droit international
Question de :
M. Guy Teissier
Bouches-du-Rhône (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 16 avril 2008
AFFAIRE DU PONANT
M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Guy Teissier. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe bien volontiers ma collègue Martine Aurillac, s'adresse à M. le Premier ministre et devrait faire consensus au sein de notre hémicycle puisqu'elle a trait à la libération des otages du voilier français Le Ponant.
En tout premier lieu, je tiens à me féliciter, à l'instar de tous mes collègues ici présents, du retour de nos compatriotes sur le sol français, accueillis hier soir à l'aéroport d'Orly par le Président de la République, ce qui témoigne de l'efficacité de l'intervention de nos forces armées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce succès atteste en effet du courage et de l'implication de nos militaires sur le terrain, et je veux ici rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui combattent parfois au péril de leur vie et partagent un état d'esprit fait de force morale, de fierté de servir et de dévouement.
Monsieur le Premier ministre, le vendredi 4 avril dernier, le voilier français Le Ponant, qui naviguait dans le Golfe d'Aden, est la cible de pirates. Cette partie de la corne de l'Afrique est réputée dangereuse et fait l'objet de nombreuses attaques par des gangs organisés. La nouvelle de cette prise d'otages est aussitôt rapportée au Président de la République, qui mobilise l'ensemble des moyens de l'État.
Le contact est établi dès le dimanche 6 avril entre l'armateur et les pirates, et une cellule de négociation est mise en place à Marseille, au siège social de la CMA-CGM. Toute cette opération a été menée avec beaucoup de sang-froid et de professionnalisme par les autorités civiles et militaires françaises. De cette résolution, je tire plusieurs enseignements.
Tout d'abord, il me paraît fondamental de préciser que cette crise a pu être résolue notamment grâce au pré-positionnement de nos forces à l'étranger, en particulier à Djibouti, qui a permis à l'intervention d'être menée avec une grande rapidité et une efficacité remarquable. À l'aune du débat sur la révision générale des politiques publiques et sur le Livre blanc, ce point me paraît tout à fait fondamental et mérite d'être apprécié au regard des décisions futures.
Deuxième enseignement, cette résolution n'a été rendue possible que grâce à la parfaite coordination interministérielle - entre les ministères de la défense et des affaires étrangères - et les liens très étroits développés, dès le départ, avec l'armateur français.
Pour autant, de nombreuses interrogations demeurent, monsieur le Premier ministre.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Teissier.
M. Guy Teissier. Aussi, au moment du retour des ex-otages du Ponant sur le territoire français, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir indiquer à la représentation nationale les conditions exactes de leur libération, ainsi que les modalités précises de collaboration entre les autorités civiles et militaires qui ont permis d'aboutir à cette issue favorable.
Enfin, pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous éclairer sur le sort judiciaire des ravisseurs, aujourd'hui entre les mains des autorités françaises ? Je vous remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, comme vous, je me réjouis de l'issue heureuse de la prise d'otages du Ponant puisque, vous l'avez rappelé, l'équipage au complet a été libéré et est arrivé, sain et sauf, sur le sol français hier, où il a été accueilli par le Président de la République.
Dès que nous avons été informés de cette prise d'otages, un bâtiment de la Marine nationale a pris le voilier en chasse et a pénétré dans les eaux somaliennes, avec l'accord des autorités du pays, en vertu du droit de suite. Une négociation s'est engagée entre l'armateur et les pirates, dans laquelle l'État français n'est pas intervenu. Mais pendant que cette négociation avait lieu, nous avons acheminé sur place des moyens d'intervention, en étudiant toutes les options : la libération des otages par la force - qui s'est avérée trop dangereuse - ou l'intervention, sitôt les otages libérés, pour tenter de récupérer la rançon et d'arrêter les pirates.
C'est cette deuxième option qui a été retenue : des commandos de la marine nationale et des membres du GIGN, opérant à partir de navires de la marine nationale, ont intercepté six pirates et récupéré une partie de la rançon. Ces pirates se trouvent actuellement sur un bateau français, et nous attendons la confirmation du président Youssouf et des autorités somaliennes pour les acheminer en France où nous voulons qu'ils soient jugés.
Mesdames et messieurs les députés, c'est la première fois depuis très longtemps, je tiens à le souligner, qu'une opération militaire est conduite contre un acte de piraterie maritime, et qui plus est avec succès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Paul Giacobbi. Très bien !
M. le Premier ministre. En 2007, 263 actes de pirateries maritimes ont été répertoriés, dont plus d'une trentaine au large des côtes somaliennes. Cette situation ne peut perdurer et la France veut que le droit international soit respecté.
C'est la raison pour laquelle nous avons pris l'initiative de proposer au Conseil de sécurité, d'une part, d'ouvrir un droit de suite automatique pour les marines qui auraient reçu l'accord du Conseil de sécurité en cas de flagrance, d'autre part, d'autoriser le développement de patrouilles maritimes dans les zones dangereuses à des fins de dissuasion. C'est d'ailleurs ce que la France a fait, pendant plusieurs mois et avec succès, pour protéger les bâtiments du Programme alimentaire mondial : les bâtiments, jusqu'alors régulièrement rackettés, n'ont plus été inquiétés. Leur protection est actuellement assurée par la marine hollandaise.
La décision prise par le Président de la République non seulement est heureuse, car elle a permis de dénouer la crise, mais fera date en marquant le début d'une reconquête du droit international dans cette zone. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Guy Teissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 16 avril 2008