Conseil constitutionnel
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 14 janvier 2010
MISE EN CAUSE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, lors du débat sur la réforme constitutionnelle, en juin 2008, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait des propositions pour réformer le Conseil constitutionnel. Nous souhaitions alors l'évolution du mode de nomination de ses membres pour que soit davantage respecté le pluralisme des opinions, nous demandions une procédure publique et contradictoire et nous suggérions que soit mis fin à la possibilité pour les anciens présidents de la République d'y siéger. Ces propositions ont toutes été rejetées. Nous l'avons regretté et le regrettons toujours. Mais c'est cette Constitution qui s'applique à tous les citoyens de la République. Aux termes de son article 62, jusqu'à nouvel ordre, " les décisions du Conseil Constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics " et donc, monsieur le Premier ministre, à votre gouvernement.
Aussi sommes-nous particulièrement étonnés par les déclarations extrêmement violentes de l'un de vos ministres à l'encontre du Conseil constitutionnel et de son président. Je le cite : " Je souhaite que le Conseil constitutionnel soit à l'abri des soupçons. " Notre étonnement est d'autant plus fort que la longue interview accordée par M. Devedjian au journal Le Monde est exclusivement consacrée au fonctionnement du Conseil constitutionnel, ce qui ne cadre pas tout à fait avec ses attributions ministérielles. M. Devedjian était, nous a-t-il semblé jusqu'à présent, ministre de la relance. Alors, de qui M. Devedjian est-il aujourd'hui le porte-parole ? Traduit-il une position personnelle ou répond-il à une commande ? Est-il l'avocat d'une position du Gouvernement ou l'expression d'une colère présidentielle après la suppression de la taxe carbone ? En un mot, monsieur le Premier ministre, allez-vous approuver et confirmer les propos tenus pas votre ministre, ou allez-vous le désavouer ? Au-delà de vos grands discours sur la République, nous attendons avec beaucoup d'intérêt votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je vais tout de suite vous rassurer, car je sens poindre chez vous une grande angoisse : il n'y a pas de coup d'État constitutionnel qui se prépare.
M. Jean-Pierre Brard. Le 18 brumaire !
M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement respectera naturellement l'article 62. Les décisions du Conseil constitutionnel sont sans recours et elles s'imposent au Gouvernement,...
M. Henri Emmanuelli. Alors faites taire le ministre !
M. François Fillon, Premier ministre.... comme aux pouvoirs publics.
M. Patrick Roy. Encore heureux !
M. François Fillon, Premier ministre. Toutefois, je ne peux pas cacher que le Gouvernement s'est interrogé et a été surpris par la décision du Conseil constitutionnel. (" Ah ! " sur les bancs du groupe SRC.) Il avait en effet considéré que les entreprises grosses émettrices de CO2 dans notre pays relevaient d'un système de régulation européen, avec des quotas gratuits jusqu'en 2013 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais qui ne le seront plus ensuite.
M. Daniel Paul. Elles ne paient pas !
M. François Fillon, Premier ministre. Comme nous avions proposé dans notre texte de rembourser intégralement aux Français le montant de la taxe carbone, il nous semblait que l'argument de l'inégalité devant l'impôt n'était pas évident. Il ne l'était tellement pas que, dans le recours du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche contre la loi de finances, cette question n'a à aucun moment été évoquée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Protestations sur les bancs du groupe SRC), l'essentiel dudit recours portant sur la taxe professionnelle.
Dès que le Conseil constitutionnel a fait connaître sa décision, je me suis exprimé, indiquant naturellement que le Gouvernement en prenait acte et qu'il proposerait au Parlement, dans les prochaines semaines, les amendements nécessaires à ce texte pour respecter intégralement les arguments du Conseil constitutionnel.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et Devedjian ?
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, depuis le début de la Ve République, nombreuses ont été les critiques émises par des responsables politiques contre les décisions du Conseil constitutionnel, que ce soit à gauche lors des décisions prises en 1981 contre les nationalisations, ou que ce soit à droite. L'essentiel, c'est que les institutions soient respectées, que le Conseil constitutionnel puisse prendre ses décisions et que le Gouvernement et le Parlement en tiennent compte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 janvier 2010