garde à vue
Question de :
M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 14 janvier 2010
GARDE À VUE
M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. André Vallini. Monsieur le Premier ministre, nous avons été choqués par votre réponse : vous n'avez pas désavoué votre ministre, M. Devedjian, ce qui revient à dire que vous approuvez son attaque violente contre le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Réformer les institutions est louable, mais il faut aussi les respecter.
Il existe un problème avec la garde à vue en France ; un problème de procédure, d'abord, puisque la Cour de Strasbourg a récemment rappelé que celle-ci n'était pas conforme à la Convention européenne des droits de l'homme. Certes, une réforme de la procédure pénale est annoncée pour 2010 mais, pour en avoir discuté avec Mme Alliot-Marie, nous craignons qu'elle ne soit pas à la hauteur de nos attentes.
L'autre problème est le nombre des gardes à vue, qui sont passées de 336 000 en 2001 à près de 600 000 l'an dernier, soit une augmentation de 80 %. Peu d'entre nous, quels que soient les bancs où ils siègent, ne pourraient citer au moins un cas de garde à vue abusive et souvent traumatisante dans leur circonscription. " La privation de liberté est un acte grave, qui doit rester exceptionnel ", aviez-vous déclaré, monsieur le Premier ministre, au mois de novembre dernier, ajoutant que la garde à vue ne devait pas être envisagée comme un " élément de routine " par les enquêteurs. Vous avez raison ; mais le problème est que des syndicats de policiers ont réagi à vos propos : " C'est le Gouvernement, ont-ils déclaré, qui impose des quotas d'interpellation en mettant la pression sur les policiers par une politique du chiffre. "
Ma question est donc simple : en 2010, mettrez-vous vos actes en conformité avec vos propos ? En finirez-vous avec cette politique du chiffre qui, en plus d'être inefficace pour lutter contre la délinquance, conduit à des abus graves et dangereux s'agissant de la garde à vue ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Patrick Roy. Et de la douche écossaise !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, la garde à vue, dont nous avons déjà parlé ensemble, n'est à mes yeux qu'un instrument d'enquête : ni plus, ni moins.
M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas ce qu'elle est devenue dans la réalité !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je souhaite, dans la réforme à venir, en limiter l'usage aux réelles nécessités de l'enquête ; c'est à cette fin que nous menons un travail avec des parlementaires de tous les groupes ainsi que des universitaires. Il s'agit notamment de prendre en compte la gravité des faits et les peines d'emprisonnement qui pourraient y être liées.
S'agissant du terrorisme, de la grande criminalité ou des trafics de stupéfiants, nous sommes tous d'accord, je pense, pour que la garde à vue demeure un instrument essentiel ; pour le reste, il faut l'adapter, et nous travaillons sur plusieurs hypothèses.
Il n'est évidemment pas question, monsieur Vallini, d'ignorer les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme ; pour autant, il ne faut pas lui faire dire plus qu'elle ne dit. Ses exigences essentielles concernent le respect de la dignité, l'obtention des aveux - qui ne sauraient constituer des preuves suffisantes pour une condamnation -, ainsi que la présence de l'avocat et la capacité, pour celui-ci, de faire réellement son travail.
Tels sont les domaines sur lesquels nous travaillons. Au début du mois de févier, un projet de texte fera l'objet d'une très large concertation, à laquelle vous serez associés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Auteur : M. André Vallini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 janvier 2010