coût du travail
Question de :
Mme Aurélie Filippetti
Moselle (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 2 mars 2011
COÛT DU TRAVAIL ET POLITIQUE INDUSTRIELLE
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le Premier ministre, quand vous n'expliquez pas tous les maux de la France par les trente-cinq heures, vous incriminez le coût du travail.
Ainsi, vous nous aurez rebattu les oreilles avec cette légende selon laquelle les ouvriers français coûteraient trop cher par rapport à leurs concurrents européens, en particulier allemands. Trop payés, les ouvriers français ? Ceux dont le salaire stagne depuis des années apprécieront.
Il a suffi qu'un organisme proche du patronat instrumentalise quelques résultats tronqués et erronés sur le coût du travail en France et en Allemagne, pour qu'aussitôt la présidente du MEDEF puis le ministre de l'industrie reprennent en choeur la même antienne : " Le problème de l'industrie en France, c'est celui des salaires. "
Heureusement, l'INSEE a rétabli hier cette réalité que tous les ouvriers de l'industrie de notre pays connaissent trop bien : non seulement, en France, le coût horaire du travail n'est pas supérieur à celui de l'Allemagne, mais il lui est même légèrement inférieur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pensiez-vous donc pouvoir construire une réelle politique industrielle sur la seule obsession des coûts et sur le dumping salarial ? C'est pourtant ce que vous répétiez hier encore à Troyes.
Puisque vous regardez de l'autre côté du Rhin, sachez que les Allemands multiplient cette année les augmentations de salaires. Leur succès industriel consiste à exporter des produits de qualité à forte valeur ajoutée. Mais, pour parvenir à un tel résultat, il faut des compétences, de l'innovation, de la formation. Or, cela a un prix.
Avec votre vision de la compétitivité par les coûts, où s'arrêtera-t-on ? Vous mettrez bientôt en concurrence les salaires français avec les salaires chinois ou indiens.
Venez donc en Moselle voir les dégâts provoqués par cette politique ! Venez à la SAFE d'Hagondange constater que, lorsqu'il n'y a plus d'investissements, nos entreprises s'écroulent !
Combien de rapports de l'INSEE vous faudra-t-il pour abandonner enfin votre litanie sur le coût du travail et mettre en oeuvre une véritable politique industrielle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la députée, combien de temps vous faudra-t-il pour voir la réalité des choses ? Bien évidemment, vous pouvez toujours faire toutes les comparaisons du monde avec des pays qui n'ont pas les mêmes systèmes de protection sociale que nous.
Joignez plutôt vos efforts aux nôtres pour faire avancer les travaux entrepris dans le cadre du G20 afin que l'emploi soit une priorité, en particulier celui des plus jeunes et des plus démunis, et pour instaurer un socle de protection sociale dans chacun des pays du monde. Tels sont nos objectifs.
Au lieu de rester dans la critique permanente et dans l'admonestation, ou plutôt dans la nostalgie des trente-cinq heures (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), vous pourriez accompagner ce mouvement de l'histoire.
Cela dit, il faut bien reconnaître que la question du coût du travail se pose dans notre pays ; c'est une évidence. Les trente-cinq heures ont bien failli, en leur temps, couler complètement l'économie française. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette époque n'est pas si lointaine qu'il soit superflu de vous rappeler que les trente-cinq heures ont non seulement augmenté les coûts de production, mais encore bloqué les salaires pendant des années et des années. Ce sont finalement les ouvriers qui ont fait les frais de cette politique, et ce sont eux qui vous ont durement sanctionnés en 2002. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour notre part, nous voulons à la fois baisser le coût du travail et augmenter le pouvoir d'achat des Français. En faisant reculer le chômage et en utilisant les heures supplémentaires, nous pouvons distribuer davantage de pourvoir d'achat.
Quand sortirez-vous des postures et de la nostalgie des trente-cinq heures ? L'industrie française a besoin de courage et d'innovation, pas de discours passéistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Auteur : Mme Aurélie Filippetti
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi et santé
Ministère répondant : Travail, emploi et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 mars 2011