Question au Gouvernement n° 2417 :
football professionnel

13e Législature

Question de : M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 2010

FOOTBALL ET RACISME

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Serge Letchimy. Monsieur le Premier ministre, la comparaison que vous avez faite entre les cas Bettencourt-Woerth et Bergé-Royal n'est pas, de mon point de vue, très correcte. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le problème n'est pas la légalité du financement, mais l'évident conflit d'intérêts pour un ministre qui pourrait se faire financer par les gens qu'il est censé contrôler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est cela qui est important.
M. Éric Straumann. Chasse à courre !
M. Serge Letchimy. Monsieur le Premier ministre, concernant les récents déboires de l'équipe de France de football, je crois utile de rappeler quelques principes fondamentaux pour ne laisser aucune place à la banalisation du racisme.
Chacun a pu constater qu'un inquiétant philosophe, des chroniqueurs, des responsables politiques, mettaient l'accent sur le fait que ces sportifs trop blacks, trop arabes ou trop musulmans, issus de surcroît de la banlieue ou des pays d'outre-mer, seraient foncièrement de la racaille, des caïds, des individus irrespectueux des valeurs et des règles. C'est une perspective rétrograde, scandaleuse et dangereuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous aurions pu ignorer ces outrances. Mais l'histoire nous a enseigné que, concernant le racisme, l'attentat trouve souvent son assise dans ce type de signifiances. C'est précisément ce manque de vigilance que dénonce le Conseil de l'Europe dans son rapport du 15 juin dernier sur la persistance des discriminations raciales en France.
Monsieur le Premier ministre, aucune voix officielle ne s'est élevée pour rappeler tout ce beau monde à la décence et dire : stop à l'ethnicisation du débat public ! La représentation nationale ne peut être complice de telles dérives dont les conséquences sociales ne sont pas mesurables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quant à la banlieue, elle a produit suffisamment de personnalités précieuses pour cesser de stigmatiser ceux qui y ont grandi.
On peut comprendre les amertumes, mais c'est justement dans l'épreuve, dans l'infortune, qu'il faut rappeler avec force que la République ne fonde aucune de ses valeurs sur la pureté raciale.
Alors, monsieur le Premier ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour que la diversité, qui fait la richesse de la France, ne soit plus désignée, à l'instar du plus méprisable des discours d'extrême-droite, comme étant un des facteurs, voire la cause même de sa déchéance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le député, je connais une équipe de France jeune, multiculturelle, en partie issue de l'immigration.
M. Julien Dray. Ce ne sont pas des caïds, alors ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Cette équipe de France a été exemplaire dans son comportement. Cette équipe de France est la meilleure de tous les temps.
M. Bruno Le Roux. Ce ne sont pas des caïds immatures ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Cette équipe de France, c'est l'équipe de handball, championne du monde, championne olympique, championne d'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Dans cette équipe-là, monsieur le député, il y avait un Karabatic, un Fernandez, un Abalo. Le sait-on ? Et même, s'en préoccupe-t-on ? Non, jamais.
Ces victoires et cette équipe ne sont pas celles de la France multiculturelle mais celle de la France tout court. (Applaudissements sur tous les bancs.) Dire que les différences ethniques, religieuses, sociales mènent inéluctablement à l'échec, c'est faire insulte à l'idée que je me fais du sport et surtout à l'idée que je me fais de mon pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et SRC.)
Je rejette cette offensive idéologique consistant à ethniciser les raisons de l'échec de l'équipe de France de football et à y voir un symptôme de l'échec de la France métissée. (" Et Bachelot ? " sur les bancs du groupe SRC.)
Je rejette ce procès que certains font à la banlieue ; je vous rappelle que les joueurs qui en sont issus l'ont quittée depuis fort longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Il faut cesser les amalgames qui remettent en cause la cohérence de notre nation. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
M. Christian Paul. Ça nous change d'Hortefeux !
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Le questionnement légitime des Français vis-à-vis de leur équipe n'a absolument rien à voir avec les origines ou la couleur de peau des joueurs. Depuis toujours, le football et le sport font surgir des figures de rassemblement qui transcendent les appartenances culturelles ou ethniques. Pensez à Kopa, pensez à Platini, pensez à Zidane.
Les joueurs de l'équipe de France de football ne se font pas insulter parce qu'ils sont d'origines diverses, mais parce que, insuffisamment préparés et encadrés, ils ont perdu leurs repères. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Données clés

Auteur : M. Serge Letchimy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sports

Ministère interrogé : Sports

Ministère répondant : Sports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 2010

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