Question au Gouvernement n° 2370 :
évasion fiscale

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 23 juin 2010

AFFAIRE BETTENCOURT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, nous assistons cet après-midi à une bien curieuse séance de questions au Gouvernement. En effet, Jean Mallot vous a posé des questions précises sur la fraude avouée de Mme Bettencourt (" Oh ! " sur plusieurs bancs du groupe UMP) et sur ses suites judiciaires et fiscales ; nous vous avons interrogé sur les poursuites que vous comptez engager contre M. de Maistre, qui a organisé l'évasion fiscale de Mme Bettencourt. Or vous nous avez servi, ainsi que M. Woerth, des réponses préparées, mais complètement décalées (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisque jamais nous ne vous avons interrogés sur l'éventuelle implication de M. Woerth. Ni le ministre du budget ni la garde des sceaux n'ont daigné répondre avec précision à nos questions.
A ce stade, mes chers collègues, rien n'indique que M. Woerth ait eu à connaître des manoeuvres fiscales de Mme Bettencourt. Encore faut-il, c'est une nécessité d'ordre public, que la lumière soit faite et les procédures fiscales et pénales ordonnées, afin que l'on connaisse la vérité sur cette affaire, qui peut être une affaire d'État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Jean-Marc Ayrault. Au-delà des suites judiciaires à donner à cette affaire - et vous y avez d'ailleurs fait allusion, monsieur le Premier ministre -, se pose un problème déontologique qui ne peut échapper au chef du Gouvernement : la question n'est pas celle de savoir si Mme Woerth a ou non le droit d'exercer une carrière professionnelle ; tout relève en fait du conflit d'intérêts entre les fonctions ministérielles exercées par M. Woerth, au service de l'État, et celles exercées par Florence Woerth auprès de la plus grosse fortune de France. Ce que je dis est du reste si évident que Mme Woerth a démissionné hier, et que c'est M. Woerth qui a choisi d'en faire l'annonce. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ajoute que ce conflit d'intérêts ne se limite pas à la profession de Mme Woerth ; il se prolonge dans le cumul de fonctions de son mari, ministre le jour, trésorier de l'UMP le soir. (" Eh oui ! " et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, comment souhaitez-vous, concrètement, mettre bon ordre à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie !
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président Ayrault, dans votre question,...
M. Bernard Roman. Répondez-y !
M. François Baroin, ministre du budget. ...j'ai du mal à faire le tri entre l'indigne, le déplacé, le décalé et l'irresponsable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous posez une première question, qui porte sur la situation de Mme Bettencourt, notamment sur sa situation fiscale.
M. Henri Emmanuelli. Cela ne suffira pas !
M. François Baroin, ministre du budget. Le secret fiscal - la conscience que nous en avons, l'exigence de respecter l'une des plus grandes libertés individuelles qu'est le lien intime entre n'importe quel citoyen ou contribuable et son administration - est très supérieur au secret des vestiaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Marc Ayrault. Vous pouvez parler !
M. François Baroin, ministre du budget. Le secret fiscal, c'est la protection d'une liberté publique individuelle. (Mêmes mouvements.)
M. Bernard Roman. N'importe quoi !
M. Patrick Roy. Zéro !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. François Baroin, ministre du budget. En tant que ministre du budget, responsable de l'administration fiscale, je ne peux répondre à une question sur la situation de tel ou tel. Si, d'aventure, monsieur Ayrault, je répondais à une question sur votre situation personnelle, sur celle de votre femme ou de votre voisin de palier, je serais condamnable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. Ce n'est pas le problème. Là, il s'agit d'une fraude !
M. François Baroin, ministre du budget. Vous seriez en droit de vous retourner contre moi et vous gagneriez devant la justice. C'est bien la raison pour laquelle nous devons protéger le secret fiscal.
M. Bernard Roman. Ah bravo ! Ça, c'est une réponse !
M. François Baroin, ministre du budget. Il y a une ligne, définie par l'administration fiscale, qui s'applique sur l'ensemble du territoire et qui vise à lutter contre tous les dispositifs de fraude. Ainsi, les patrimoines supérieurs à trois millions sont régulièrement, tous les trois ans, examinés par l'administration fiscale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Roman. La preuve !
M. Philippe Plisson. Bravo pour l'efficacité !
M. François Baroin, ministre du budget. Voilà un élément de réponse non nominatif qui devrait satisfaire votre curiosité que, dans ce contexte singulier, je peux qualifier de malsaine.
Précisons qu'un peu plus de 50 000 contrôles fiscaux sont effectués en France, dont un peu plus de 45 000 concernent les entreprises et 5 000 les particuliers. Seuls 1 000 dossiers sont transmis au parquet, et 4 000 sont réglés dans le cadre d'un redressement traditionnel. Voilà des éléments chiffrés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Roman. Répondez !

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Budget, comptes publics et réforme de l'État

Ministère répondant : Budget, comptes publics et réforme de l'État

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2010

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