Question au Gouvernement n° 2453 :
réforme

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 8 septembre 2010

RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, nous sommes dans une journée particulière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : des millions de Français manifestent aujourd'hui avec le soutien de 70 % de l'opinion publique.
Une réforme est nécessaire, mais pas celle-là. Une autre réforme, juste et durable, est possible. Cette réforme, vous auriez pu, vous auriez dû chercher à la construire avec l'ensemble du pays. C'est l'inverse qui s'est passé. Monsieur le Premier ministre, c'est une faute ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'accuse le Gouvernement (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) de ne pas avoir joué sincèrement le jeu de la négociation avec les syndicats comme avec les partis de l'opposition. Dans aucun pays la réforme des retraites n'a été conduite sur une période aussi courte et avec aussi peu de dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le résultat est une réforme injuste et qui, de votre propre aveu, n'est financée que jusqu'en 2018. Votre projet fait porter 95 % de la charge sur les salariés, 5 % sur les grandes fortunes. Vous programmez une baisse des pensions pour les chômeurs de plus de 55 ans ; vous précarisez les femmes ; vous ne prenez pas en compte la pénibilité ; vous privez les générations futures du fonds de réserve qui devait financer leurs propres retraites.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes une opposition responsable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons fait nos propositions. Nous souhaitons que le débat ait lieu sans esquive de votre part, raison pour laquelle nous n'interrogerons pas aujourd'hui votre ministre du travail sur les nouvelles mises en cause dont il fait l'objet.
Les syndicats qui vous font face ont également fait preuve d'une grande responsabilité. Nous revendiquons une réforme juste, c'est-à-dire qui ne repose pas sur les seuls salariés. Tous nos amendements vont dans ce sens.
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est courte et simple : acceptez-vous enfin d'engager la discussion sincère que les Français - qui se sont mobilisés de façon extraordinaire aujourd'hui - attendent de la représentation nationale et surtout de vous, du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Ayrault, dans notre démocratie, il est légitime qu'une question aussi fondamentale que celle des retraites suscite de vifs débats.
Je veux d'abord dire que ceux qui ont choisi de manifester aujourd'hui doivent être respectés.
M. Patrick Bloche. Encore heureux !
M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement entend leurs inquiétudes, écoute leurs propositions et il est ouvert au débat, pour peu que l'on ne perde pas de vue l'objectif de la réforme que nous proposons : faire en sorte en sorte que la retraite des Français soit payée demain, ce qui ne sera pas le cas si nous en restons au statu quo. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Ceux qui ont choisi de ne pas manifester doivent aussi être respectés. Je voudrais en particulier remercier ceux qui ont fait le choix d'assumer leurs responsabilités professionnelles, n'aggravant pas ainsi la situation économique et financière de notre pays. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs.)
Je veux d'ailleurs, mesdames et messieurs les députés, souligner au passage que notre démocratie a progressé grâce à une décision importante que vous avez prise, celle sur le service minimum, puisque aujourd'hui en France on peut d'un côté manifester son opposition, faire grève, et de l'autre côté, faire en sorte que le pays ne soit pas bloqué et que les usagers puissent, dans les meilleures conditions possibles, se rendre à leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La question des retraites - et vous le savez bien, monsieur Ayrault, il suffit de regarder ce qui se passe autour de nous - n'est pas de gauche ou de droite. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq. Ben voyons ! C'est une question de riches et de pauvres !
M. François Fillon, Premier ministre. C'est juste une question démographique (Nouvelles exclamations.) Si nous avons choisi de proposer d'augmenter à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite, c'est parce que depuis 1950 nous avons gagné quinze années de vie.
M. Roland Muzeau. Et alors ?
M. François Fillon, Premier ministre. C'est aussi parce que l'ensemble des pays européens, sans aucune exception, a choisi cette solution. Je dirai même plus : actuellement, dans la quasi-totalité des pays européens, le débat qui est engagé, et que vous appeliez de vos voeux, entre opposition et majorité, syndicats et patronat, porte sur l'éventualité de passer à 65, 66, 67 ou 68 ans. En proposant 62 ans, le Gouvernement a fait un choix à la fois raisonnable et incontournable pour assurer le financement des retraites des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Marc Dolez. Non !
M. François Fillon, Premier ministre. Alors, monsieur le président Ayrault, vous nous dites que nous allons maintenant débattre projet contre projet. Oui, c'est ici, à l'Assemblée nationale, dans votre assemblée, que se joue désormais le sort des retraites des Français et de la réforme que nous proposons.
Projet contre projet, article après article, argument contre argument, je vous demande de vous élever au-dessus des caricatures et des postures. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons confronter nos chiffres et nos propositions. C'est la fierté et l'honneur du Parlement - lui qui est le dépositaire de la souveraineté nationale - d'engager ce débat.
Cela étant, monsieur Ayrault, je voudrais terminer par cette remarque : un projet c'est important, mais la crédibilité de ceux qui le portent, c'est aussi important. (Rires, exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. Je vous en prie.
M. François Fillon, Premier ministre. Or, depuis 1993, la gauche n'a jamais tenu un seul des engagements qu'elle a pris en matière de retraite, et les Français doivent le savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En 1993, vous aviez promis d'abroger la réforme Balladur ; vous ne l'avez pas fait. En 2003, vous aviez promis d'abroger la réforme que nous avions portée ; vous l'avez désormais intégrée dans les propositions que vous faites. En 2007, vous avez combattu la réforme des régimes spéciaux ; dans votre projet, je n'ai trouvé aucune phrase visant à revenir sur cette réforme. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Tout se passe comme si, pour vous, la bonne réforme, c'était la précédente. Au moment où nous en proposons une nouvelle, celle que vous aviez combattue devient la bonne. J'espère que, cette fois-ci, vous saurez ne plus être en retard sur l'histoire. (Mmes et MM les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 septembre 2010

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