tribunaux
Question de :
M. Dominique Baert
Nord (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 2010
INCIDENTS ENTRE MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET
À NANTERRE
M. Dominique Baert. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Jeudi dernier, l'audience solennelle de rentrée du tribunal de Nanterre s'est déroulée de manière particulièrement inhabituelle. Lorsque le procureur de la République, représentant le parquet, a pris la parole, nombre de magistrats du siège se sont levés, et lentement, silencieusement, mais ostensiblement, ont quitté les uns après les autres la salle d'audience. C'est du jamais vu en France dans la magistrature ! D'évidence, il y a un malaise. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Le malaise avec le procureur en question est évident. En effet, mes chers collègues, que disent ces magistrats dans la motion qu'ils ont adoptée en assemblée générale ? " Par son action personnelle, [...] M. Courroye a en réalité cherché à faire pression sur un magistrat [...] et à travers lui sur l'ensemble des magistrats du siège qui seraient tentés de prendre des décisions non conformes aux attentes supposées du pouvoir politique. "
Madame la ministre, ces propos sont graves, car ces magistrats mettent en cause des interventions du procureur Philippe Courroye auprès de la présidente du tribunal. Pour se plaindre de qui et de quoi ? De la juge Isabelle Prévost-Desprez, dont la faute serait d'avoir déplu au parquet en osant prendre des décisions dans des affaires qui concernent des proches de Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Voilà pourquoi je crois utile de vous poser trois questions.
Oui ou non, le procureur Courroye avait-il votre accord, celui du ministère de la justice, pour mettre en cause le travail réalisé par la présidente de la 15e chambre correctionnelle, la juge Prévost-Desprez ? (" Oui ! " sur les bancs du groupe SRC.)
Oui ou non, au vu des amitiés qu'il affiche avec ostentation, et qui le promettaient, il y a quelques semaines à peine, au poste prestigieux de procureur de Paris, le chef du parquet de Nanterre est-il encore objectif ?
M. Maxime Gremetz. Non !
M. Dominique Baert. Oui ou non, la justice peut-elle être encore rendue de manière indépendante dans la France de Sarkozy ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, en tant que garde des sceaux, je suis garante et gardienne d'un certain nombre de valeurs essentielles pour notre justice, dont je vous rappelle qu'elle représente un des piliers de la République (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)...
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas le pilier central en tout cas !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. ...et qu'elle mérite à ce titre que, notamment dans cette assemblée, les problèmes qui la concernent soient abordés avec de la dignité et de la sérénité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, oui, je suis garante à la fois de l'impartialité de la justice,...
M. Henri Emmanuelli. Vous n'avez peur de rien !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. ...du respect de l'éthique par l'ensemble des magistrats et de l'indépendance juridictionnelle.
Mme Aurélie Filippetti. Répondez par oui ou non aux trois questions !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Et qui dit indépendance juridictionnelle dit également image de la justice auprès de nos concitoyens.
M. Henri Emmanuelli. Personne n'y croit !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Les Français, pour vivre ensemble, pour être rassemblés au sein de la nation, ont besoin de croire en les règles communes que représentent les lois que vous votez. Ils doivent également pouvoir croire en la justice, et d'abord en les magistrats qui rendent la justice au nom du peuple français, en appliquant les lois que vous votez !
Plusieurs députés du groupe SRC. Ils ne peuvent pas y croire !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Alors, monsieur le député, il est vrai qu'il y a eu à Nanterre des incidents mineurs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je suis bien évidemment informée de tout ce qui se passe dans chacune des juridictions. Parfois, en raison de problèmes de personnes, des incidents ont lieu. Cela dit, et à en croire le rapport de la présidente du tribunal elle-même, l'audience en question s'est tenue dignement et sans émotion particulière.
J'aimerais que, lorsque l'on parle de la justice, il en aille de même, et en particulier quand ce sont des représentants du peuple qui s'expriment. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Auteur : M. Dominique Baert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2010