marchés financiers internationaux
Question de :
M. Laurent Fabius
Seine-Maritime (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 24 janvier 2008
CRISE FINANCIÈRE
M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, les événements financiers de ces derniers jours, et encore d'aujourd'hui, conduisent chacune et chacun d'entre nous, comme responsables publics, à analyser cette situation et à faire des propositions.
Il faut le faire, et cela a été dit hier, sans catastrophisme, parce que cela ne conduit nulle part, mais aussi en évitant de pratiquer une espèce de méthode Coué, comme si ces événements ne concernaient pas la France, alors qu'ils nous concernent.
Dans cet esprit, je voudrais, monsieur le Premier ministre, formuler quelques propositions.
La première, au niveau français, c'est de vous demander, comme cela a été fait hier par François Hollande, de bien vouloir, dans les meilleurs délais, nous présenter des hypothèses et des objectifs économiques qui soient en ligne avec ces événements. Car chacun doit constater que les hypothèses passées ne sont plus très crédibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Deuxième proposition : dans ce cadre, nous souhaitons qu'une action particulière soit menée en direction des PME, qui vont souffrir de la contraction du crédit, et en direction des ménages, aussi bien des salariés, à travers la prime pour l'emploi, que nous avons créée, que des personnes âgées, des retraités, qui ont besoin d'une revalorisation de leurs pensions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Au niveau européen, car tout est lié, nous souhaitons, monsieur le Premier ministre, que, à travers l'Eurogroupe, et très rapidement, une position soit prise en direction de la Banque centrale européenne pour qu'il soit mis fin à cette attitude dogmatique - on l'a vu encore aujourd'hui - qui aurait pour effet, si elle était maintenue, que la crise financière européenne deviendrait une crise européenne. De cela, nous ne voulons pas. Et c'est de la responsabilité de la Banque centrale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
De la même façon, quatrième proposition, nous souhaitons qu'une position commune des pays européens soit prise en direction des fonds souverains, parce qu'ils ont les moyens financiers, dans ce contexte, de ramasser de grandes entreprises et de grandes banques.
M. François Goulard. Appelons le FMI !
M. Laurent Fabius. Enfin, sur le plan international, nous demandons qu'on assure la transparence sur les règles financières et bancaires et sur les agences de notation.
Sixième proposition, nous souhaitons que le Fonds monétaire international se voie confier, sur ces sujets, une mission d'alerte et de traitement.
M. le président. Merci, cher collègue.
M. Laurent Fabius. Ce que je veux dire, et je conclurai par là, monsieur le président, c'est que toutes ces propositions exigent que l'on ait un regard critique sur ce que certains appellent l'hyper-capitalisme financier, où la finance finit par tuer l'économie, et qui donne l'exemple très dommageable d'un mélange de laisser-faire, de cupidité et d'incompétence.
M. le président. Merci.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : voici nos propositions, quelles sont les vôtres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le député Fabius, je ne doute pas que vous soyez instruit par les fruits de l'expérience. Car en 2001, vos prévisions de croissance avaient été réduites de moitié, compte tenu des turbulences financières résultant de la bulle Internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jérôme Lambert. C'est de mauvais augure pour vous !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. En revanche, nos conclusions diffèrent un peu. En effet, nous pensons que l'économie française...
M. François Hollande. Elle va bien ! Tout va bien !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. ...se caractérise par un certain nombre de chiffres que je voudrais partager avec vous : une hausse de la consommation de 2 % au mois de décembre ; plus de 321 000 créations d'entreprises en 2007 ; plus de 312 000 créations d'emplois en 2007 ; un chômage en baisse, qui est passé, enfin, sous la barre des 8 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Qu'avons-nous fait, dans ce contexte, avant et mieux, probablement, que les États-Unis ? Nous avons voté une loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, qui nous permet aujourd'hui de réinjecter de l'activité économique et du pouvoir d'achat, et de remettre le travail au coeur de l'économie française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jérôme Lambert. Revenez sur terre !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Aujourd'hui, plus de 50 % des entreprises de plus de 10 salariés utilisent le mécanisme des heures supplémentaires que vous avez tant décrié en son temps.
Je ne voudrais pas mettre sous le boisseau vos propositions, monsieur le député Fabius. Mais je constate simplement que, sur certaines d'entre elles, nous sommes d'accord, en particulier en matière de transparence.
Le Président de la République, le Premier ministre, moi-même sommes à la manoeuvre, et le sommes depuis un certain temps. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jérôme Lambert. Une manoeuvre qui va dans le mur !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Nous proposons plus de transparence s'agissant des instruments financiers et de tous les établissements financiers, en France comme ailleurs.
Il y a de mauvaises surprises, et c'est mieux ainsi, car c'est comme cela que nous pouvons rétablir la confiance dans l'économie réelle, qui, elle, fonctionne bien.
En matière de gouvernance, nous avons aussi demandé une meilleure régulation au niveau des superviseurs bancaires.
Enfin, en matière de régulation, nous demandons que les agences de notation, en particulier, soient mieux régulées, parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui en Europe.
J'ai toujours grand intérêt à vous entendre, monsieur le député Fabius. J'ai aussi intérêt à vous lire. En 2002, vous disiez ceci : " Nous devons donner le signal d'une démarche et d'une détermination pour obtenir la croissance la plus soutenue possible. " C'est ce que nous faisons, et nous le faisons avec la détermination de réformer la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
(Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche entonnent, sur l'air de Tout va très bien, madame la marquise : " Tout va très bien, tout va très bien ! ".)
M. le président. Je vous en prie, chers collègues, songez à l'image que vous donnez aux Français qui nous regardent !
Auteur : M. Laurent Fabius
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Marchés financiers
Ministère interrogé : Économie, finances et emploi
Ministère répondant : Économie, finances et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2008