justice et libertés : services extérieurs
Question de :
M. Jean-Jacques Urvoas
Finistère (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences de la RGPP dans le grand-ouest sur le fonctionnement de la PJJ. Problème prioritaire, les fermetures d'établissement se multiplient. Dans le Finistère, une unité éducative d'activités de jour est ainsi destinée à disparaître avant le 1er septembre prochain. D'autre part, la réorganisation de certaines directions départementales va se traduire par la suppression d'une cinquantaine d'emplois d'ici 2011. Enfin, lorsqu'un projet de création de centre est validé, le choix du terrain censé l'accueillir s'effectue, comme à Pluguffan, sans concertation avec la population et les élus locaux, ce qui suscite des tensions pourtant évitables. L'action du Gouvernement sur ce dossier semble régie par une certaine imprévoyance ; il demande ce qu'elle qu'envisage pour corriger les dysfonctionnements relevés.
Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2010
CONSÉQUENCES DE LA RGPP SUR LE FONCTIONNEMENT
DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
DANS LE GRAND-OUEST
M. Jean-Jacques Urvoas. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et porte sur les dégâts occasionnés par la mise en oeuvre de la RGPP dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse.
En Bretagne, notamment, c'est une véritable tourmente. Depuis quelques mois, quatre foyers d'hébergement y ont été fermés alors que, dans le même temps, on ouvrait une prison d'enfants à Orvault, en Loire-Atlantique. Est-ce conforme à l'intérêt des mineurs en difficulté ?
Est-il concevable que, dans le seul souci de la rentabilité, l'unité éducative d'activités de jour de Quimper soit à son tour condamnée à mettre la clef sous la porte en septembre prochain, alors que, de l'avis de tous, elle rendait d'inappréciables services aux adolescents qui lui étaient confiés ?
Vous nous dites qu'il convient que la PJJ se recentre sur ses missions initiales, liées à la prise en charge au pénal des mineurs. Est-il pour autant admissible que cette réorganisation s'effectue au détriment de ses missions éducatives ? N'est-il pas pour le moins paradoxal de s'engager sur cette voie quelques mois seulement après que le Parlement a adopté une loi pénitentiaire ? Pour avoir participé aux débats, monsieur le secrétaire d'État à la justice, vous savez mieux que moi qu'une partie importante de ce texte témoignait d'une défiance bienvenue envers la tentation du tout sécuritaire. En procédant comme semble le faire l'administration, vous touchez à l'identité même de la PJJ. Et, comme si le reformatage des missions ne suffisait pas, vous remettez en cause l'organisation des services, dans le but probable de faire des économies de bouts de chandelle.
Dans ce domaine également, la situation dans le ressort de la direction interrégionale du Grand-ouest s'avère particulièrement édifiante, avec la réorganisation, voire la fermeture, de certaines directions départementales : celle des Côtes-d'Armor d'ores et déjà, puis celle du Morbihan en septembre. Des suppressions d'emplois accompagnent ces fermetures : au sein de la direction interrégionale, trente emplois seront supprimés en 2010, cinquante en 2011.
Tout cela soulève de vives inquiétudes, tant chez les professionnels du secteur que chez les mineurs inscrits dans le processus d'encadrement éducatif et leurs familles. Comment, en particulier, ne pas comprendre et partager l'inquiétude de personnels auxquels on demande toujours plus en leur octroyant toujours moins de moyens ?
Il arrive pourtant, ce qui relève presque du miracle, qu'un projet de création de structure soit finalement validé. Mais, même dans ce cas, on ne peut s'en réjouir pleinement. Ainsi en est-il du projet de construction à Pluguffan, près de Quimper, d'un nouveau centre de placement immédiat de douze places. Il suscite dans la commune un certain émoi parce que les choix d'implantation se sont effectués sans concertation avec la population et les élus locaux.
L'action du Gouvernement pourrait-elle corriger les dysfonctionnements que je viens d'évoquer ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur Urvoas, vous connaissez bien ces questions. L'action de la PJJ est reconnue et respectée. Elle a été recentrée sur la prise en charge des mineurs impliqués dans une procédure pénale. Cette mise en oeuvre entraîne certes une réorganisation des services. Mais, contrairement à ce que vous laissez entendre, cela ne signifie ni l'abandon d'un public en difficulté ni la remise en cause de missions de protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit simplement de modalités d'intervention différentes. Désormais, le type d'activités mises en oeuvre dans les unités éducatives d'activités de jour relèvera des unités éducatives de milieu ouvert. Cela permet la restructuration des prises en charge par des activités de jour pour tous les mineurs suivis, notamment ceux qui sont déscolarisés.
Au-delà de la position du Gouvernement, monsieur le député, je puis vous dire de façon plus personnelle que je connais bien ce sujet. Je m'intéresse au travail de la PJJ depuis des années en tant que parlementaire et élu local et, aujourd'hui, en tant que membre du Gouvernement. J'ai beaucoup d'estime pour cette administration et pour les gens qui y travaillent, notamment ceux qui sont sur le terrain. Je le dis avec la sensibilité d'un maire confronté à ces questions, une remise à plat s'imposait depuis longtemps, face à un monde qui a changé et à des attentes nouvelles. D'ailleurs, lorsque l'on discute librement avec les personnels de la PJJ, ils le reconnaissent. Aujourd'hui, nous sommes dans la phase où les choses se mettent en mouvement et c'est toujours un moment difficile. Je suis très souvent sur le terrain, je suis allé récemment visiter un centre éducatif fermé et j'aurai d'autres contacts avec des acteurs de la PJJ. Ceux-ci se posent des questions, car la situation n'est pas évidente, mais ils comprennent que les choses doivent changer.
Ce qui importe aujourd'hui, c'est d'évaluer en permanence ce que nous faisons pour préserver le dialogue et montrer que les buts que je viens de rappeler sont plus facilement atteints grâce à cette nouvelle manière de travailler. Si j'avais plus de temps que celui qui m'est imparti, je vous donnerais quelques exemples pour étayer mon propos. Mais je ne le ferais pas aujourd'hui, d'autant que, je l'ai dit, vous connaissez bien ces questions.
Concernant les suppressions d'emplois consécutives à la réorganisation territoriale des services, le choix d'installer les directions territoriales compétentes sur plusieurs départements a pour finalité de rendre plus efficient le pilotage territorial et plus cohérente l'articulation avec les interlocuteurs locaux. Elle s'opère au regard des besoins en matière d'action d'éducation auprès des mineurs confiés dans un cadre pénal exclusivement.
La mutualisation des moyens administratifs et d'encadrement associée au redéploiement des postes d'éducateurs précédemment dédiés à la prise en charge civile permet de renforcer l'intervention auprès des mineurs délinquants, notamment dans les établissements de placement éducatif, où la prise en charge est la plus délicate.
S'agissant de Pluguffan, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation avec la population et les élus locaux. Elle s'est déroulée dans le cadre de plusieurs rencontres entre le directeur départemental du Finistère, le maire de Pluguffan et ses adjoints en août et octobre 2008, entre le directeur interrégional du Grand-ouest, le directeur départemental du Finistère, le maire, ses adjoints, ainsi que les élus du quartier, en juin 2009. Enfin, il y a eu une réunion publique le 24 septembre 2009 avec les riverains.
Je ferai à nouveau une remarque personnelle. J'ai été confronté, il y a plusieurs années, à l'implantation d'un centre éducatif fermé dans ma commune. J'étais à l'époque un élu et un parlementaire de l'opposition nationale et j'avais tout le monde contre moi. Il y avait des arguments contre à droite comme à gauche, surtout dans notre commune et notamment à cet endroit. J'ai moi-même mouillé ma chemise lors de réunions publiques et mené la concertation. Je sais comment cela se passe : lorsqu'on dit qu'il n'y a pas de concertation, c'est souvent que la concertation n'a pas abouti à ce que l'on espérait. C'est un sujet délicat. La question est aussi de savoir comment se positionnent les élus locaux. Estiment-ils qu'il faut un certain nombre de centres éducatifs fermés et qu'il faut alors savoir assumer ce choix dans la plus grande transparence ? Ou bien y a-t-il d'autres raisons ?
Quoi qu'il en soit, monsieur le député, j'ai essayé de répondre franchement à votre question.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de l'hommage que vous venez de rendre aux professionnels de la PJJ, lesquels sont attachés aux valeurs du service public. Je regrette toutefois que la réorganisation territoriale se traduise par des suppressions de postes : cinquante au sein de la direction interrégionale, comme me l'a confirmé hier encore la directrice interrégionale. Quant au centre de placement immédiat de Pluguffan, vous pouvez compter sur la détermination de tous les élus pour faire aboutir ce projet. Nous avons cependant un petit problème s'agissant de la transparence des procédures en place.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Nous allons l'améliorer.
Auteur : M. Jean-Jacques Urvoas
Type de question : Question orale
Rubrique : Ministères et secrétariats d'état
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 avril 2010