lutte contre l'exclusion
Question de :
M. Laurent Fabius
Seine-Maritime (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2008
FINANCEMENT DU RSA
M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe SRC.M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir, si vous me le permettez, sur la question du revenu de solidarité active.
C'est une mesure juste, d'ailleurs expérimentée par beaucoup des départements que nous présidons.
M. Frédéric Lefebvre. Beau parleur, petit faiseur !
M. Laurent Fabius. Encore faut-il être précis quant à ses modalités, et c'est là-dessus que je voudrais vous interroger.
La première question est celle du coût. Sur ce sujet, on a entendu les chiffres les plus divers. On parlait à l'origine de 10 à 12 milliards d'euros ; M. le ministre du budget nous a dit ensuite que ce serait 5 milliards ; M. le haut-commissaire Hirsch tient pour 3 milliards, et M. le Président de la République nous a dit l'autre jour qu'il s'agirait plutôt d'1 ou d'1,5 milliard. Laquelle de ces excellences contradictoires faut-il croire ?
La deuxième question est celle du financement. Les départements, monsieur le Premier ministre, sont inquiets : ils se demandent si ce ne sont pas eux, au bout du compte, c'est-à-dire les contribuables départementaux, qui auront à payer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - " Eh oui ! " sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les titulaires de la prime pour l'emploi, qui a été créée par la gauche, sont également très inquiets. Nous avons cru comprendre en effet qu'au-dessus de 1,4 fois le SMIC, vous supprimeriez la PPE. Si j'étais le seul à avoir cette inquiétude, peu importerait au fond (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais je voudrais vous lire une citation qui vous intéressera, mes chers collègues. Il s'agit d'une déclaration faite sur France Inter au début du mois d'avril : " Le projet qui est proposé par Martin Hirsch est un projet qui a deux inconvénients : il est coûteux, de l'ordre de trois milliards, et il conduit à diminuer la prime pour l'emploi pour un certain nombre de Français. " L'auteur de ces mots frappés au coin du bon sens est M. François Fillon, Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ma troisième interrogation porte donc sur votre conception de la solidarité. Pour nous, la solidarité, ce n'est pas de financer le revenu des plus pauvres en taxant les pauvres. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec vous, c'est " demain on rase gratis " !
M. Laurent Fabius. De sorte que ce RSA, qui était à l'origine un revenu de solidarité active, risque de devenir un revenu de solidarité absente.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez accusé d'être hostiles à tout : pas du tout ! Nous sommes contre les injustices, et pour la solidarité, la vraie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le Premier ministre, le revenu de solidarité active se fera solidairement pour les allocataires de minima sociaux qui n'arrivent pas à retrouver du travail et pour les travailleurs pauvres. Il augmentera le pouvoir d'achat de ceux qui sont aux portes du travail, et de ceux qui ont déjà un pied dans le travail mais n'arrivent pas à s'en sortir.
M. Christian Paul. Comment est-ce financé ?
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Il aidera les salariés modestes, dans les conditions qui ont été fixées initialement, avec des parlementaires de droite et de gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), avec les syndicalistes, les différents acteurs et départements concernés.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les pauvres sont oubliés !
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Il y a trois ans, nous proposions déjà, dans notre rapport, d'intégrer le RMI, l'allocation parent isolé et la prime pour l'emploi. Pour ma part, je n'ai pas changé d'avis sur ce point. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela ne veut pas dire que ceux qui ont le plus besoin de la prime pour l'emploi, qui sont majoritaires parmi ses bénéficiaires, seront perdants. Il vont y gagner au contraire. (" Paroles ! " sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Christian Paul. Et le financement ?
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Soyons précis sur vos trois questions, et d'abord sur le financement. Reprenez les déclarations que j'ai faites depuis plus d'un an quand les différents candidats me demandaient de chiffrer le dispositif : vous verrez que j'ai dès l'origine évoqué une fourchette de deux à trois milliards d'euros. Le Président de la République et le Premier ministre ayant déclaré qu'on y consacrera 1,5 milliard d'euros ne venant ni de la prime pour l'emploi ni des minima sociaux, on verra comment on va recentrer un peu la prime pour l'emploi pour ce faire. (" Ah ! " sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je n'ai aucun problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. je vous prie d'écouter M. le haut-commissaire !
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Sur l'ensemble des bénéficiaires de la prime pour l'emploi, un million touche moins de sept euros par mois à ce titre. Ils ne le savent même pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce propos est honteux !
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Je pense que c'est pour ces mêmes raisons que le Parti socialiste a proposé la suppression de la prime pour l'emploi à son congrès du Mans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. François Lamy. C'est faux !
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Pour notre part, nous ne proposons pas sa suppression : nous proposons de l'intégrer dans ce nouveau dispositif.
M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le haut-commissaire.
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. J'en viens au troisième élément.
M. le président. Rapidement, monsieur le haut-commissaire.
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. J'entends dire que nous déshabillerions Paul pour habiller Pierre.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pour déshabiller l'abbé Pierre !
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. C'est un mensonge. Vous savez très bien que le nombre de travailleurs pauvres a augmenté. Or les travailleurs à temps partiel vont voir leur revenu croître de 100, 150, 200 euros par mois grâce au revenu de solidarité active, comme l'expérimentation l'a montré. (" Mensonges ! " sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. Merci, monsieur le haut-commissaire.
M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Quand nous aurons aidé toutes ces personnes à retrouver du travail, le revenu de solidarité active ne fera pas de perdants : l'ensemble de l'économie française, la solidarité, la France et la dignité de ceux qui peinent à retrouver du travail, tous seront gagnants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Auteur : M. Laurent Fabius
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Solidarités actives contre la pauvreté
Ministère répondant : Solidarités actives contre la pauvreté
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2008