Tunisie
Question de :
Mme George Pau-Langevin
Paris (21e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 2011
LIVRAISONS À LA TUNISIE
M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme George Pau-Langevin. Monsieur le Premier ministre, nous vous avons interrogé hier à deux reprises, par la voix de nos collègues M. Gorce et M. Le Roux, sur la nature de la coopération entre le Gouvernement français et le régime de M. Ben Ali au moment même où ce dernier réprimait les manifestations de son peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous avons notamment interrogé sur la réalité d'une livraison de sept tonnes d'armes que votre gouvernement aurait autorisées.
Aujourd'hui, un grand quotidien du soir nous apprend que ce ne serait pas une mais quatre livraisons qui ont été autorisées par les ministères de la défense, de l'intérieur, des finances et des affaires étrangères. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Roman. C'est du beau !
M. Franck Gilard. Ce n'est pas le Journal officiel !
Mme George Pau-Langevin. Or, que nous a répondu hier Mme Alliot-Marie ? Elle nous a dit : " En matière de police, les choses sont très claires. Nous entretenons avec la Tunisie une coopération extrêmement faible, essentiellement institutionnelle, qui se situe dans le cadre d'Interpol. " Ce qui nous semble clair, c'est que Mme Alliot-Marie ne nous a pas dit toute la vérité. Est-ce dans le cadre d'Interpol que ces livraisons d'armes sont intervenues ?
Ce que nous demandons, c'est de comprendre quand et pourquoi ces livraisons d'armes ont été autorisées, et pourquoi, alors que les morts se comptaient par dizaines, ce sont les douanes françaises, de leur propre chef, et non pas le Gouvernement, qui ont bloqué le départ de ces armes le 14 janvier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, les accusations que vous portez depuis deux jours sont des accusations sans fondement (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui déshonorent ceux qui les portent, et je vais m'en expliquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Premièrement, il n'y a eu aucune exportation de matériel de maintien de l'ordre - et nous ne parlons pas d'armes, évidemment -, ni au mois de décembre 2010 ni au mois de janvier 2011. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Deuxièmement, les exportations de matériel de maintien de l'ordre dans notre pays ne sont pas soumises à la même procédure d'autorisation que les exportations d'armes, et vous le savez très bien. Ce sont des exportations contrôlées par les douanes. En l'occurrence, les exportations ont fait l'objet, de manière normale, d'un contrôle des douanes... (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Bernard Roman. C'est nouveau, ça ! (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. François Fillon, Premier ministre. Écoutez la réponse !
Les douanes ont constaté que le contenu des envois d'entreprises françaises au Gouvernement tunisien n'était pas conforme aux documents et aux autorisations qui avaient été données. Ces matériels ont donc été bloqués. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Lemasle. Ça rame !
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !
M. François Fillon, Premier ministre. Entrons dans le détail : il s'agissait de grenades lacrymogènes, d'uniformes de police et de matraques. (Mêmes mouvements.)
À présent, j'aimerais que le parti socialiste, avant de poser de telles questions et d'accuser, comme l'ont fait hier les députés socialistes, le Gouvernement d'avoir autorisé des exportations d'armes en Tunisie - j'ai même entendu parler hier d'armes à feu -, fasse preuve d'un peu plus de prudence et regarde ce qui s'est passé les années précédentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. André Schneider. Eh oui !
Plusieurs députés du groupe SRC. Répondez à la question !
M. François Fillon, Premier ministre. Entre 1997 et 2002, ont été livrés au ministère de l'intérieur tunisien des grenades éblouissantes, des grenades fumigènes, des grenades à main fulgurantes, des pistolets de calibre 9 mm, des pistolets automatiques, des fusils d'assaut automatiques. (" Eh oui ! " et huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues !
M. François Fillon, Premier ministre. Voulez-vous que je continue la liste ? À destination de la Présidence de la République, ont été livrés des fusils semi-automatiques, des fusils à pompe à répétition, des gilets pare-balles et des menottes en plastique.
M. Bernard Roman. Il n'y avait pas de morts dans les rues !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous n'avons pas pratiqué ces exportations à destination de la Tunisie dans la période que vous évoquez. Vous devriez avoir honte de proférer de telles accusations. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elles sont déshonorantes pour vous et elles ne servent pas la France ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP et plusieurs députés du groupe Nouveau Centre se lèvent pour applaudir. - Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Auteur : Mme George Pau-Langevin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2011