mariage
Question de :
Mme Martine Martinel
Haute-Garonne (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 4 juin 2008
ANNULATION D'UN MARIAGE PAR LE TRIBUNAL DE LILLE
M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Martine Martinel. Ma question s'adresse également à Mme la garde des sceaux.
Le tribunal de Lille vient de décider l'annulation d'un mariage au motif de l'absence de virginité de l'épouse. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) ...
M. Christian Vanneste. C'est incroyable : il y a quand même des choses plus importantes !
Mme Martine Martinel. Ce jugement a suscité légitimement émotion et même stupeur et indignation. La loi républicaine, et donc laïque, garantit à chacun le droit de croire ou de ne pas croire, mais elle ne peut tolérer que la dignité de la femme soit ainsi reléguée à l'arrière-plan. Comment accepter une décision de justice fondée sur de pareils motifs ? Comment accepter que la virginité soit considérée comme " qualité essentielle de la personne " ? Comment accepter encore que la femme soit renvoyée à sa présumée faute et à la responsabilité d'un péché originel dont les hommes sont toujours exonérés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la garde des sceaux, vous avez, dans cette affaire, donné l'impression d'hésiter et nous aimerions obtenir des précisions. Vous venez d'interjeter appel de cette décision. En la matière, le parquet intervient de plein droit. Quelles instructions comptez-vous lui donner si le jugement d'appel confirme la décision de première instance ? Êtes-vous prête alors à déposer un projet de loi susceptible de mettre fin à toute ambiguïté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, dans cette affaire du jugement du tribunal de Lille, je n'ai pas entendu un mot - pas un seul - de votre groupe pour la jeune femme qui attendait cette décision de justice. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Marc Ayrault. C'est complètement faux !
M. Tony Dreyfus. Cette assertion est inadmissible !
Mme la garde des sceaux. Vous brandissez des concepts déconnectés de la réalité. Oui, je le redis, cette décision de justice a protégé cette jeune femme, et c'est ce qui vous dérange ! (Protestations et quelques huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il n'est pas question d'admettre (Brouhaha sur les mêmes bancs)...
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de réserve ! Écoutez la réponse !(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Veuillez poursuivre, madame la garde des sceaux.
Mme la garde des sceaux. Il n'est pas question d'admettre, disais-je, (Interruptions continues sur les mêmes bancs) qu'une procédure en nullité soit fondée sur le seul motif de la non-virginité. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté sur l'interprétation de la loi. C'est pour cela que j'ai demandé au procureur général de faire appel du jugement du tribunal de Lille.
Mais je vous pose une question, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste : où étiez-vous lorsque vous avez créé la politique des " grands frères " ? (Un tumulte grandissant sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine couvre la voix de Mme la garde des sceaux.) Lorsque vous avez abandonné de nombreuses jeunes filles, dans ces quartiers difficiles, entre les mains de ces " grands frères " ? (Vives protestations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Tony Dreyfus. C'est lamentable !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Provocatrice ! C'est minable !
Mme la garde des sceaux. Votre politique d'intégration a été un échec et c'est votre échec que nous payons aujourd'hui. Vous avez imposé les " grands frères " à ces jeunes filles qui ne demandaient rien. À défaut de votre soutien, elles ont trouvé la justice, qui les a aidées et qui leur a permis d'être libres et indépendantes. Votre politique identitaire des " grands frères " a conduit au repli communautaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Bruits ininterrompus sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous pouvez m'attaquer, comme vous le faisiez encore, monsieur Ayrault : j'ai échappé à l'échec de votre politique et c'est ce qui vous dérange ! (Regain de protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais, de grâce, n'empêchez pas ces jeunes filles d'être libres. À défaut de votre soutien, je le répète (Huées et quelques claquements de pupitre sur les mêmes bancs),...
M. le président. Je vous en prie, chers collègues.
Mme la garde des sceaux. ...elles ont besoin du soutien de la justice, elles ont besoin du soutien du Gouvernement et elles ont mon soutien personnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Auteur : Mme Martine Martinel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2008