gouvernement
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 26 mars 2008
POLITIQUE ÉCONOMIQUE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas les sondages qui se sont exprimés, mais les Français, qui viennent de vous adresser un message clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ils ont sanctionné votre politique. Leurs inquiétudes sont nombreuses et légitimes, ils n'ont cessé de le répéter durant toute la campagne.
M. Lucien Degauchy. Ne vous réjouissez pas trop vite ! Cela ne va pas durer !
M. Jean-Marc Ayrault. Nous leur devons, vous leur devez la vérité sur la crise économique et financière dont tout le monde sent bien aujourd'hui la gravité.
Depuis deux mois, nous vous demandons un débat mais, jusqu'à présent, vous vous y êtes dérobé.
Après un premier refus le 4 février par une lettre que vous m'avez adressée, vous récidivez aujourd'hui dans un nouveau courrier que vous venez de me faire parvenir et que je veux porter à la connaissance de l'Assemblée nationale tant il illustre votre imprévoyance.
Je cite cette lettre datée du 25 mars : " Si la situation financière internationale est naturellement préoccupante, rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que les objectifs du projet de loi de finances pour 2008 ne sont plus valables. " Et vous ajoutez : " si nous sommes attentifs aux évolutions de la conjoncture, elles ne nous conduisent naturellement pas à remettre en cause notre politique ". (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Lucien Degauchy. Cessez de fanfaronner !
M. Jean-Marc Ayrault. Je suis stupéfait par cette obstination dans l'erreur. Vous osez affirmer que la France est épargnée par la crise. Est-ce alors que tous les indicateurs sont déréglés depuis des mois ? Vous continuez d'afficher des prévisions de croissance pour 2008 supérieures à 2 % alors que le FMI, la Commission européenne et l'INSEE ne cessent de répéter que les hypothèses de croissance sont inférieures à 2 % : ils prévoient entre 1,5 % et 1,7 %.
Le doute sur votre politique économique ne cesse de grandir. Même votre ministre de l'économie a été obligée d'admettre la semaine passée que l'hypothèse de croissance devait être revue à la baisse.
Monsieur le Premier ministre, le temps de l'esquive est révolu. C'est aux Français que vous devez répondre de vos erreurs de diagnostic et de politique économique, qui vous rendent responsable de la détérioration de la situation financière et sociale de notre pays.
Oui, monsieur le Premier ministre, ce débat n'est pas seulement comptable, il touche à la vie des Françaises et des Français, notamment à travers les nouveaux sacrifices que vous allez leur demander.
Le groupe socialiste, radical et citoyen propose de consacrer sa séance d'initiative parlementaire de jeudi prochain à ce débat. Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, serez-vous personnellement présent à ce débat, participerez-vous à ce dialogue avec l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lucien Degauchy. Démago !
M. le président. Merci de conclure, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Dans l'hypothèse où votre présence ne serait pas possible ce jeudi, à quelle date seriez-vous prêt à conduire ce débat avec l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les Français ont droit au respect et à la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, le parti socialiste réclame un débat sur la situation économique et sociale. C'est son droit. Je prends acte d'ailleurs que vous en fixez l'heure et la date avant même d'avoir reçu la réponse à la question que vous posiez au Gouvernement.
M. Jérôme Chartier. Exactement !
M. le Premier ministre. Pourquoi donc tant de fébrilité ? Sans doute parce que vous n'avez cessé durant la campagne des municipales et des cantonales d'annoncer aux Français un plan de rigueur qui n'a pas plus de chance, ou de risque, d'aboutir que l'augmentation de la TVA que vous aviez annoncée durant la campagne des législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Bernard Roman. C'est Borloo qui avait parlé de la TVA !
M. le Premier ministre. Oui, monsieur Ayrault, nous sommes ouverts au débat, tous les jours, ici, dans cet hémicycle ou devant la commission des finances, qui est présidée, je vous le rappelle, par l'un des vôtres. Nous sommes attentifs à la conjoncture internationale et nous avons pris des initiatives pour améliorer la sécurité des systèmes financiers ou pour améliorer la coopération européenne et internationale. Mais, au-delà de la conjoncture, nous nous en tenons au cap que nous nous sommes fixé, que nous avons fixé avec les Français, et ce n'est pas au premier coup de vent que nous allons en changer.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
M. le Premier ministre. Ce cap, monsieur Ayrault, il est fixé dans la loi de finances pour 2008. Ce cap, c'est d'abord la maîtrise des dépenses. Qu'est-ce que le parti socialiste propose d'autre ?
M. Lucien Degauchy. Rien !
M. le Premier ministre. Est-ce que le parti socialiste propose d'augmenter la dépense ? Est-ce qu'il propose de ne pas respecter les engagements que nous avons pris envers nos collègues européens ? Est-ce que le parti socialiste propose de continuer à tirer des chèques sur l'avenir de nos enfants en augmentant la dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Aucune de ces solutions ne serait responsable.
Ce cap, c'est ensuite la maîtrise des prélèvements obligatoires. C'est la première condition de la défense du pouvoir d'achat des Français. Avant de donner des leçons sur le pouvoir d'achat des Français, il faut commencer par accepter ensemble de maîtriser et de baisser les prélèvements obligatoires.
M. François Hollande. Vous ne le faites pas !
M. Bernard Roman. Vous faites l'inverse !
M. le Premier ministre. J'espère que tout le monde sera d'accord sur cet objectif, tout le monde et partout sur le territoire national - on en jugera dans les prochaines semaines.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
M. Régis Juanico. Lamentable !
M. le Premier ministre. Ce cap, c'est enfin la croissance, parce que seule une politique de croissance nous permettra de retrouver les marges de manoeuvre dont nous avons besoin. Nous avons commencé avec les heures supplémentaires - qui touchent aujourd'hui 60 % des entreprises françaises -, ...
M. Michel Sapin. Comme hier !
M. le Premier ministre. ...avec la réforme du crédit impôt recherche et avec la réforme du service public de l'emploi.
Et nous allons continuer, d'abord avec la loi de modernisation de l'économie. Je vous donne rendez-vous, monsieur Ayrault. À l'occasion de ce débat, le Gouvernement et la majorité feront des propositions. Nous attendons avec impatience les propositions du parti socialiste pour améliorer le fonctionnement de l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous poursuivrons avec la réforme du marché du travail et avec celle du temps de travail.
Cette politique, c'est celle qui a été validée par les Français à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives.
M. Christian Bataille. C'est faux !
M. le Premier ministre. C'est celle que nous allons mettre en oeuvre. Nous allons la mettre en oeuvre pendant la législature parce que les difficultés et le retard de notre pays sont dus non pas à la crise financière mais à un défaut trop fréquent, que vous illustrez dans votre impatience et votre fébrilité, celui de piloter à vue, en fonction de la conjoncture à court terme, alors qu'il faut au contraire se fixer des objectifs et s'y tenir. C'est ce que nous allons faire avec la majorité et nous vous invitons à nous y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2008