politique agricole
Question de :
Mme Sylvia Pinel
Tarn-et-Garonne (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 20 mai 2010
AGRICULTURE
M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Sylvia Pinel. Monsieur le ministre de l'agriculture, le Président de la République semble redécouvrir que la France est une puissance agricole, et s'est lancé dans une opération séduction à l'égard des représentants de ce secteur. Dans son discours de Poligny, Nicolas Sarkozy faisait le constat - assez juste, reconnaissons-le, quoiqu'un peu tardif - non pas de la crise, mais de la grande détresse dans laquelle se trouve le monde agricole. En effet, les agriculteurs voient leurs revenus baisser dangereusement, sont écrasés par les dettes, et les aides accordées en fin d'année dernière sont aujourd'hui sacrifiées sur l'autel de l'austérité.
Cette semaine, le Président multiplie les rendez-vous avec les représentants du milieu agricole et de la distribution, alors même que le Sénat entame l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture, le quatrième en dix ans. Un air de déjà-vu entoure ces images de patrons de la grande distribution venant à l'Élysée se faire tancer pour leurs mauvaises pratiques, signer une charte qui ne les engage que moralement, et repartant avec la certitude que ces pratiques perdureront. Pourquoi ne pas avoir inscrit ces engagements dans la LMA ? Pourquoi ne pas recourir à d'autres mécanismes de modération des marges vraiment efficaces, telles que la mise en oeuvre de coefficients multiplicateurs ?
Le projet de loi du Gouvernement se situe dans le domaine de l'incantatoire, de l'intention, sans réelle vision prospective ; on prévoit la contractualisation, mais sans véritablement se donner les moyens de la rendre totalement effective.
Monsieur le ministre, je m'interroge sur le moment choisi pour aborder la discussion d'un tel texte : il vient soit trop tard si l'on considère l'ancienneté des problèmes, soit trop tôt au regard de la renégociation de la PAC. Dans une économie mondialisée et dérégulée, l'agriculture est un secteur où, plus qu'ailleurs, il est nécessaire d'encadrer les marchés au niveau communautaire.
Dès lors monsieur le ministre, que pèsera cette loi face à la concurrence internationale ? De quelles garanties disposeront nos agriculteurs face à l'insécurité de leurs revenus ? Quelles régulations comptez-vous mettre en place pour sauver l'agriculture française ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame Sylvia Pinel, je partage bien entendu votre diagnostic sur la situation de l'agriculture en France - semblable d'ailleurs à celle de beaucoup d'autres pays européens. Il s'agit d'une crise économique, mais aussi d'une crise morale puisque beaucoup d'agriculteurs doutent de l'avenir de l'agriculture en France. Le projet de loi de modernisation de l'agriculture que vous et vos collègues aurez à étudier dans quelques semaines apporte des réponses concrètes et nécessaires à la situation de l'agriculture française.
M. Jean Michel. Zéro !
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation. À cet égard, je tiens à vous rassurer sur un certain nombre de points.
S'agissant des négociations commerciales, notamment de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la filière commerciale des produits alimentaires, nous avons prévu des dispositifs qui sont contraignants. Les distributeurs se sont engagés, lundi dernier, à réduire leurs marges sur les fruits et légumes en cas de période de crise. Ils l'ont fait de manière volontaire, et je m'en félicite. Mais comme on n'est jamais trop prudent, il y aura dans la loi de modernisation un dispositif de taxation supplémentaire sur les surfaces commerciales qui s'appliquerait au cas où certains distributeurs ne respecteraient pas leur engagement. J'ose espérer que cette taxe n'aura jamais à être utilisée, mais nous avons ainsi prévu le verrou nécessaire.
Nous avons prévu également dans la loi la suppression des remises, rabais et ristournes. C'est concret. C'est important. Ce sera efficace. J'espère que vous voterez cette mesure.
Nous proposons aussi l'encadrement du prix après-vente parce que je refuse catégoriquement que trop de producteurs, aujourd'hui en France, vendent leurs produits à perte, sans couvrir leurs coûts de production, parce qu'ils cèdent leurs marchandises sans savoir combien elles vont être payées à la sortie. Dorénavant ils auront l'obligation d'avoir un contrat écrit. Même chose pour les autres contrats écrits que nous prévoyons dans le projet de loi : ils mentionneront un prix, un volume, une durée, ce qui, pour la première fois, permettra à tous les agriculteurs de savoir quel sera leur revenu non pas sur deux ou trois mois, mais sur plusieurs années.
Voilà quelles sont les dispositions que vous et vos collègues auront à étudier. Je vous garantis, madame Pinel, qu'elles sont crédibles et concrètes ; j'espère qu'elles vous rassureront et que vous pourrez donc y souscrire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Auteur : Mme Sylvia Pinel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Alimentation, agriculture et pêche
Ministère répondant : Alimentation, agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2010