Question au Gouvernement n° 55 :
énergie nucléaire

13e Législature

Question de : M. François Brottes
Isère (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2007

FINANCEMENT DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, tout le monde sait jouer au Monopoly. On utilise de faux billets pour construire un monopole, de fausses maisons et de faux hôtels, et on joue aux dés - c'est pratique - sa sortie de prison lorsqu'on a fait une mauvaise pioche. Souvenez-vous que la règle de ce jeu n'interdit pas de piocher dans la caisse de la communauté - c'est même vivement conseillé. Reste que quand la caisse de la communauté c'est la caisse de l'État, il convient de s'interroger sur les pratiques actuelles - répétées - d'un " Monopoly entre amis " qui prend des proportions assez indécentes.
Témoins de mariage, parrains des enfants, compagnons de villégiature (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), Martin Bouygues, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère, Bernard Arnault, Albert Frère (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) : la liste est longue des familiers du Président directement impliqués dans ces " arrangements entre amis " qui ne sont jamais contrôlés ni par le Parlement ni par personne ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Énergie, télécommunications, médias, tous ces secteurs impliquent le pouvoir (Mêmes mouvements)...
M. Philippe Briand. Et alors ?
M. François Brottes. ...parce que l'État est actionnaire ou parce que c'est lui qui donne les autorisations d'exploitation. Eh oui, privatisation de Gaz de France et bientôt d'EDF, fréquences de télécommunications obtenues par Bolloré,...
M. Philippe Briand. C'est une honte de dire cela !
M. François Brottes. ...suppression annoncée des dispositifs anti-concentration dans les médias, comportement de Lagardère chez EADS, cautionné par l'État, comme cela a été confirmé par l'intéressé lui-même ce week-end, et maintenant entrée prochaine de Bouygues dans le capital d'AREVA (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
M. Philippe Briand. Et Patrice Pelat, c'était qui ?
M. François Brottes. ...notre concepteur et constructeur de centrales nucléaires, c'est-à-dire dans cette filière nucléaire qui devait rester publique ! C'était même, souvenez-vous, l'argument principal de Patrick Devedjian pour s'opposer à la fusion EDF-GDF,...
M. Philippe Briand. Et la MNEF ?
M. le président. Monsieur Briand, je vous en prie !
M. François Brottes. ...un argument toujours en ligne, d'ailleurs, sur son blog où il explique que, en cas de fusion EDF-GDF, " Bruxelles nous obligerait à céder sur le marché un certain nombre de centrales nucléaires ".
M. Philippe Briand. C'est honteux, monsieur Brottes !
M. François Brottes. Le ministre Sarkozy, en 2004, ajoutait - écoutez bien - qu" une centrale téléphonique n'avait rien de commun avec une centrale nucléaire " (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis désolé, mais, si Bouygues rachète AREVA, cette affirmation risque d'être rapidement démentie. Mme Lagarde nous a d'ailleurs indiqué sans sourciller, en commission des affaires économiques, qu'une entreprise privée pourrait fort bien, désormais, détenir une partie du parc nucléaire français. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'affaire est grave. Pour nous, l'État doit rester le garant d'un haut niveau de sûreté des installations nucléaires, niveau qui ne doit en aucun cas dépendre de la seule rentabilité financière. Or, aujourd'hui, l'avenir de toute la filière nucléaire est soumis à des tractations occultes qui inquiètent vivement les salariés et qui semblent agacer aussi nos partenaires européens. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Quelle est votre question, monsieur Brottes ?
M. François Brottes. J'y viens, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, au nom de la sécurité des Français, nous vous demandons des comptes : avec quelles garanties de transparence et avec quel intérêt pour l'État et pour les Français allez-vous continuer ce " Monopoly entre amis " (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), sachant que, pour nous, l'industrie nucléaire n'autorise aucune manoeuvre improvisée ou d'opportunité ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, si la provocation est un art que l'on pratique volontiers ici, je vous prie néanmoins de vous montrer attentifs à la réponse de Mme la ministre et de l'écouter en silence. Le débat ne pourra qu'y gagner en clarté. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le député Brottes, je suis contente que vous me posiez cette question. (" Ah ! " sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je n'en suis d'ailleurs pas surprise puisque se trouve dans votre circonscription, à Romans-sur-Isère (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),...
M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas sa circonscription !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. ...une usine qui appartient au groupe AREVA. Votre souci est donc légitime, et je le partage.
Je souhaite vous indiquer (Exclamations sur les mêmes bancs)...
M. le président. Poursuivez, madame la ministre !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. ...qu'AREVA dispose au même titre qu'EDF, d'une excellente compétence technique en matière nucléaire et que nous avons tout intérêt à valoriser l'excellence de cette filière, aujourd'hui en mesure d'exporter, grâce à des acteurs comme AREVA et EDF, tout ce qui concourt au cycle de production, de l'amont - la construction des centrales - à l'aval.
Le nucléaire bénéficie lui-même, d'ailleurs, d'un contexte international tout à fait favorable. En effet, autrefois considéré comme une énergie redoutable,...
M. Michel Sapin. Ce n'est pas la question !
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. ...il est aujourd'hui considéré comme une énergie propre.
Dans cette perspective, il est de notre devoir de donner à cette entreprise les moyens de financer le développement de son activité dans un contexte de compétitivité certes favorable pour elle mais où elle doit affronter la rude concurrence d'entreprises telles que Westinghouse ou Toshiba, qui, aux États-Unis et au Japon, tentent de lui prendre des parts de marché.
Nous devons donc mener une réflexion d'ensemble sur l'accès à de meilleurs financements. Une étude est en cours, qui se poursuivra. Toutes les pistes seront explorées afin de définir les meilleurs scénarios de financement. Cela étant, il n'y a pas d'urgence, et aucune décision n'est sur le point d'être arrêtée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. François Brottes

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Économie, finances et emploi

Ministère répondant : Économie, finances et emploi

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 2007

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