui permettent d'être la deuxième puissance maritime mondiale ; 80 % de sa biodiversité - et je pourrais citer d'autres atouts. Comment justifier auprès de nos populations en souffrance les milliards d'euros accordés aux banques et aux grosses entreprises du CAC 40 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui ne créent pas d'emplois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Comment justifier les 15 milliards d'euros du paquet fiscal ?
Après un mois de grève, le Président de la République a donc enfin décidé de rencontrer les élus domiens. Nous espérons qu'il ne s'agira pas, une fois de plus, d'une simple opération de communication comme il en a le secret,...
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Louis-Joseph Manscour. ...mais une véritable réunion où des solutions concrètes, efficaces et rapides seront apportées pour résoudre la crise qui a trop duré dans nos régions.
Monsieur le Premier ministre, face à ces inégalités criantes, face au désarroi de nos populations, face à la démission de votre Gouvernement... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Richard Mallié. La question !
M. Louis-Joseph Manscour. ...quelles solutions comptez-vous apporter pour que la paix et la sérénité reviennent dans nos territoires dans les délais les plus brefs ? (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Manscour, pour qu'il n'y ait pas le feu aux poudres, il ne faut pas que certains essaient de l'y mettre.
M. Yves Nicolin. Incendiaires !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur. Depuis plusieurs jours, j'ai appelé au calme et au sens de la responsabilité. En effet, la situation et les enjeux sont suffisamment importants pour que nous ne nous laissions pas aller au plaisir de tenir certains propos qui, sur le moment, recueillent vos applaudissements, mais qui sont désastreux pour la suite des événements, et surtout pour nos compatriotes d'outre-mer. (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)
Il est vrai, monsieur Manscour, qu'un drame s'est déroulé cette nuit. Á minuit trente, la police a reçu un appel : des coups de feu avaient été entendus et une personne avait peut-être été touchée. Les policiers de la brigade anticriminalité qui ont cherché à se rendre sur les lieux n'ont pu le faire, car ils ont eux-mêmes été victimes de tirs - trois d'entre eux ont été blessés, dont l'un à l'oeil. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Deux heures après, on a retrouvé une personne morte dans une voiture. Selon le témoin qui se trouvait à ses côtés au moment du tir, elle a été tuée par des gens qui se trouvaient sur un barrage. Ces éléments montrent bien que, désormais, la situation échappe complètement à ceux qui ont lancé le mouvement.
Pour autant, monsieur le député, je ne saurais vous laisser dire que le Président de la République, le Premier ministre ou le Gouvernement se désintéressent de l'outre-mer ou qu'ils se sont désintéressés de la Guadeloupe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Depuis deux ans, nous avons plus que jamais plaidé pour un outre-mer qui représente une véritable chance pour la France comme pour l'ensemble de l'Europe. Nous avons aussi défendu avec succès l'outre-mer à Bruxelles. Et, dans le cadre de la préparation du projet de loi pour l'outre mer, nous avons essayé de faire en sorte que les hommes et les femmes d'outre-mer avec le talent et la volonté qui sont les leurs, aient la possibilité de tirer tout le bénéfice des atouts de l'outre-mer.
Depuis le début d'une crise due, certes, aux spécificités de la Guadeloupe, mais aussi à la crise économique, le Gouvernement, sous la direction du Président de la République et du Premier ministre, a suivi très attentivement tout se qui se passait.
M. Patrick Roy. C'est faux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur. Mais vous savez comme moi que, lors d'une crise de cette nature, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs paroles. Une seule personne doit exprimer la position du Gouvernement et dire l'attention que ce dernier porte à la situation.
M. Christian Paul. Vous avez laissé pourrir la situation !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur. Cette personne était Yves Jégo. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Depuis le départ, il a agi, allant jusqu'à s'installer sur place pour faire avancer les choses. Elles ont avancé puisque sur les 132 demandes émises, 131 ont reçu une réponse.
À un moment donné, les problèmes de salaires doivent d'abord être discutés entre les syndicalistes représentants des salariés et ceux représentant le patronat. Que dirait-on si le Gouvernement prenait les décisions lui-même ? Ce n'est pas à lui de le faire, et c'est pourquoi nous avons décidé de nommer un médiateur pour faciliter ces discussions.
Demain, votre rencontre avec le Président de la République permettra de le réaffirmer : soyez persuadés que l'outre-mer, et particulièrement la Guadeloupe, est l'objet de l'intérêt, de l'attention, et j'ajouterai de l'affection, de ceux qui sont chargés de ces territoires et de ce département. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

Données clés

Auteur : M. Louis-Joseph Manscour

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2009

partager