Question au Gouvernement n° 2936 :
Tunisie

13e Législature

Question de : M. Olivier Dussopt
Ardèche (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 3 février 2011

TUNISIE

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Olivier Dussopt. Monsieur le Premier ministre, le 28 juin, dans un courrier qu'il vous a adressé, le Président de la République avait menacé de sanctions les ministres ne respectant pas les règles éthiques, notamment sur leurs frais privés. Il avait promis une République irréprochable et nous sommes aujourd'hui face à une complaisance coupable qui amène vos ministres à ne pas dire toute la vérité.
Ainsi Mme Alliot-Marie a-elle justifié avoir utilisé, lors de ses vacances privées, le jet d'un homme d'affaires, M. Miled, associé à plusieurs membres du clan Ben Ali en Tunisie, en le présentant comme une victime du régime. Drôle de victime que cet homme, membre du comité central du parti au pouvoir, qui a signé une pétition pour Ben Ali et financé sa campagne, et dont la Suisse a gelé les avoirs le 19 janvier dernier !
Deuxième exemple, alors que Mme Alliot-Marie, toujours elle, avait affirmé, devant nous, que la coopération avec la police tunisienne était restée dans le seul cadre d'Interpol, vous l'avez vous-même démentie. Dans un courrier adressé, le 31 janvier, au président du groupe socialiste vous reconnaissez que des livraisons de matériel de maintien de l'ordre ont été autorisées par votre gouvernement. Vous précisez que quatre autorisations ont été délivrées : deux le 8 novembre, deux autres le 12 janvier, soit deux jours avant la fuite de Ben Ali et le lendemain des déclarations fracassantes de Mme Alliot-Marie.
M. Jean-Pierre Brard et M. Bernard Roman. Scandaleux !
M. Olivier Dussopt. Ces dernières livraisons n'ont pas eu lieu uniquement à cause d'un contrôle du service des douanes. Le ministère des affaires étrangères n'a suspendu les autorisations que le 18 janvier, soit quatre jours après la chute du régime.
Le soutien sans faille à un régime dictatorial, des voyages privés et controversés, le fait de ne pas dire toute la vérité sur la coopération, tout cela discrédite la parole de la France et fait que notre pays n'est plus entendu en Tunisie et dans tous les pays qui aspirent à la démocratie. C'est une faute diplomatique, mais c'est aussi une faute économique quand on connaît l'ampleur des investissements des entreprises françaises dans les pays en question et le risque qui pèse sur leur implantation.
Pour rétablir un dialogue de confiance avec toute une région du monde, monsieur le Premier ministre, votre ministre des affaires étrangères est disqualifiée. Allez-vous prendre vos responsabilités et nommer un nouvel interlocuteur pour nos partenaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Plusieurs députés du groupe SRC. Démission !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Dussopt, compte tenu de l'ensemble des mensonges proférés ces derniers jours, je comprends que certains puissent s'interroger. Votre question va me permettre de rétablir la vérité, parce je n'ai pas l'intention de laisser dire n'importe quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Briand. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. J'ai déjà montré qu'avec le Premier ministre nous avons été les premiers à dénoncer l'usage disproportionné de la force et à regretter les violences. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez attendu le départ de M. Ben Ali pour vous exprimer, et vous avez attendu encore trois jours pour l'exclure de l'Internationale socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En ce qui concerne les livraisons, je vous rappelle - le Premier ministre vous l'a dit - qu'il n'y a eu aucune livraison de matériel soumis à des autorisations en Tunisie en décembre ou en janvier.
Je vous rappelle aussi que si je prends parfois mes vacances en Tunisie c'est à mes frais s'agissant tant du voyage que de l'hôtel.
En ce qui concerne, enfin, le problème de l'avion que vous soulevez et les relations amicales que je peux avoir avec certains, je veux simplement dire une chose. Arrivant après Noël à Tunis, un ami qui allait à Tabarka, lieu final de destination, avec son avion, m'a effectivement proposé de voyager avec lui puisqu'il avait des places plutôt que de faire deux heures de voiture. Il n'a à aucun moment mis son avion à ma disposition. Je l'ai accompagné pendant vingt minutes de trajet en avion. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Cette personne, que vous osez aujourd'hui attaquer, est un chef d'entreprise respecté en Tunisie, d'autant plus respecté d'ailleurs que, après avoir été spolié par M. Trabelsi, qui a en effet pris de force une partie de son capital et sa présidence, cette même personne a été, la semaine dernière, rétablie dans ses droits par le gouvernement tunisien. Monsieur le député, céder à la facilité de jeter l'opprobre face à des contrevérités ne vous grandit pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Données clés

Auteur : M. Olivier Dussopt

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes

Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2011

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