caoutchouc et plastiques
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Maxime Gremetz interroge Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur le devenir de l'entreprise Dunlop-Goodyear implantée sur la zone industrielle d'Amiens Nord.
Réponse en séance, et publiée le 23 janvier 2008
ENTREPRISE DUNLOP-GOODYEAR À AMIENS
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour exposer sa question, n° 103.M. Maxime Gremetz. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la prospective, j'ai interrogé, en novembre, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur les graves menaces de licenciement qui pèsent sur les salariés de Goodyear-Dunlop, entreprise implantée dans la zone industrielle d'Amiens-Nord. Je n'ai toujours pas de réponse.
Le 3 avril 2007, en comité central d'établissement extraordinaire, puis le lendemain, à l'occasion de négociations relatives à l'aménagement du temps de travail, la direction a annoncé que 500 suppressions d'emplois étaient envisagées dans un avenir proche. Alors même que le groupe s'engage à investir 50 millions d'euros au cours des quatre prochaines années pour développer le site amiénois, il veut, dans le même temps, supprimer 500 des 2 700 emplois du site ! Il manie même le chantage à la politique du pire, agitant la menace d'une fermeture des sites amiénois si un accord n'est pas concédé par les salariés et leurs représentants dans un délai rapproché.
En outre, la direction a voulu passer en force en organisant de façon unilatérale un référendum, finalement mis en échec par les salariés. Après négociations, la direction et les organisations syndicales ont, ensemble, organisé une consultation référendaire - légale, cette fois - sur les propositions du groupe. Les salariés se sont exprimés à 64,55 % - et à 74 % dans le collège des salariés postés - contre le projet de réorganisation du complexe, le taux de participation étant de 92,6 %. La démocratie a donc pleinement joué son rôle.
Oui, les salariés veulent de l'investissement. Oui, ils veulent conserver leur emploi et préserver leur vie de famille. Mais ils disent non à la casse de leurs conditions de travail, aux " quatre-huit ", à la perte du pouvoir d'achat, à la remise en cause de l'organisation du travail et de leur qualité de vie.
La direction se trouve face à des salariés et des syndicats motivés, qui comptent exercer leur droit d'expression conformément à l'article L. 461-1 du code du travail, selon lequel " les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Cette expression a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise. " Rappelons également qu'en vertu du même article, les opinions que les salariés émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Après ce référendum organisé paritairement, la direction doit écouter les salariés et les organisations syndicales, qui, étant sur le terrain, sont les mieux à même de comprendre la situation. Loin d'être de simples exécutants dénués de capacité de réflexion, ils ont des solutions à proposer.
Le groupe doit accepter d'investir dans l'usine, même si les dividendes des actionnaires - qui sont, comme vous le savez, très élevés - doivent en souffrir. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour inciter Goodyear-Dunlop à investir les 52 millions prévus sur ce site amiénois, à annuler les 500 licenciements annoncés et à développer l'activité ?
Le préfet m'a fait part des rencontres qui ont eu lieu avec la direction locale ainsi qu'avec la direction européenne. Elles n'ont rien donné : c'est le blocage total ! Au terme d'une réflexion conduite avec lui et avec le président d'Amiens métropole, nous pensons que le Gouvernement doit rencontrer la direction américaine du groupe - car c'est au plus haut niveau que les contacts doivent désormais avoir lieu - afin de lui demander comment elle voit l'avenir des sites d'Amiens.
Si la direction américaine donne l'assurance que sa stratégie n'est pas d'abandonner à terme les deux entreprises amiénoises - qui n'en font plus qu'une, puisque Dunlop a été repris par Goodyear -, le contenu des négociations à venir en sera changé. Dans le cas contraire, la situation restera bloquée.
C'est désormais au niveau gouvernemental que les choses peuvent être réglées. Le précédent ministre n'avait d'ailleurs pas manqué d'intervenir dans des situations semblables.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques.
M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Monsieur le député, vous avez appelé l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur l'avenir du complexe industriel de Goodyear-Dunlop France situé à Amiens, auquel nous savons que vous êtes très attaché. Empêchée, Mme Lagarde m'a demandé de vous répondre.
La situation est en effet très préoccupante pour les deux sites amiénois de Goodyear-Dunlop, qui regroupent environ 2 600 salariés. À l'heure actuelle, la production sur ces sites consiste essentiellement en pneus de 13 à 15 pouces, désormais peu demandés sur les marchés d'Europe de l'Ouest, et qui au surplus sont produits à meilleur coût dans des pays émergents.
Dans un contexte de concurrence exacerbée, Goodyear-Dunlop a considéré qu'une évolution était nécessaire. Les deux établissements devaient, à terme, produire des pneus à haute valeur ajoutée, et par là même retrouver une rentabilité.
Dès le quatrième trimestre de 2006, la direction a entamé des négociations avec les représentants syndicaux pour élaborer un plan destiné à relancer le site et à préserver les emplois. De nombreux scenarii ont été étudiés mais, selon la direction, le seul viable consiste à investir 52 millions d'euros afin de rénover le processus industriel et de permettre la production des nouveaux pneumatiques.
La réalisation de cet investissement était toutefois subordonnée à la conclusion d'un accord avec les salariés, qui devaient accepter une nouvelle organisation du travail dite en " quatre-huit ", à raison de 35 heures par semaine, pour assurer une production sur 350 jours par an au lieu de 326 jours actuellement.
Ce plan, qui aurait été mis en place sur trois ans, de 2008 à 2011, devait parallèlement conduire à la suppression de 350 postes, également sur trois ans, au moyen de mesures dites d'âge et par le turnover naturel.
M. Maxime Gremetz. Officiellement 500 suppressions !
M. le secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. J'entends ce chiffre, mais je me contente de vous transmettre les éléments qui m'ont été communiqués par les services du ministère.
Le référendum organisé en octobre 2007 dans l'entreprise a traduit, vous l'avez évoqué, un refus massif de la nouvelle organisation de la production : le taux de participation étant de 92 %, environ 65 % des votants se sont prononcés contre. Les salariés n'ont donc pas été convaincus du sérieux de la proposition. La direction de l'entreprise a souligné que ce rejet compromettait l'avenir des deux usines et aurait un impact important sur les effectifs. En outre, la direction a annoncé, lors d'un comité central d'entreprise extraordinaire, le 9 janvier dernier, qu'un projet de réduction de la production des sites d'Amiens serait présenté aux représentants du personnel le 24 janvier prochain, qui menacerait plusieurs centaines d'emplois.
Toutefois, la direction a parallèlement proposé aux organisations syndicales d'ouvrir à nouveau des négociations sur la mise en oeuvre d'une organisation du travail en " quatre-huit " et de ses contreparties industrielles pour le site. À ce stade, au regard de l'importance des enjeux pour l'emploi industriel, il importe que, tous, nous favorisions les conditions du dialogue social et de la restauration de la confiance mutuelle. Il appartient désormais à chaque partie de prendre ses responsabilités car, vous l'avez dit, 2 600 emplois sont en jeu.
Monsieur le député, les services de l'État, au niveau national ou local, sont mobilisés afin qu'une solution satisfaisante se concrétise. Mme la ministre de l'économie m'a chargé de vous dire qu'elle se tient informée en permanence de l'évolution de ce dossier et qu'elle n'hésitera pas, le cas échéant, à demander à la direction de Goodyear-Dunlop, au niveau du siège américain, de préciser sa vision stratégique quant à l'avenir du site d'Amiens en fonction du résultat des négociations engagées localement avec les organisations syndicales. La ministre et le secrétaire d'État concerné suivent de près ce dossier qui, comme vous, les préoccupe.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de m'avoir transmis la réponse de Mme Lagarde. L'engagement qu'elle prend en conclusion m'agrée tout à fait, car rien n'aboutit localement ! Le préfet, représentant de l'État, a rencontré en vain la direction Europe du groupe. Il n'y aura aucune discussion et aucun investissement tant que les salariés n'accepteront pas les 500 licenciements et les " quatre-huit " ! Le blocage est donc total.
On ne peut pas accepter le chantage d'un groupe qui impose 500 licenciements et le passage aux " quatre-huit " avant toute négociation ! La direction a décidé d'elle-même de faire travailler certains salariés le vendredi, le samedi et le dimanche, donc de les faire passer aux " cinq-huit " ! La confiance n'existe plus aujourd'hui ! J'ai rencontré la direction et lui ai fait savoir qu'elle n'avait fait que provoquer les salariés en prenant cette décision unilatéralement malgré l'échec du référendum. Les organisations syndicales sont composées de personnes responsables. Elles ont clairement exprimé leur volonté lors des manifestations, des grèves et du référendum, s'agissant de l'avenir de l'entreprise.
Ce groupe américain doit, je le rappelle, garantir au gouvernement français que sa stratégie n'est pas d'abandonner ces deux entreprises - qui n'en font plus qu'une - ce que je crains tout comme les personnels. Ce sont 2 700 salariés, voire 5 000, si l'on inclut ceux des entreprises gravitant autour de Goodyear-Dunlop, qui seraient menacés. Ce serait terrible pour l'agglomération amiénoise qui connaît déjà un taux de chômage catastrophique.
Personne n'a jamais refusé les négociations, mais elles doivent s'engager sur d'autres bases. Nous serions d'accord avec la stratégie du groupe si son objectif de fabriquer des produits de haute qualité n'était pas qu'un prétexte pour imposer le licenciement de 500 salariés et, pour ceux qui restent, la remise en cause de leur organisation de travail. N'oublions pas que ce secteur enregistre le plus grand nombre d'accidents du travail. Cette société dispose de tout ce qu'il faut pour atteindre son but : salariés formés et machines. En quoi a-t-elle besoin de remettre en cause les conditions de travail ? Faire travailler certains le vendredi, le samedi et le dimanche bouleversera totalement leur vie de famille. C'est en investissant et en faisant appel à toutes les qualités de ses ouvriers qualifiés à forte productivité que Goodyear-Dunlop pourra atteindre ses objectifs, qui ne seront alors pas incompatibles avec les intérêts des salariés. Tel est l'état d'esprit des organisations syndicales, des collectivités et des représentants de l'État.
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Économie, finances et emploi
Ministère répondant : Économie, finances et emploi
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 janvier 2008