Question au Gouvernement n° 601 :
droit d'ester

13e Législature

Question de : M. Jérôme Cahuzac
Lot-et-Garonne (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 5 juin 2008

ACTION DE GROUPE

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jérôme Cahuzac. Ma question devait s'adresser à Mme Lagarde, ministre de l'économie. Ayant été très courtoisement prévenu de son absence, je me permets de la poser à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le secrétaire d'État, les membres du Gouvernement semblent avoir des positions fort différentes, sinon contradictoires, quant à l'instauration de ce que les Anglo-Saxons appellent les class actions, ou " actions de groupe " en français : la possibilité pour des consommateurs d'introduire des actions collectives, dès lors qu'ils seraient victimes d'un processus industriel défectueux sinon fautif.
Nous savons Mme Lagarde notoirement hostile à l'adoption de cette loi de protection des consommateurs. Nous savons que vous y êtes plutôt favorable, depuis la publication de votre rapport en 2003. Aujourd'hui encore, dans une tribune, vous semblez indiquer ce que serait votre assentiment en la matière.
Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons connaître la position du Gouvernement. Est-il, oui ou non, favorable à l'instauration d'une action de groupe dans notre pays ? Le Gouvernement est-il, oui ou non, favorable à ce qu'aucun consommateur n'en soit exclu, et pas davantage des associations engageant régulièrement ces actions de groupe, ce qui reviendrait à n'en conférer le monopole à aucune, aussi ancienne et respectable soit-elle ?
Le Gouvernement est-il, oui ou non, favorable à ce que tous les domaines soient couverts par ces éventuelles actions de groupe, et notamment celui de la santé ? Là encore, nous savons que certains de vos collègues y sont tout à fait hostiles. Pour notre part, nous ne comprenons pas les raisons qui commanderaient d'exclure le domaine de la santé. Quelle est la position du Gouvernement en la matière ?
Le Gouvernement est-il, oui ou non, favorable à ce que les indemnités - qui seraient décidées dans leur principe et dans leur montant par des juges - soient fonction du préjudice réellement subi, et non pas attribuées forfaitairement ? Enfin, le Gouvernement est-il, oui ou non, favorable à ce que le périmètre de ces actions de groupe soit réservé aux consommateurs, et non à d'autres groupes - je pense notamment à des actionnaires - dont les préoccupations sont d'une nature bien différente ?
Dans un amendement au projet de loi de modernisation de l'économie actuellement en débat, le groupe socialiste, radical et citoyen propose d'introduire l'action de groupe dans notre droit. Nous souhaiterions savoir si vous êtes d'accord avec nos propositions, si vous êtes prêts à accepter cet amendement et à en recommander l'adoption par l'Assemblée. Il s'agirait, ni plus ni moins, d'une loi de protection des consommateurs. Vous comprendrez que nous y sommes très attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Cahuzac, vous savez que, dans le domaine de la protection des consommateurs, le Gouvernement a beaucoup agi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Pierre Brard. Surtout sur le prix de l'essence !
M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Je rappelle que nous avons mis en place le plafonnement des frais bancaires. Vous avez voté - la majorité en tout cas - le principe d'un relevé annuel des frais bancaires, qui permettra au consommateur de comparer les prix. Vous avez également voté des dispositions importantes pour protéger les consommateurs dans le domaine de la téléphonie mobile et des services d'accès à Internet. Nous avons aussi progressé en matière de transparence des sociétés de vente à distance et de protection de leurs clients potentiels.
Concernant l'action de groupe que vous avez évoquée, monsieur Cahuzac, il est vrai que la situation est simple. Aujourd'hui, nous avons une augmentation des litiges de masse. L'observatoire de la DGCCRF, baromètre que nous avons mis en place, montre une augmentation des plaintes de consommateurs mécontents de leurs relations vis-à-vis d'un certain nombre de professionnels. Nous observons aussi une explosion des services aux particuliers. Ces derniers s'abonnent facilement, mais rencontrent ensuite des difficultés dans l'accès au service après-vente, les sociétés gérant mal leur relation au client.
Actuellement, le droit français des consommateurs ne facilite pas le recours au tribunal pour ce type d'action (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), car on ne s'adresse pas au juge pour un litige de 15 euros avec un opérateur de téléphonie ou un fournisseur d'accès à Internet. Le dispositif d'action en représentation conjointe, qui existe depuis quinze ans, n'a pas fonctionné : il n'a été utilisé que quatre ou cinq fois.
Le Gouvernement veut remédier à cela. Il est favorable à ce que nous instaurions, dans le droit français, le principe d'une action de groupe. Nous voulons que ce dispositif soit encadré, qu'il permette de réconcilier protection du consommateur et liberté d'entreprendre. Il ne s'agit pas de mettre en place des dispositions à l'américaine qui feraient peser sur les entreprises des charges nouvelles et des contraintes supplémentaires, alors que nous voulons faire sauter les verrous qui brident l'économie française.
Nous travaillons sur ce projet avec Christine Lagarde et Rachida Dati. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dans le cadre d'un projet de loi sur la dépénalisation, nous avons prévu de vous présenter un dispositif commun d'action de groupe.
Un certain nombre de parlementaires ont déposé des amendements dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie. C'est notamment le cas de votre rapporteur, M. Jean-Paul Charié, mais aussi de M. Frédéric Lefebvre. À partir de ces propositions très diverses et traitant de tous les sujets que vous avez évoqués, nous avons encore besoin de cheminer pour trouver le bon équilibre entre protection du consommateur et liberté d'entreprendre. C'est ce que nous ferons avec le projet de loi sur la dépénalisation et l'action de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Jérôme Cahuzac

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Industrie et consommation

Ministère répondant : Industrie et consommation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2008

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