Pakistan
Question de :
M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 13 mai 2010
ATTENTAT DE KARACHI
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l'attentat de Karachi. L'État doit la vérité aux victimes. Pour accéder à la vérité, les victimes n'ont qu'une arme : leur conviction, leur détermination et leur courage.
Une mission d'information parlementaire a été constituée au sein de la commission de la défense de l'Assemblée nationale pour aider à l'émergence de la vérité. Afin de mener ses investigations, cette mission a demandé que lui soit communiqué un ensemble de documents, qui ne sont pas couverts par le secret de l'instruction puisque le juge ne les avait pas demandés, et qui étaient susceptibles, pour certains d'entre eux, d'être couverts par le secret de la défense nationale.
Au terme d'un long processus de réunions interministérielles, il semble que le Gouvernement ait décidé de ne transmettre à la représentation nationale aucun document déclassifié. Le Gouvernement est même allé au-delà en saisissant la commission consultative du secret de la défense nationale de la déclassification de la liste des documents que les parlementaires avaient demandés, sous prétexte de les transmettre au juge, alors même que ce dernier ne les avait pas réclamés. Le résultat est que ni le juge, ni les parlementaires ne détiennent ces documents. Il s'agit là d'une véritable entrave au travail parlementaire.
Je voudrais poser trois questions.
M. Richard Mallié. Nous n'avons droit qu'à une seule !
M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avoir communiqué, durant les sept mois de travaux de la mission d'information parlementaire, que vingt pages de documents - que nous allons d'ailleurs publier pour témoigner de leur faible intérêt ?
Deuxièmement, si le contrat Agosta, comme certains le prétendent dans la majorité, a été conclu dans des conditions régulières, pourquoi ne pas lever le secret défense sur la totalité des documents qui s'y rapportent, au lieu de chercher à nous convaincre qu'il n'y a rien à voir parce que le Gouvernement en a unilatéralement décidé ainsi ?
Enfin, monsieur le Premier Ministre, êtes-vous d'accord pour réformer la Constitution afin de permettre aux commissions d'enquête parlementaires de travailler sur des informations judiciaires en cours, à l'instar de ce qu'avait proposé Édouard Balladur dans sa recommandation n°40 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Roland Muzeau. Glasnost !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le député, je sais, comme vous, la douleur des familles de nos compatriotes qui sont morts dans l'attentat de Karachi. Nous leur devons la vérité et nous devons tout faire pour que les deux juges d'instruction saisis de ce dossier puissent disposer de l'ensemble des éléments utiles à leur travail.
La commission de la défense de l'Assemblée nationale a en effet créé une mission d'information. Notre devoir est de respecter les textes, et ceux-ci sont clairs : dans le respect de la séparation des pouvoirs...
M. Jean-Marc Ayrault. Non !
M. Hervé Morin, ministre de la défense. ...et du secret de l'instruction, et en vertu de l'article 145 du règlement de votre assemblée, il ne nous était pas possible de fournir des documents susceptibles d'intéresser l'instruction et l'information judiciaires en cours. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Roland Muzeau. Omerta !
M. Christian Bataille. Le secret défense est un bien grand mot !
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le député, je souhaite que les deux juges d'instruction, MM. Jannier et Trévidic, puissent accéder à toutes les informations. J'ai déclassifié tous les documents dont la commission consultative du secret de la défense nationale a souhaité la déclassification. J'ai même indiqué aux deux juges, par un courrier que leur ont adressé mes services le 7 avril dernier, que je détenais un certain nombre de documents complémentaires susceptibles d'intéresser l'information judiciaire en cours. Le juge m'a fait savoir le 6 mai qu'il souhaitait la déclassification de ces documents, lesquels viennent donc d'être transmis à la commission consultative, à l'avis de laquelle je me tiendrai.
M. Christian Bataille. Et la mission parlementaire ?
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Je souhaite, comme vous, que toute la vérité soit faite sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Bernard Cazeneuve
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Défense
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 2010