reconduite aux frontières
Question de :
M. Jean-Pierre Kucheida
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 16 décembre 2009
CHARTERS VERS L'AFGHANISTAN
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Pierre Kucheida. Je n'évoquerai ni l'emploi, ni la flambée des prix, ni la faiblesse des salaires - autant de questions graves en cette fin d'année.
Aujourd'hui, c'est la vie - ou la mort ! - d'innocents qui me fait réagir ! Monsieur le ministre des affaires étrangères, dans les heures à venir, notre pays va expulser au moins neuf immigrés en situation irrégulière vers l'Afghanistan, pays en guerre, dévasté par la corruption et la drogue. Que vont devenir Aziz, Ajemal et les autres ?
M. Patrice Verchère. Vous êtes irresponsable !
M. Jean-Pierre Kucheida. Il y a quelques instants, Wali Mohammadi, jeune Afghan, disait au groupe socialiste le sort terrible qui attendait les expulsés : les tortures et la mort, comme pour son père. Peut-on, au pays des droits de l'homme, être insensible à ce point ? Peut-on cultiver tant d'incohérence ? La France fait la guerre aux extrémistes religieux, à Al Qaïda et aux talibans - et la France leur renvoie ceux qui tentent, après un périlleux voyage de 7 000 kilomètres, de leur échapper.
M. Philippe Meunier. Irresponsable !
M. Richard Mallié. Ils n'ont qu'à se battre, là-bas !
M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur Kouchner, à d'autres époques, vous n'auriez pas toléré ces agissements criminels. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous m'avez vous-même avoué, il y a trois semaines au Quai d'Orsay, que vous n'étiez pas fier de l'expulsion de trois Afghans au mois d'octobre. Allez-vous continuer à permettre à M. Besson (" Honte, honte " sur les bancs des groupes SRC et GDR) d'augmenter ses statistiques pour être mieux en cour ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Jean-Pierre Kucheida. Allez-vous continuer à permettre à M. Hortefeux, avec certains policiers, à Calais, de traiter ces pauvres gens comme des chiens ?
M. Richard Mallié. Ces propos sont scandaleux !
M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur Kouchner, votre voix faisait autorité. Évitez donc l'enfer à ces malheureux !
M. Philippe Meunier. Lamentable !
M. Richard Mallié. Les Français se font tuer là-bas !
M. Jean-Pierre Kucheida. Ayez pitié d'eux. Votre responsabilité, la responsabilité du Gouvernement, notre responsabilité est totale. Monsieur le ministre des affaires étrangères, quand allez-vous rendre à la France son honneur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. — Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, je vous en prie. Écoutez la réponse à la question que vous avez posée !
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. La France est généreuse ; la France est ferme dans l'application de ses principes. La France est généreuse : elle est l'un des pays d'Europe qui accueille un grand nombre de réfugiés, et elle y consacre d'ailleurs 300 millions d'euros, c'est-à-dire la moitié du budget du ministère dont j'ai la responsabilité. (Mêmes mouvements.)
M. Jean Glavany. Souviens-toi de ce que tu as été !
M. Éric Besson, ministre de l'immigration. La France est la seule à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La France engage ses enfants, et parfois le sang de ses enfants, en Afghanistan.
La France, si elle est généreuse, est aussi ferme dans l'application de ses principes. On doit entrer en France légalement ; si on s'estime en danger ou persécuté, on doit demander l'asile ; si on ne l'obtient pas, après épuisement des recours en France et en Europe, on a la possibilité d'être reconduit dans son pays.
M. Marcel Rogemont. C'est à l'UMP qu'il faut demander l'asile !
M. Éric Besson, ministre de l'immigration. La France est généreuse, mais la France est ferme dans l'application de ses principes. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Braouezec. La France était généreuse...
M. Éric Besson, ministre de l'immigration. Le dispositif que vous avez proposé voici quarante-huit heures, qui est un dispositif de protection temporaire, n'est pas applicable, pour un certain nombre de raisons juridiques que je n'ai pas le temps de détailler ici, mais que je tiens à votre disposition. (Mêmes mouvements.)
M. Patrick Lemasle. Expulsez Besson !
M. Éric Besson, ministre de l'immigration. Mais, surtout, il ne serait pas applicable pour une raison politique simple : beaucoup de nos partenaires européens, pour ne pas dire tous, pensent comme nous que, pour lutter contre les réseaux mafieux de l'immigration clandestine, nous sommes obligés de reconduire à la frontière les déboutés du droit d'asile. C'est le cas du Royaume-Uni, de la Norvège, de la Suède, des Pays-Bas, de la Belgique. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, je voudrais vous dire qu'en matière de droits de l'homme, je ne suis pas sûr que le Gouvernement ait beaucoup de leçons à recevoir d'un parti qui vient d'investir Georges Frêche comme tête de liste de la région Languedoc-Roussillon ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Glavany. Où t'arrêteras-tu ?
Auteur : M. Jean-Pierre Kucheida
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire
Ministère répondant : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 décembre 2009