Question au Gouvernement n° 675 :
marchés financiers internationaux

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 8 octobre 2008

CRISE FINANCIÈRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la crise boursière et financière continue de se propager.
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault. Hier a encore été une journée noire.
Cette crise vient, hélas, aggraver la situation économique de notre pays, qui était déjà entré en récession. Et ce n'est pas, j'en suis désolé, l'invention sémantique de Mme Lagarde : la " croissance négative ", qui va rassurer nos concitoyens.
M. Paul Giacobbi. C'est elle qui est négative !
M. Jean-Marc Ayrault. Dans ce contexte, la réunion des Européens était un impératif. Hélas, le mini-sommet des quatre a abouti à des résultats décevants : le simple affichage d'une volonté de coopération n'a pu restaurer la confiance et rétablir la stabilité.
Face à une crise présentée comme la plus grave depuis 1929, les Vingt-Sept n'ont même pas été réunis, ni placés devant leur responsabilité historique. Et les États continuent, chacun de leur côté, d'agir en ordre dispersé.
Devant cette situation, les représentants des groupes parlementaires socialistes et sociaux-démocrates de l'Union européenne ont lancé aujourd'hui, à Paris, un appel à la solidarité de l'Europe.
M. Yves Nicolin. On s'en fout ! C'est du baratin !
M. Jean-Marc Ayrault. Je veux en extraire deux idées fortes. La première est de mettre un terme au mouvement de dérégulation auquel les libéraux se livrent depuis plus de vingt ans de chaque côté de l'Atlantique. Et de ce point de vue, vous portez une responsabilité particulière.
Le second point appelle une réponse précise de votre part, monsieur le Premier ministre. Les socialistes et les sociaux-démocrates européens appellent à une " mutualisation de l'effort de soutien à l'investissement ".
En ce sens, je formule à nouveau deux propositions présentées ici par François Hollande, et qui sont demeurées sans réponse.
Comment allez-vous faire accepter à nos partenaires la mise en place d'un fonds européen de garantie des dépôts qui permette de sécuriser les banques et les épargnants ? La confiance est à ce prix.
S'agissant de l'économie réelle, celle qui crée des emplois, la menace principale est la difficulté pour les entreprises d'accéder au crédit pour financer leurs projets d'investissement. Acceptez-vous la création d'un fonds national qui permette de garantir les crédits par un système de caution publique ?
Voilà des questions précises, auxquelles nous attendons des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, vous avez raison de souligner que, depuis une semaine, la crise s'est aggravée en Europe.
M. Jacques Desallangre. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons connu, depuis notre dernière réunion ici, mardi dernier, une crise sérieuse en Irlande, où six établissements bancaires étaient menacés de faillite, ce qui a conduit ce pays à prendre les mesures que l'on sait.
Nous avons connu une nouvelle difficulté dans la plus grande banque d'Allemagne, et même d'Europe, finançant l'immobilier.
Nous avons connu des difficultés dans le système bancaire islandais, qui a entraîné des conséquences sur le Danemark, conduisant ce pays à prendre des décisions.
Nous avons enregistré de nouvelles difficultés dans le système bancaire britannique, avec en particulier la brutale perte de valeur de la Bank of Scotland.
Enfin, nous avons connu, dans le Benelux, les deux difficultés de Fortis et de Dexia.
M. Patrick Roy. Assez de commentaires !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans ce contexte, la stratégie que le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d'adopter est une stratégie simple et efficace : nous avons décidé de garantir complètement la continuité du système bancaire français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'entends qu'il y a un débat sur la question de savoir à quel niveau il faut porter la garantie des déposants. Et d'ailleurs, le Conseil des ministres des finances de l'Union européenne, qui s'est réuni ce matin, a décidé d'élever ce niveau de garantie et de l'harmoniser dans toute l'Europe. Mais nous, nous disons que la garantie, elle est à 100 %, puisque nous prenons l'engagement solennel qu'il n'y aura pas de faillite d'établissement bancaire en France, parce que l'État fera son devoir si une banque est mise en difficulté. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Cette solution consistera, au cas où une banque serait en difficulté,...
M. Maxime Gremetz. À la nationaliser !
M. François Fillon, Premier ministre. ...à en prendre le contrôle, à démettre les dirigeants qui n'auront pas réussi, à les remplacer par des dirigeants qui auront toute la confiance du Gouvernement (Applaudissements sur les mêmes bancs), à redresser cet établissement bancaire et à remettre les participations de l'État sur le marché lorsque les circonstances le permettront.
Cette solution est bien préférable à celle d'une garantie générale des déposants, parce qu'elle ne conduit pas à garantir les pertes des banques. Elle conduit au contraire à empêcher la faillite d'un établissement bancaire, qui entraînerait, par effet de domino, celle de l'ensemble de notre dispositif.
Cet engagement, mesdames et messieurs les députés, ce ne sont pas des mots, puisque nous avons commencé à le mettre en oeuvre lorsque nous avons décidé de prendre une participation, avec minorité de blocage, dans Dexia.
M. Maxime Gremetz. Pourquoi privatiser La Poste ?
M. François Fillon, Premier ministre. Pourquoi avons-nous décidé de monter dans le capital de Dexia et de prendre une minorité de blocage ? Parce que c'était la seule façon d'obtenir un changement des dirigeants de cette banque, qui a été réalisé cette nuit. Comme vous le savez, c'est désormais un Français, Pierre Mariani, qui dirigera Dexia et qui, avec les gouvernements français et belge, conduira le rétablissement de cet établissement bancaire.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, la stratégie que le Gouvernement français a décidé de suivre. Pourquoi n'avons-nous pas défendu l'idée d'un fonds européen ? Simplement parce que nous avons pu mesurer à quel point il était nécessaire de réagir immédiatement à tout risque de défaillance bancaire. Lorsqu'il s'est agi de sauver Dexia, la décision a été prise entre 4h50 et 7h30 du matin. Croyez-vous qu'avec un fonds européen, à vingt-sept, on pourrait prendre des décisions dans ces conditions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Ayrault, le Président de la République et moi-même, nous écoutons tous les conseils qui nous sont donnés. Cette crise est grave, et tous les avis, d'où qu'ils viennent, sont bons à prendre. Ce que je demande une nouvelle fois, c'est que notre pays fasse preuve d'unité, parce que les déposants français, les entreprises françaises ont besoin de retrouver la confiance dans le système bancaire français. Et il n'y a pas de meilleur moyen d'assurer cette confiance que celui qui consiste à montrer que tous les responsables politiques soutiennent la stratégie que nous avons mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean-Paul Lecoq. Que de mensonges !

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Marchés financiers

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 octobre 2008

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