Haïti
Question de :
M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Bruno Le Roux interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation des enfants en instance d'adoption trois mois après le séisme qui a frappé Haïti. Dès le mois de janvier 2010, la France s'était engagée à rapatrier tous les enfants disposant d'un jugement d'adoption prononcé en Haïti. À ce jour, près de 450 enfants ont d'ores et déjà pu rejoindre la France, mais près de 600 enfants seraient encore en attente de rapatriement. Parmi eux, près d'une centaine serait en possession de dossiers complets validés par les autorités haïtiennes, mais seraient confrontés au blocage de nombreux vols d'évacuation. Dans ce contexte, la suppression de la cellule de crise du service de l'adoption internationale spécifique à Haïti ainsi que le ralentissement des évacuations ne font que renforcer l'inquiétude et l'incompréhension des familles. Il ne s'agit en aucun cas d'inciter les autorités à violer les règles de droit international applicables en matière d'adoption, ni d'exposer ces enfants à des risques d'insécurité juridique, mais simplement de tenir compte de la réalité en Haïti, où de nombreux documents et jugements d'adoption ont disparus lors du séisme et où le taux de mortalité infantile demeure dramatiquement élevé. Par ailleurs, l'état sécuritaire et sanitaire désastreux du pays, justifie plus que jamais, à l'approche de la saison des pluies, de reprendre et d'accélérer les procédures d'adoption afin d'éviter de nouveaux drames. Face à cette urgence sanitaire, il apparaît nécessaire de faire avancer les négociations avec les autorités haïtiennes, et de mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles permettant d'accélérer le traitement des dossiers en cours d'instruction ainsi que le rapatriement de ces enfants. Plusieurs orphelinats haïtiens ont eux-même alerté les familles françaises sur la nécessité de faire évacuer au plus vite les enfants ayant une famille adoptive légalement identifiée. Les familles attendent ainsi que ces enfants soient pris en charge d'urgence et rapatriés pendant que se poursuivent les procédures d'adoption de manière légale et transparente. Par ailleurs, de nombreux pays ont d'ores et déjà annoncé la mise en oeuvre de mesures exceptionnelles pour faciliter l'évacuation des enfants en cours d'adoption. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures et les moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour permettre à ces enfants de rejoindre leur famille dans les plus brefs délais.
Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2010
ADOPTION D'ENFANTS D'HAÏTI
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour exposer sa question, n° 1006.M. Bruno Le Roux. Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, ma question porte sur la situation très préoccupante des enfants en instance d'adoption qui demeurent encore bloqués en Haïti.
Comme de nombreux collègues, j'ai en effet été saisi par plusieurs associations de familles adoptantes, par des parents qui demeurent désespérément inquiets.
La France s'était engagée à rapatrier tous les enfants disposant d'un jugement d'adoption prononcé en Haïti. Or, à ce jour, près de 600 enfants seraient encore en attente de rapatriement. Parmi eux, près d'une centaine serait en possession de dossiers complets validés par les autorités haïtiennes, mais pourtant confrontés au blocage de nombreux vols d'évacuation.
Dans ce contexte, la suppression de la cellule de crise du service de l'adoption internationale spécifique à Haïti ainsi que le ralentissement des évacuations n'ont fait que renforcer l'inquiétude et l'incompréhension des familles.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, pour quelles raisons le ministère des affaires étrangères a-t-il décidé de surseoir à l'arrivée immédiate de centaines d'enfants disposant, pour une grande partie, de jugements homologués ? Qu'en est-il des informations qui circulent au sujet d'un blocage des procédures d'adoption avec les autorités haïtiennes jusqu'à ce qu'elles ratifient la convention de La Haye ?
Face à une urgence sanitaire que vous connaissez bien, les familles attendent des informations sur le calendrier des évacuations et sur l'évolution des discussions avec les autorités haïtiennes concernant l'éventuelle mise en oeuvre de mesures exceptionnelles permettant d'accélérer le traitement des dossiers et le rapatriement de ces enfants.
Plusieurs orphelinats haïtiens ont eux-mêmes alerté les familles françaises sur la nécessité de faire évacuer au plus vite les enfants ayant une famille adoptive légalement identifiée.
Vous n'êtes pas sans savoir que de nombreux pays ont d'ores et déjà annoncé la mise en oeuvre de mesures exceptionnelles pour faciliter l'évacuation des enfants en cours d'adoption.
Pouvez-vous nous garantir que tous les dossiers d'adoption ouverts avant le séisme seront pris en charge jusqu'à leur terme ? Dans quels délais les enfants disposant de jugements homologués pourront-ils rejoindre leur famille ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur Le Roux, je vous prie d'excuser M. Bernard Kouchner, qui m'a demandé de vous transmettre la réponse suivante.
Après les transferts groupés vers la France des enfants ayant bénéficié d'un jugement d'adoption effectués dès le 22 janvier dans le cadre du dispositif d'urgence, les acheminements se sont poursuivis depuis le 12 mars via un centre d'accueil situé en Guadeloupe, où les familles se rendent pour prendre en charge leurs enfants. Ce centre leur fournit un accompagnement médical et psychologique afin de préparer la rencontre : 522 enfants ont d'ores et déjà été acheminés.
Le service de l'adoption internationale - le SAI - du ministère des affaires étrangères et européennes s'est attaché à remédier au problème dû à la perte, lors du séisme, des documents relatifs aux procédures d'adoption. Ainsi, le SAI a entrepris de reconstituer les dossiers à partir des pièces fournies par les familles ou les organismes autorisés pour l'adoption. Or la proportion très importante - près de 70 % - des adoptions menées à titre individuel s'est révélée source de graves difficultés, tant pour le SAI, qui a dû reconstituer les dossiers dont il n'avait connaissance habituellement qu'en fin de procédure, que pour les familles confrontées à la nécessité d'apporter la preuve de l'état d'avancement de leur demande d'adoption.
S'agissant de la situation sanitaire des enfants, les crèches sont visitées aussi systématiquement que possible par des membres de notre ambassade à Port-au-Prince, de manière qu'il soit pourvu à leurs besoins, en liaison avec l'UNICEF et le programme alimentaire mondial.
Les enfants qui se trouvaient en voie d'adoption mais dont la procédure n'a pas encore atteint le stade du jugement ne sont pas adoptés au regard de la loi haïtienne même si des liens affectifs ont pu se créer avec les familles lorsque celles-ci les ont rencontrés. Pour ces dossiers, le traitement des procédures reprend progressivement en Haïti, où l'autorité centrale de l'adoption, l'Institut du bien-être social et de la recherche, chargé de valider les apparentements, ainsi que certains tribunaux commencent à fonctionner à nouveau.
Le service de l'adoption internationale du ministère des affaires étrangères et européennes, dans la perspective d'établir un état des procédures en cours le plus fidèle possible, a procédé à l'établissement d'une liste où figurent toute les procédures encore en cours pour lesquelles les familles avaient bénéficié d'un apparentement avant le séisme : 500 enfants environ sont concernés par ce recensement.
Cette liste est un document de travail interne qui va permettre d'identifier les procédures qui pourraient, en accord avec les autorités haïtiennes, faire l'objet d'une accélération de la phase entre le jugement et la délivrance du passeport. Les dossiers se trouvant dans une phase antérieure au jugement devront donc attendre que ce dernier soit rendu, mais ils pourraient alors bénéficier d'un raccourcissement important de la procédure post-jugement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse. Je sais bien que la préoccupation que j'exprime au nom de nombreux collègues est partagée par le Gouvernement. Compte tenu de cet événement tragique et des difficultés qu'il a entraînées en Haïti, je souhaite simplement que face à l'inquiétude des familles, une vraie priorité - si tant est qu'on puisse employer ce terme s'agissant d'adoption - soit donnée pour permettre aux enfants d'arriver le plus vite possible.
Auteur : M. Bruno Le Roux
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 avril 2010