Question au Gouvernement n° 1448 :
gouvernement

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 25 juin 2009

ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Le Président de la République a semblé nous dire à Versailles que la crise avait ébranlé ses dogmes et ses certitudes. Comment ne pas nous féliciter de l'abandon de chimères autour de la discrimination ou de la laïcité positives ? Comment, surtout, ne pas savourer la spectaculaire conversion à la défense du modèle social français, jusqu'ici paré de tous les archaïsmes, avec lequel le Président de la République avait décidé de rompre ?
La question qui vous est désormais posée est celle de la part de sincérité de ces déclarations. Si l'intention est de préserver le modèle social français, qui puise pour partie ses racines dans l'oeuvre du Front populaire et dans le programme du Conseil national de la Résistance, eh bien nous répondrons présents !
Mais, mes chers collègues, nous avons appris à nous méfier des mots. Jacques Chirac avait déjà cette spécialité : capter les mots pour mieux les vider de leur sens.
Oui, nous sommes favorables à une réforme pour garantir le financement des retraites, mais nous ne sommes pas favorables à la retraite à soixante-sept ans ! Oui, nous voulons développer les services publics, mais nous ne voulons pas la privatisation de la Poste, comme vous l'avez fait pour le gaz. Nous voulons préserver la sécurité sociale, mais nous ne voulons ni des franchises médicales ni du télétravail forcé pour les femmes enceintes et les malades !
Ce sont ces ambiguïtés, voire ces contradictions, entre les orientations de Versailles et la réalité d'une politique, que nous devons lever. Alors, pour toutes ces raisons, monsieur le Premier Ministre, puisque vous êtes reconduit à la tête d'un Gouvernement largement remanié, je vous demande, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, de venir devant l'Assemblée nationale, selon la tradition républicaine, présenter votre programme de gouvernement et d'accepter un débat, suivi d'un vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Permettez-moi d'abord, monsieur Ayrault, de vous féliciter pour votre réélection à la tête du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Depuis deux ans - et depuis quelques mois dans un contexte international extrêmement difficile - le Gouvernement a conduit une soixantaine de réformes. Je voudrais d'abord rendre hommage à tous les ministres, qui ont cherché à faire de leur mieux dans le sens de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous avons, avec le Président de la République, procédé à certains changements de personnes. Ces changements de personnes, monsieur Ayrault, ne signifient pas un changement de politique. Il n'est d'ailleurs pas question de changer de politique au moment où nous connaissons une crise aussi grave !
M. Michel Sapin. On avait compris !
M. François Fillon, Premier ministre. Les priorités du Gouvernement sont connues.
C'est, d'abord, l'amplification de l'effort de relance, avec en particulier la définition de priorités stratégiques nationales pour lesquelles le Parlement sera largement sollicité dans les prochaines semaines.
C'est, ensuite, la mise en oeuvre intégrale des engagements du Grenelle de l'environnement, pour réorienter notre modèle économique vers une croissance verte.
C'est aussi le renforcement de notre contrat social, avec la réforme de la formation professionnelle et l'extension du contrat de transition professionnelle, afin de nous donner les moyens d'atteindre l'objectif que nous a fixé le Président de la République à Versailles : faire en sorte que toute personne qui perd son emploi puisse bénéficier d'un an de salaire et des formations qui lui permettront de retrouver un travail.
C'est encore la poursuite des réformes de structure, sans lesquelles notre pays ne pourra pas se moderniser. Je pense prioritairement à la réforme de l'organisation du territoire et de la fiscalité locale, dont vous allez avoir à débattre dans les prochaines semaines.
C'est enfin la continuation de la lutte contre les déficits structurels. Le budget pour 2010 qui vous sera proposé sera, pour la troisième fois, un budget où les dépenses seront strictement reconduites. Nous continuerons à réduire le nombre des emplois publics.
M. Roland Muzeau. Vive le chômage !
M. François Fillon, Premier ministre. La lutte contre les déficits est un objectif auquel je ne renoncerai jamais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Ayrault, vous pouvez choisir d'accompagner, de façon critique, cette politique. Vous pouvez choisir de vous y opposer. Vous pouvez même déposer une motion de censure - ce sera la troisième en deux ans, et ce sera d'ailleurs l'occasion d'éclairer les Français sur les propositions alternatives du parti socialiste, que pour le moment ils n'ont pas complètement discernées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mais je ne saurais mieux faire, pour répondre à votre question, monsieur Ayrault, que de reprendre exactement les mots qui étaient ici ceux de Lionel Jospin au mois de mars 2000, quand l'opposition d'alors lui posait une question identique à la vôtre.
Il répondait alors : " J'ai indiqué clairement [...] que je n'ai pas fait un changement de gouvernement, mais un changement dans le Gouvernement pour continuer, approfondir la politique que j'ai présentée aux Français et que la majorité plurielle soutient [...]. C'est dans ce cadre que nous agissons et que vous vous opposez. Quant à vos rêveries, gardez-les, mesdames, messieurs, pour vous. " C'est Lionel Jospin qui parle ; on ne peut pas dire mieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 2009

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