filiation
Question de :
Mme Marie-Odile Bouillé
Loire-Atlantique (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 9 mars 2011
ACCOUCHEMENT SOUS X
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le Premier ministre, ce 8 mars, journée des femmes, est avant tout la journée de leurs luttes, notamment pour disposer librement de leur corps, choisir leur grossesse, et choisir d'être mères.
Le 26 février dernier, la cour d'appel d'Angers a rendu un arrêt historique en confiant la garde d'un enfant né sous X à ses grands-parents, après lui avoir retiré le statut de pupille de l'État. La mère biologique a pu s'exprimer à juste titre en confiant qu'elle se sentait trahie : " La justice m'a trahie ", a t-elle dit.
Trahison, en effet, pour cette femme qui avait fait le choix d'accoucher dans l'anonymat, car cette décision bafoue totalement le choix qui fut le sien. Cette décision bafoue tout autant la loi, car elle fait éclater les règles qui encadrent l'accouchement sous X, dont la garantie de l'anonymat avait été maintenue jusque dans la loi de 2002 sur l'accès aux origines. Une fois de plus, c'est le compassionnel qui a gagné.
Cette remise en cause provoque beaucoup d'inquiétudes pour le droit des femmes. Nous savons que le choix des femmes d'accoucher sous X est un choix très difficile, toujours dramatique. Dans ma vie professionnelle de sage-femme, j'ai eu l'occasion d'en être le témoin. Les motivations sont diverses, mais toujours signes d'une très grande souffrance et de situations inextricables, sans issue pour la femme. C'est bien parce que ce choix est très difficile qu'il doit être résolument protégé.
Nous sommes nombreux, parlementaires, citoyens, organisations comme le planning familial, à craindre que cet arrêt ne signe la fin de l'accouchement sous X. Nous savons aussi que certains veulent remettre en cause l'anonymat. Tout cela n'est sans doute pas un hasard. Reverra-t-on des femmes contraintes d'accoucher en secret, seules, n'importe où, au risque de leur vie et de celle de leur enfant ?
Alors, je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, pour vous demander de prendre clairement position afin d'empêcher toute remise en cause de ce droit des femmes, reconnu par la loi, et qui, pour certaines d'entre elles, est l'ultime solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe UMP.)
M. Noël Mamère. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la députée, bien sûr, nous pouvons tous comprendre ici la volonté exprimée par des enfants de connaître leur identité biologique. Pour autant, le droit à accoucher sous X est un droit irréfragable des femmes, et il nous faut le protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La loi de 2002 était arrivée à un équilibre intéressant, en donnant aux femmes qui accouchent sous X la possibilité de laisser des informations non identifiantes, ou de laisser, sous pli scellé, des informations identifiantes. Je dois dire que cette loi a obtenu d'excellents résultats, puisque, parmi les 600 femmes qui accouchent sous X chaque année, 26 % seulement ne laissent pas d'informations, identifiantes ou non.
Mme la députée Brigitte Barèges a conduit des travaux très intéressants sur la question délicate de l'accouchement sous X. Nous voyons que certains pays instaurent des dispositions du style " boîte à bébés ", qui ne sont pas à retenir, car les femmes ne sont pas du tout accompagnées. Nous voyons au contraire que d'autres pays suivent la France dans le choix d'un système qui assure un véritable accompagnement des femmes. Je crois que c'est cela que nous devons mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Mme Barèges de poursuivre ses travaux pour accompagner ces femmes qui accouchent sous X, pour les inciter à laisser ces informations, identifiantes ou non identifiantes, et à avoir un vrai suivi médical et psychologique. Mais croyez, madame la députée, que nous allons protéger ce droit des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Marie-Odile Bouillé
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Solidarités et cohésion sociale
Ministère répondant : Solidarités et cohésion sociale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 mars 2011