Question au Gouvernement n° 810 :
emploi et activité

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 2008

SITUATION ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations et " Bravo ! " sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, lors du débat sur le plan de sauvetage des banques, les députés socialistes avaient demandé que l'Europe conçoive un plan de même ampleur pour soutenir les entreprises, les salariés et les ménages. Il semble qu'avec retard, ce que nous avions préconisé soit enfin à l'ordre du jour. La récession est là, et l'Union européenne semble en avoir pris la mesure, puisqu'elle prépare un dispositif commun de relance de l'économie. L'urgence est évidente ; plus une minute ne doit être perdue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mais la réussite dépend également des États. À plusieurs reprises, notre groupe a proposé d'agir dans trois directions (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) : la baisse de la TVA pour soutenir le pouvoir d'achat ; la baisse de l'impôt des entreprises qui investissent et créent des emplois ; enfin, l'abrogation des 15 milliards du paquet fiscal pour assurer un effort efficace et équitable, et freiner les déficits.
M. Philippe Briand. Vous ne savez pas compter !
M. Jean-Marc Ayrault. Je suis obligé de constater que vous avez fait la sourde oreille et que vous vous en êtes tenu aux maigres propositions pour l'emploi annoncées par le Président de la République à Rethel.
Or, le Premier ministre Gordon Brown vient d'annoncer la mise en oeuvre en Grande-Bretagne d'un plan de soutien à l'économie reprenant les mesures que nous avions proposées : la baisse de deux points de la TVA - soit l'équivalent d'une hausse annuelle du pouvoir d'achat de 16 milliards d'euros pour les consommateurs -, l'aide à l'investissement des entreprises et l'augmentation de cinq points de l'imposition des plus fortunés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Philippe Briand. Allez en Angleterre !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, vous citez souvent les Britanniques en modèle de votre politique économique. Trop souvent pour le pire ! Êtes-vous prêt, cette fois, à les suivre pour le meilleur et à proposer enfin un plan de relance de notre économie qui redonne confiance aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. François Fillon, Premier ministre. Voilà que, tout d'un coup, Gordon Brown est devenu un exemple pour le parti socialiste !
La baisse de la TVA de deux points aurait dans notre pays - et vous le savez très bien, monsieur le président du groupe socialiste - trois conséquences. Tout d'abord, elle ferait la part belle aux importations et non à l'activité économique nationale.
M. Richard Mallié. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. La Grande-Bretagne ne se trouve pas dans la même situation, car il y a longtemps qu'elle a abandonné son industrie.
Ensuite, il s'agirait d'une baisse absolument équivalente pour tous les niveaux de rémunération, qui ne serait donc pas ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quant à l'imposition sur les plus fortunés, si vous êtes prêts à proposer à notre pays de s'aligner sur les niveaux de la Grande-Bretagne, faites cette proposition et nous en discuterons ici, à l'Assemblée nationale !
M. Pascal Clément. Bravo !
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, vous avez raison de dire que les prévisions économiques mondiales se dégradent de jour en jour. L'OCDE vient d'annoncer, aujourd'hui même, que le taux de croissance mondiale, qui était encore évalué à 5 % il y a quelques semaines, serait désormais de 1 %.
M. Christian Paul. Dites-le à Mme Lagarde !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans cette conjoncture, la zone euro devrait connaître une récession de 0,6 %, l'Allemagne de 0,8 %, la Grande-Bretagne de 1,1 %, et la France de 0,4 %. En réponse à votre proposition de supprimer les mesures que nous avons prises à l'été 2007, je note que si notre économie résiste mieux que les autres économies européennes, c'est justement parce que nous avons injecté 10 milliards d'euros dans l'économie en 2007, ce qui se retrouve aujourd'hui dans le taux de croissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais vous avez également raison de dire qu'après le plan de sauvetage des banques, dont je rappelle que la France a largement été à l'initiative, il faut un plan de relance de l'économie en Europe. Ce plan doit être massif, et c'est pourquoi nous préparons, avec le Gouvernement et sous l'autorité du Président de la République, des propositions qui vous seront soumises rapidement.
Nous souhaitons tout d'abord soutenir massivement l'investissement dans notre pays. Il s'agit de favoriser les investissements dans les infrastructures, les universités, la recherche, la formation, en prenant des mesures pour que tous les projets dont la mise en oeuvre est actuellement bloquée pour des raisons financières ou réglementaires puissent être libérés, de manière à ce qu'ils produisent des effets immédiats sur l'économie.
De même, nous voulons, pour une durée déterminée, lever les contraintes qui pèsent sur les acteurs publics afin qu'ils puissent engager plus rapidement les projets qu'ils ont prévus.
Enfin, nous souhaitons mettre en oeuvre des plans sectoriels, en particulier dans les domaines les plus touchés par la crise économique : le bâtiment, le logement et le secteur automobile. Nous présenterons dans quelques jours des mesures très ambitieuses pour ce dernier secteur. Il se trouve aujourd'hui un million de véhicules en stock chez les constructeurs français ; c'est une situation que nous n'avions pas connue depuis très longtemps. Nous prendrons des mesures, y compris fiscales, pour que le marché redémarre. En même temps, nous investirons dans l'industrie automobile pour que celle-ci soit en mesure de produire les véhicules de l'avenir, électriques et hybrides, qui nous permettront de nous placer en bonne position sur les marchés internationaux.
Pour que ce plan fonctionne, il doit être européen. Il faut donc une coordination entre les plans nationaux et même, si possible, une coordination entre le plan de relance européen et celui que prépare le nouveau gouvernement américain, car c'est ainsi que nous disposerons du levier qui nous permettra de relancer l'économie mondiale.
Dans le cadre des propositions que la France avait faites au Conseil d'octobre, la Commission annoncera demain ses propositions pour un plan de relance, lequel sera débattu au Conseil européen de décembre et entrera en vigueur avant la fin de l'année. Ce plan reprend de nombreuses propositions françaises qui suscitaient beaucoup de scepticisme il y a encore quelques semaines. Par exemple, la Commission insiste sur la nécessité de continuer à baisser les taux d'intérêt en Europe ; à 3,25 %, nous avons encore de la marge.
La Commission propose également de prendre des mesures spécifiques pour les PME, et en particulier d'alléger les contraintes que les règles de la concurrence font peser sur le soutien à ces entreprises. C'est une idée que nous défendons depuis plus d'un an, en particulier avec ce qu'il est convenu d'appeler le Small Business Act à la française.
La Commission propose encore une forte relance budgétaire, ce qui suppose que nous mettions entre parenthèses, dans des limites acceptables, les règles du pacte de stabilité et de croissance.
Monsieur Ayrault, ces mesures sont appelées de leurs voeux par la plupart des pays européens, notamment par de nombreux pays gouvernés par des socialistes.
M. Nicolas Perruchot. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous aimerions que vous les souteniez avec nous, mais cela supposerait que vous choisissiez une ligne politique ; et cela, c'est une autre histoire ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2008

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