aide alimentaire
Question de :
M. Nicolas Forissier
Indre (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 16 avril 2008
CRISE ALIMENTAIRE MONDIALE
M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Nicolas Forissier. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la flambée des prix des produits alimentaires a débouché sur une situation de crise alimentaire mondiale très préoccupante.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes confrontés à des émeutes de la faim, notamment en Égypte, au Cameroun, en Mauritanie, qui importe près de 70 % de son alimentation, ou plus récemment en Haïti, où dix jours d'émeutes ont été marqués par le décès de six personnes. Cette situation est très alarmante et se produit dans un contexte de hausse des prix alimentaires extrêmement importante. Le prix du blé a augmenté de 181 % en trois ans ; celui des produits alimentaires de 83 % sur la même période ; en deux mois, celui du riz a augmenté de 75 %, ce qui a conduit la FAO à dresser une liste de trente-sept pays qui, à court ou à moyen terme, sont menacés de crise alimentaire. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler, évoque un monde qui se dirige vers " une très longue période d'émeutes " et parle d'" hécatombe annoncée si rien n'est fait ".
Monsieur le ministre, au-delà des aides financières d'urgence pour les pays menacés de crise alimentaire - je rappelle au passage qu'il manque quelque 600 millions d'euros au programme alimentaire mondial -, il est très important de définir rapidement les moyens d'assurer la sécurité alimentaire sur le plan mondial, d'améliorer, de renforcer la production agricole dans les pays riches ou émergents, comme dans les pays en voie de développement. Pour cela, monsieur le ministre, il ne faut pas simplement mettre en place des moyens d'urgence, mais aussi des moyens structurels : je pense à la production agricole locale, notamment dans les pays d'Afrique.
La semaine dernière, vous avez insisté sur la nécessité et l'urgence d'une initiative européenne de sécurité alimentaire. Je sais que vous avez évoqué cette question hier au conseil agricole de Bruxelles avec vos collègues européens. Pouvez-vous préciser les mesures et les initiatives que la France prend ou entend prendre sur cette question absolument vitale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Jean Glavany. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, 850 millions d'êtres humains sont aujourd'hui menacés par la faim. Cette situation va en effet s'aggraver pour les raisons que vous avez dites, monsieur Forissier : l'augmentation durable des prix et - permettez-moi de le rappeler - les phénomènes nouveaux de spéculation financière qui l'accompagnent. Face à cette détresse qui s'exprime dans la rue, et à laquelle nous devons être sensibles - en Haïti, à Yaoundé et dans d'autres capitales -, l'Union européenne doit être à l'avant-garde de la solidarité. Nous y avons travaillé hier avec mes collègues ministres de l'agriculture. J'y travaille, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, avec Bernard Kouchner.
Pour contrer une telle menace, nous disposons de trois moyens d'action.
Dans l'immédiat, face à l'urgence, nous pouvons abonder le programme alimentaire mondial. L'Europe vient de dégager 160 millions d'euros, la France prendra sa part. C'est aussi le rôle des ONG et de très nombreuses collectivités locales, qui réalisent un formidable travail sur le terrain. Je veux les en remercier.
Ensuite, nous devons préparer dès maintenant les prochaines campagnes agricoles de 2008 et de 2009. La FAO a proposé de distribuer massivement des semences et des engrais ; nous soutiendrons cette proposition.
À moyen terme, nous devons réorienter l'agenda international vers l'agriculture. Il faut produire plus et produire mieux, comme nous le faisons déjà en Europe, et surtout, il faut favoriser l'agriculture qui sert à l'alimentation.
Pour cela, il faut réorienter nos programmes vers l'agriculture vivrière dans les pays les plus pauvres. Il faut en outre aider ces pays, grâce à notre expertise, à bâtir, ou à reconstruire, leur autonomie agricole alimentaire et sanitaire et à développer une politique propre de gestion de crise dans un cadre qui pourrait être régional, comme nous l'avons fait en Europe - je pense notamment à l'Afrique de l'ouest. Enfin, il faut intervenir dans les négociations du commerce international. En ce moment, l'Ukraine ou l'Argentine ferment leurs frontières, taxent leurs exportations pour préserver leur alimentation. En ce moment, des négociations s'accélèrent à l'OMC. Je pense que les pays les plus pauvres seraient les premières victimes d'un mauvais accord à l'OMC.
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Mesdames et messieurs les députés, j'ai beau être libéral, je ne suis pas un adepte du tout libéral. Je ne crois pas à la seule loi des marchés...
M. David Habib. Il faut la violer alors !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ...et encore moins à la spéculation pour relever le défi de la sécurité alimentaire dans le monde. Voilà ce que devrait être la réponse de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Nicolas Forissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Agriculture et pêche
Ministère répondant : Agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 avril 2008