Question au Gouvernement n° 401 :
croissance

13e Législature

Question de : M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 27 mars 2008

SITUATION ÉCONOMIQUE

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, à l'occasion des élections municipales et cantonales, les Français vous ont adressé un double message. Ils vous ont dit que votre politique était injuste et qu'elle ne marchait pas, notamment sur la question majeure du pouvoir d'achat.
À travers ces scrutins, ils ont affirmé leur exigence d'équité et d'efficacité. Vous ne pourrez leur répondre qu'en remettant en cause le paquet fiscal que vous avez fait voter au mois de juillet dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est en effet la cause de toutes les difficultés que vous rencontrez...
M. Lucien Degauchy. C'est faux !
M. François Hollande. ...et le symbole de toutes les injustices (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) puisqu'il se caractérise par la quasi-suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune,...
M. Richard Mallié. N'importe quoi !
M. François Hollande. ...l'exonération d'impôts sur la transmission des grosses successions et le renforcement du bouclier fiscal.
M. Jean Auclair. Démago ! Irresponsable !
M. le président. Monsieur Auclair !
M. François Hollande. Or le paquet fiscal n'a eu aucun effet sur la croissance économique (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et vous venez d'en faire l'aveu, sinon dans cet hémicycle puisque vous n'avez pas répondu hier à M. Ayrault qui vous interrogeait sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais dans une interview accordée au magazine L'Express, au cours de laquelle vous revoyez l'objectif de croissance à la baisse d'un demi point.
Mais les faits sont là : la croissance sera bien inférieure en 2008 à ce qu'elle était en 2007.
M. Lucien Degauchy. Démago !
M. Jean Auclair. Cela vous fait plaisir, monsieur Hollande !
M. François Hollande. Plus grave encore, le paquet fiscal prive l'État de toute marge de manoeuvre, alors qu'il est perclus de dettes...
M. Jean Marsaudon. À cause de vous !
M. François Hollande. ...et handicapé par un déficit que vous avez laissé filer et que - vous en faites aussi l'aveu - vous allez laisser dériver en 2008.
M. Lucien Degauchy. N'importe quoi !
M. François Hollande. Quant à la dette de la sécurité sociale - 13 milliards d'euros -, vous allez subrepticement la transférer à l'État alors qu'une loi, que vous avez fait voter, vous fait pourtant obligation d'instaurer une contribution sur le remboursement de la dette sociale. Mais, au-delà de ces manoeuvres budgétaires, ce sont nos enfants qui vont payer demain les dettes d'aujourd'hui de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. le président. Quelle est votre question, monsieur Hollande ?
M. François Hollande. Alors, monsieur le Premier ministre, je vous demande de renoncer au paquet fiscal, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - " Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. Lucien Degauchy. Irresponsable !
M. François Hollande. ...pour le redéployer et l'affecter au désendettement de l'État, à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français, à l'investissement.
M. le président. Merci, monsieur Hollande. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. François Hollande. Attendez, monsieur le président. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous êtes aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, confronté au dilemme suivant : ou vous laissez grossir la dette, ou vous augmentez les impôts, ou vous faites un plan de rigueur. En fait, nous aurons les trois à la fois ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Hollande, je me permets de vous dire avec toute l'humilité qui sied...
M. Jean-Jacques Candelier. ...à votre politique !
M. le Premier ministre. ...quand on répond au premier secrétaire du parti socialiste que votre analyse est erronée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En tout cas, elle est contredite par toutes les prévisions des institutions économiques françaises et internationales.
Que nous disent le FMI, l'OCDE et l'INSEE ? Selon ces institutions, la crise américaine aura des conséquences sur l'Europe, mais elles seront moindres en France que dans les autres pays de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elles nous disent que l'impact sera de l'ordre de 0,3 point sur la croissance française, de 0,4 point sur la croissance allemande, de 0,7 point sur la croissance italienne et, en moyenne, de 0,4 point sur la croissance des pays de la zone Euro.
Pourquoi, dans une telle situation, la France ferait-elle mieux que les autres ? C'est parce que, selon ces mêmes institutions, le marché du travail y est plus dynamique et la demande intérieure plus soutenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je rappelle que le taux de chômage est de 7,5 %, et la baisse constatée va se poursuivre au cours de l'année 2008.
M. Alain Néri. Alors, tout va bien, madame la marquise ?
M. le Premier ministre. La demande intérieure ? Elle est plus forte dans notre pays, les chiffres de la consommation du mois de février le montrent.
M. Yves Durand. Mensonge !
M. le Premier ministre. Pourquoi la consommation est-elle soutenue ? Pourquoi la demande intérieure se tient-elle ? Parce que nous avons pris des mesures en juillet dernier grâce à ce que vous appelez le " paquet fiscal " ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En supprimant les charges et la fiscalité sur les heures supplémentaires, nous avons augmenté le pouvoir d'achat des Français qui font des heures supplémentaires dans 60 % des entreprises. Grâce aux mesures concernant l'ISF, nous avons permis d'injecter plus d'un milliard d'euros d'investissements dans les PME.
M. Jean-Jacques Candelier. Et avec quel résultat !
M. le Premier ministre. Nous avons, avec le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier, contrecarré un retournement du marché immobilier auquel on assiste dans tous les autres pays européens.
La vérité, monsieur Hollande, c'est que nous avons réinjecté 9 milliards d'euros dans l'économie française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Et ce sont eux qui font aujourd'hui la différence avec la croissance dans les autres pays européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Alors, oui, nous allons continuer cette politique ! Oui, nous allons continuer à augmenter la compétitivité des entreprises françaises, grâce en particulier à la réforme du droit du travail et à la loi de modernisation de l'économie. Oui, nous allons continuer à soutenir la demande intérieure avec les mesures fiscales qui ont été votées ! Oui, nous allons geler les dépenses publiques !
M. Christian Bataille. Fanfaron !
M. le Premier ministre. C'est vrai, monsieur Hollande, et vous avez raison de le souligner, nous aurons en 2007 un déficit un peu plus important que celui qui avait été prévu, et en 2008 aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais ce sera le cas pour tous les autres pays européens, et surtout pour ceux qui connaîtront une croissance moindre.
M. François Hollande. Sûrement pas à ce niveau !
M. le Premier ministre. Quoi qu'il en soit, on est loin de la situation du budget pour 2001 qui avait été préparé sur la base d'une croissance de 3,3 %, alors qu'elle n'a été finalement que de 1,9 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avons-nous une alternative ? Est-ce que les propositions du parti socialiste permettraient un redressement plus rapide de la situation de l'économie française ? (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il suffit, mesdames et messieurs les députés, de consulter le programme présidentiel du parti socialiste.
M. Jean Marsaudon. Lequel ?
M. le Premier ministre. Que propose-t-il ? Il propose 80 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, sans réforme de l'État, sans réorganisation en termes d'emploi public et sans réforme des régimes spéciaux ! Il prévoit la généralisation des 35 heures aux PME. Tout à fait ce dont nous avons besoin aujourd'hui, quand on voit le manque de compétitivité des PME françaises par rapport aux PME allemandes ! Il prévoit surtout la " réhabilitation " de l'impôt, comme vous vous plaisez tant à le dire, et l'augmentation de la CSG. S'y ajoute, si l'on se fie à une interview au Figaro donnée par M. Hollande au mois de novembre dernier, la création d'un nouvel impôt : la CSG-retraite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames et messieurs les députés, les Français ont eu raison de refuser cette politique parce qu'elle aurait eu raison de la croissance française ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et plusieurs députés du groupe Nouveau Centre se lèvent et applaudissent. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Données clés

Auteur : M. François Hollande

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mars 2008

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