journalistes
Question de :
Mme Aurélie Filippetti
Moselle (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 20 janvier 2011
PROTECTION DES SOURCES DES JOURNALISTES
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le Premier ministre, le 4 janvier dernier, sur France Inter, le porte-parole du Gouvernement condamnait la loi sur les médias en Hongrie comme étant " incompatible avec l'application d'une certaine idée de la liberté de la presse validée par les traités européens ". Nous en sommes évidemment d'accord. La Cour européenne des droits de l'homme a considéré, en 1996, que la protection des sources des journalistes était la pierre angulaire de la liberté de la presse. Mais il faudrait que la loi française et la pratique du gouvernement français soient également exemplaires en la matière. Ce n'est pas le cas, nous venons de le constater suite à la plainte du journal Le Monde pour violation du secret des sources dans l'affaire Woerth-Bettencourt.
Je rappelle qu'un conseiller de la garde des sceaux avait vu la liste de ses communications téléphoniques réquisitionnées par les services secrets pour savoir s'il était la source d'un journaliste du Monde, et ce au mépris de la loi de 1991.
Mme Claude Greff. Ce n'est pas un journaliste !
Mme Aurélie Filippetti. La commission de contrôle des interceptions de sécurité, puis le directeur de cabinet du Premier ministre lui-même, avaient dû rappeler à l'ordre le ministère de l'intérieur à propos des factures détaillées recueillies auprès des opérateurs de téléphone.
Aujourd'hui, la plainte du Monde vient d'être classée sans suite par le parquet, ce qui pose plusieurs problèmes. Celui, d'abord, de l'indépendance du parquet dans une affaire aussi sensible et sujette à caution : il faut impérativement qu'un juge d'instruction enquête désormais sur cette affaire, comme le demande le journal Le Monde. Celui, ensuite, de l'insuffisance de la loi sur la protection des sources que vous avez fait voter et contre laquelle nous nous étions dressés.
Nous aurions pu au moins espérer que cette loi, à défaut de garantir une protection juridique suffisante, vous ferait changer votre pratique de l'indépendance - ou de la non-indépendance - des journalistes ; il n'en est rien, les pressions continuent.
M. Jean-Marc Roubaud. C'est faux !
Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le Premier ministre, les grands discours suffisent. Si vous prétendez garantir la liberté de la presse, il faut une loi efficace. Celle-ci ne l'est pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la députée, vous avez raison de dire que le parquet de Paris a classé sans suite, mardi, la plainte du journal Le Monde...
M. Henri Emmanuelli. Un hasard, bien sûr !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. ...parce que les infractions n'étaient pas juridiquement constituées. La plainte visait notamment la violation du secret des sources.
La loi du 4 janvier 2010 a constitué une avancée majeure en consacrant le principe de la protection du secret des sources journalistiques. Ce principe de portée générale apporte des garanties procédurales et une réelle protection des sources dans le cadre d'enquêtes judiciaires. Par exemple, il est interdit, comme vous l'avez rappelé, de recourir à des perquisitions ou à des écoutes téléphoniques afin de découvrir la source d'un journaliste dans une enquête portant sur des faits de violation du secret professionnel.
M. Maxime Gremetz. Si seulement c'était vrai !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En d'autres termes, un tel acte d'enquête peut systématiquement faire l'objet d'une requête en annulation et être écarté de la procédure. Mais il est exact que la loi de janvier 2010 n'a pas créé de nouveau délit.
La décision de classement du parquet peut naturellement être contestée, ce qui est la seule façon de mettre en échec une décision de justice. Deux voies de recours sont ouvertes : l'une devant le procureur général près la Cour d'appel de Paris, l'autre consistant à se constituer partie civile devant le doyen des juges d'instruction. C'est d'ailleurs, je crois, ce qui a été fait. Désormais, un magistrat indépendant suivra cette affaire.
Auteur : Mme Aurélie Filippetti
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : Justice et libertés
Ministère répondant : Justice et libertés
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2011