Liban
Question de :
M. Philippe Goujon
Paris (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 14 mai 2008
SITUATION AU LIBAN
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Philippe Goujon. Ma question s'adresse à M. Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Michel Delebarre. C'est du harcèlement !
M. Philippe Goujon. Elle concerne également le Liban, qui compte de nombreux amis au sein de cet hémicycle.
Une fois encore, le Liban se déchire et glisse d'un affrontement politique à un conflit militaire. De l'état de crise caractérisée par l'impossibilité d'élire un président malgré la convocation à dix-neuf reprises d'un Parlement qui ne fonctionne pas, caractérisée également par un gouvernement que la démission de plusieurs ministres, depuis 2006, a rendu impuissant et contre lequel appelle à la désobéissance civile un parti regroupant la majorité des musulmans - appuyé par l'Iran et la Syrie et lourdement armé malgré la résolution n° 1559 des Nations unies -, caractérisée, enfin, par une armée sous les ordres de son très respecté commandant en chef, le général Sleimane, mais dont la cohésion actuelle n'est maintenue qu'au prix de son refus d'intervenir pour restaurer la paix publique, on est passé au point d'orgue d'un processus de déstabilisation politique à l'issue duquel se dessine le spectre de l'une de ces guerres civiles dont le pays a si souvent été victime.
Le Liban, de nouveau martyrisé dans les combats les plus sanglants qu'il ait connus depuis la fin de la guerre civile, ne voit de salut qu'en la mobilisation de la communauté internationale. La Ligue arabe, qui a appelé elle-même à l'arrêt des combats, est engagée dans une médiation pour faire accepter un plan de sortie de crise. La France, si proche de ce pays qui pourrait servir de pont entre l'Orient et l'Occident et qui a si longtemps incarné un modèle de coexistence de communautés plurielles, la France, très engagée militairement au sein de la FINUL et dans la reconstruction d'un pays exsangue, a réitéré, par votre bouche, monsieur le ministre, son soutien au gouvernement légitime du Premier ministre Fouad Siniora.
Chacun vous sait très impliqué pour aider ce malheureux pays. Après que le Président de la République a condamné toute ingérence étrangère, quelles initiatives nouvelles pouvez-vous prendre, quelles actions la France et l'Europe peuvent-elles mettre en oeuvre rapidement pour que le drame que vit aujourd'hui le Liban - qui a déjà fait plusieurs dizaines de morts et de blessés ainsi que des centaines de réfugiés à Beyrouth, à Tripoli et dans le Chouf - ne tourne à la tragédie ?
La France est attendue avec un immense espoir dans cette petite partie du monde mais qui compte tant. Ne la décevons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, je voudrais être plus précis. (" Oh oui ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Voilà des gens qui savent au moins de quoi ils parlent. Ils vont trouver la solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. Bernard Roman. Ne soyez pas aussi ironique !
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Faire de l'ironie avec cette fausse certitude,...
M. Marcel Rogemont. Ce n'est pas de l'ironie, nous demandons simplement des précisions !
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. ...cette attitude arrogante, ne va pas arranger les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je trouve que la situation est assez sérieuse pour que nous essayions de nous montrer utiles. Comment l'être ?
Nous pouvons d'abord agir à l'échelon européen. Ainsi, nous avions engagé, avec nos amis italiens et espagnols, une démarche commune soutenue par le reste de l'Union européenne. Il faudra la reprendre. Nous avons également engagé une démarche auprès des Nations unies que nous avons réitérée hier soir encore. Nous avons tenu conférence avec M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, et, quand sa rédaction sera achevée, une résolution pourrait être proposée au Conseil de sécurité.
Les pays qu'on appelle les " amis du Liban " ont émis hier soir une déclaration assez solide. Pratiquement, nous ne pouvons pas interférer maintenant avec la médiation de la Ligue arabe. Intervenir à plusieurs en même temps se révélerait très nocif pour nos amis libanais. Attendons donc, mais, si possible, très peu de temps. Car en fait, il y a deux attitudes possibles.
L'une consiste, comme nous l'avons évidemment fait, et continuerons à le faire, à conforter le gouvernement légal de M. Fouad Siniora, et à parler à toutes les communautés - y compris le Hezbollah -, ce que nous avons fait aussi, notamment en les invitant à Paris. Tout le monde a été invité. Peut-on réitérer cette démarche ? Je n'en sais rien. Mais, en tout cas, nous avons soutenu le gouvernement légal.
Puis, il y a des gens qui pensent que la seule unité maintenue au Liban, c'est celle de l'armée. Pour le moment, elle n'a pas éclaté, et je souhaite qu'il continue d'en être ainsi. Elle abrite toutes les communautés. J'ai parlé hier soir au général Sleimane. C'est évidemment son avis : il faut d'abord maintenir l'unité de l'armée, quoi qu'il arrive.
Maintenant, un par un, les points qui étaient tenus par les troupes du Hezbollah - sauf l'aéroport - sont repris par l'armée. Par conséquent, jusqu'ici, nous nous satisfaisons de la paix relative, très relative, qui est revenue, en espérant qu'elle se maintiendra. Et nous sommes prêts à engager de nouvelles démarches, qu'elles soient française, européenne ou internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Philippe Goujon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2008