Question orale n° 1076 :
stagiaires

13e Législature

Question de : M. Dominique Le Mèner
Sarthe (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Dominique Le Mèner appelle l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur certaines pratiques d'embauches de grandes entreprises. La crise économique qui sévit en France et dans le monde depuis septembre 2008 a conduit beaucoup d'entreprises françaises à changer leur politique de recrutement. Nombreuses sont les grandes structures à avoir multiplié le nombre de stagiaires au sein de leur effectif. Profitant ainsi de jeunes diplômés frais émoulus, issus de l'enseignement supérieur et en recherche d'un emploi stable, des postes permanents et des structures entières ont été pourvus, d'une certaine façon, d'une main-d'oeuvre précaire et souvent prête à travailler plus de cinquante heures par semaine afin d'obtenir un CDI que l'on pourrait désormais qualifier de "graal". Généralement rémunérés l'équivalent d'un tiers du SMIC, ces jeunes doivent alors compter sur leurs proches afin de répondre à leurs dépenses minimales de logement, de nourriture et de transport. Cela ne favorise aucunement les jeunes issus des milieux modestes ou défavorisés dont les parents n'ont pas les moyens de se substituer au salaire versé par l'entreprise pour leur permettre de vivre décemment. La situation économique actuelle, pour peu qu'elle semble montrer des signes de redynamisation, ne justifie pas de telles pratiques. Néanmoins, de nombreuses entreprises continuent dans cette voie et il ne faudrait pas que ce comportement exceptionnel devienne la nouvelle norme sociale. Dans un souci de protection du statut des salariés et afin de favoriser l'embauche rapide des jeunes diplômés, il serait souhaitable de mettre en place une commission d'enquête afin d'étudier la création d'un dispositif légal contre ces abus, et d'examiner la question de l'impact potentiel d'un quota entre le nombre de CDI et le nombre de stagiaires présents dans la même entreprise. Il souhaiterait, par conséquent, connaître son sentiment sur cette proposition et ses intensions en la matière.

Réponse en séance, et publiée le 19 mai 2010

MULTIPLICATION DU NOMBRE DE STAGIAIRES DANS LES GRANDES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour exposer sa question, n° 1076, relative à la multiplication du nombre de stagiaires dans les grandes entreprises.
M. Dominique Le Mèner. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, ma question concerne certaines pratiques d'embauche de grandes entreprises.
La crise économique qui sévit en France et dans le monde depuis septembre 2008 a conduit beaucoup d'entreprises françaises à changer leur politique de recrutement. Nombreuses sont les grandes structures à avoir multiplié le nombre de stagiaires au sein de leurs effectifs. Profitant ainsi de jeunes diplômés frais émoulus, issus de l'enseignement supérieur et en recherche d'un emploi stable, des postes permanents et des structures entières ont été pourvus d'une main d'oeuvre précaire et souvent prête à travailler plus de cinquante heures par semaine afin d'obtenir un CDI que l'on pourrait désormais qualifier de " Graal ".
Généralement rémunérés l'équivalent d'un tiers du SMIC, ces jeunes doivent alors compter sur leurs proches afin de répondre à leurs dépenses minimales de logement, de nourriture et de transport. Cela ne favorise aucunement les jeunes issus des milieux modestes ou défavorisés dont les parents n'ont pas les moyens de se substituer au salaire versé par l'entreprise pour leur permettre de vivre décemment.
La situation économique actuelle, pour peu qu'elle semble montrer des signes de redynamisation, ne justifie pas de telles pratiques.
Néanmoins, de nombreuses entreprises continuent dans cette voie et il ne faudrait pas que ce comportement exceptionnel devienne la nouvelle norme sociale.
Afin de protéger le statut des salariés et de favoriser l'embauche rapide des jeunes diplômés, il serait souhaitable de mettre en place une commission d'enquête pour étudier la création d'un dispositif légal contre ces abus et examiner l'impact potentiel d'un quota de stagiaires par rapport au nombre de CDI dans une même entreprise.
Par conséquent, je voudrais connaître le sentiment du ministre du travail sur cette proposition et les intentions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le député, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Éric Woerth qui ne peut être présent ce matin.
Longtemps, l'absence de cadre a été préjudiciable pour les étudiants en stage comme pour les entreprises et les établissements qui les accueillaient. Cette lacune a été corrigée par la loi sur l'égalité des chances du 31 mars 2006. L'actuel gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a renforcé ce cadre légal, en réduisant de trois à deux mois la période au-delà de laquelle les stages reçoivent obligatoirement une gratification. Il a également étendu ce cadre à l'essentiel du secteur public par le décret du 31 janvier 2008 qui instaure l'obligation de gratification des stages dans la fonction publique d'Etat.
Ce cadre constitue la réponse aux dérives qui ont pu exister. Il fixe trois exigences : d'abord, une convention de stage doit obligatoirement définir la finalité pédagogique du stage et ses modalités d'évaluation ; ensuite, il instaure le principe d'une gratification obligatoire au-delà d'une certaine durée ; enfin, les stages hors cursus sont interdits. Sur ce dernier point, le texte du décret est en cours de finalisation avec les acteurs concernés et nous souhaitons le publier avant l'été.
Ce cadre permet d'éviter les dérives de toutes sortes. Elles demeurent exceptionnelles. La crise a pu faire réapparaître la tentation de mauvaises pratiques. Pour autant, il ne faut pas jeter la suspicion sur tous ceux qui accueillent des étudiants stagiaires et qui n'hésitent pas à mobiliser leurs ressources pour compléter la formation initiale de ces étudiants tout en facilitant leur insertion professionnelle. L'amélioration de l'emploi des jeunes passe aussi par une meilleure adéquation de leur formation aux réalités professionnelles : les stages, l'apprentissage, les contrats de professionnalisation et, plus largement, tout ce qui concourt à une plus grande alternance doit être encouragé.
Naturellement, ces encouragements doivent s'inscrire dans le cadre légal que j'ai rappelé. Hors de ce cadre, monsieur le député, le dispositif légal contre l'abus en matière de stage que vous appelez de vos voeux existe : c'est la requalification du stage en contrat de travail à durée indéterminée. Les entreprises qui affecteraient des stagiaires sur des postes correspondant à des emplois permanents, sans convention de stage ni objectif pédagogique, s'exposent à une telle sanction.
Elles doivent également savoir que la lutte contre le recours frauduleux à des statuts spécifiques constitue l'une des priorités du plan national de lutte contre le travail illégal 2010-2011, que Xavier Darcos a présenté à la commission nationale de lutte contre le travail illégal le 26 novembre dernier. Ces priorités sont celles du Gouvernement et continueront de faire l'objet d'une attention accrue des services de l'inspection du travail.
M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner.
M. Dominique Le Mèner. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse. Je suis bien convaincu de la bonne volonté du Gouvernement, mais il y a là une situation de fait dans beaucoup d'entreprises ; nombre de jeunes diplômés me l'ont rapporté.
Effectivement, le décret permettra de mieux encadrer les stages. Il faudra néanmoins rester très vigilants car ces pratiques continuent à se développer et les rémunérations accordées ont peu à voir avec la qualité des stagiaires.

Données clés

Auteur : M. Dominique Le Mèner

Type de question : Question orale

Rubrique : Formation professionnelle

Ministère interrogé : Travail, solidarité et fonction publique

Ministère répondant : Travail, solidarité et fonction publique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mai 2010

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