fonctionnement
Question de :
M. Manuel Valls
Essonne (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 31 octobre 2007
CARTE JUDICIAIRE
M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Manuel Valls. Madame la garde des sceaux, personne ne conteste aujourd'hui la nécessité de réviser notre carte judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais votre méthode, qui consiste à passer en force à tout prix et à imposer plutôt que convaincre, provoque un émoi sans précédent dans le monde judiciaire. Sur l'ensemble de notre territoire, il n'est pas un jour sans que ne se lèvent les incompréhensions et les inquiétudes. Fait exceptionnel, l'ensemble des magistrats et des fonctionnaires de justice appellent à une grève nationale le 29 novembre.
M. Jean Glavany. Quel succès !
M. Manuel Valls. Cette indignation générale est légitime car votre projet de réforme ne répond à aucun des objectifs affichés. Il ne permet nullement de rapprocher la justice de nos concitoyens. Bien au contraire, la suppression d'une centaine de tribunaux d'instance va frapper durement les justiciables les plus vulnérables, les petites gens. Je pense notamment à ceux qui sont engagés dans les procédures de surendettement. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Richard Mallié. Démagogie !
M. Manuel Valls. L'idéal d'une justice de proximité, au coeur de tous les discours officiels de la Chancellerie, n'aura donc, dans les faits, pas plus de consistance que les chimères.
Votre projet ne répond en effet à aucune démarche cohérente. Les critères qui déterminent la disparition, le regroupement ou le maintien des juridictions en place sont d'une opacité troublante. Là, un tribunal annoncé perdu est finalement sauvé in extremis. Ici, un autre est supprimé à la stupéfaction générale. Trop souvent, vos décisions semblent inspirées par le poids des élus locaux et leur appartenance politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et c'est dit sur tous les bancs !
Madame la garde des sceaux, il est grand temps d'abandonner les postures belliqueuses qui peuvent servir le prestige personnel mais qui nuisent à la qualité d'un service public essentiel. Il ne suffit pas de convoquer, dans la précipitation, le vendredi pour le lundi...
M. le président. Votre question, monsieur Valls ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Manuel Valls. ... les uns et les autres pour qu'ils entendent vos verdicts. Une concertation digne de ce nom suppose qu'ils contribuent, dans la transparence, aux décisions prises.
Madame la garde des sceaux, il ne suffit pas de mettre en ligne les rapports faits par les magistrats, il faut également les lire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la concertation a commencé par l'installation, le 27 juin dernier, du comité consultatif...
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne s'est plus réuni depuis !
Mme la garde des sceaux. ...qui est composé de représentants des organisations professionnelles et syndicales et des acteurs du monde judiciaire. Ces membres m'ont remis des contributions et des propositions le 30 septembre dernier. Celles-ci, qui sont des orientations de nature générale, et non des déclinaisons cour d'appel par cour d'appel, sont en ligne. Je les ai intégrées dans les schémas et les rapports complémentaires qu'on m'a remis.
Dans un deuxième temps, nous avons procédé à la consultation par les chefs de cour de tous les acteurs du monde judiciaire au niveau local, cour d'appel par cour d'appel. Ces chefs de cour m'ont remis, le 30 septembre dernier, des rapports et des propositions portant sur une nouvelle organisation judiciaire. Les préfets, qui ont consulté et rencontré les élus (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), m'ont également fait part de diverses contributions et propositions.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous n'avons pas été consultés !
Mme la garde des sceaux. C'est à partir de tout cela qu'ont été faites des propositions et des suggestions concernant la nouvelle organisation judiciaire.
M. Jean-Pierre Dufau. En quarante-huit heures ?
Mme la garde des sceaux. Je comprends les inquiétudes et je les entends. Mais cette réforme, qui n'est ni de droite ni de gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),...
M. Jean Glavany. Mme Dati ne fait pas de politique, c'est bien connu !
Mme la garde des sceaux. ...est importante. En effet, la carte judiciaire date de 1958. Or la justice telle qu'elle était rendue à cette époque ne correspond plus à la façon dont elle est rendue aujourd'hui, non plus que ses contours. Il s'agit de revoir et de redéfinir la justice de proximité.
M. Jean Glavany. Venez sur le terrain !
Mme la garde des sceaux. Nous mettons en place une nouvelle organisation judiciaire en déclinant, cour d'appel par cour d'appel. Nous renforçons et nous rénovons la justice de proximité.
M. Maxime Gremetz. Vous la supprimez à vie !
Mme la garde des sceaux. C'est par respect des acteurs de terrain que je décline, cour d'appel par cour d'appel, la nouvelle organisation judiciaire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je me suis également inspirée des travaux qui ont été menés par Jacques Toubon, Pierre Méhaignerie, Henri Nallet, Elisabeth Guigou et Marylise Lebranchu, qui ont tous tenté de mettre en oeuvre cette réforme de la carte judiciaire. Aujourd'hui, c'est à nous de la faire aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Manuel Valls
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 octobre 2007