PAC
Question de :
M. Christian Paul
Nièvre (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Christian Paul attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le projet de révision de la délimitation des zones défavorisées simples initié par la Commission européenne. Le département de la Nièvre est fortement concerné par le classement en zones défavorisées applicable à partir du 1er janvier 2014. Ce nouveau classement met gravement en péril l'agriculture en Bourgogne et plus particulière dans la Nièvre, département le plus touché de la région. En effet, l'application des nouveaux critères de classement induit une très forte diminution du nombre de communes (- 70 %) et de la superficie agricole (- 50 %) entrant dans le zonage de la Nièvre. La révision des zones défavorisées s'appuie sur huit critères liés au sol et au climat, délimitant des zones affectées de handicaps naturels importants, les aspects économiques et socio-démographiques ayant été abandonnés. La redéfinition des périmètres des zones défavorisées simples et de piémont sur l'agriculture entraînera une diminution considérable des soutiens, à savoir une perte annuelle de 5 millions d'euros sur les 7,2 millions d'euros actuellement perçus au titre du soutien aux zones herbagères. Le maintien en zone défavorisée du département de la Nièvre, compte tenu de ses handicaps naturels, paraît indispensable. Il lui demande donc de renoncer à présenter à la Commission européenne toute proposition de modifications des zonages actuels.
Réponse en séance, et publiée le 23 juin 2010
MAINTIEN DU DÉPARTEMENT DE LA NIÈVRE
EN ZONE AGRICOLE DÉFAVORISÉE
M. Christian Paul. L'agriculture française est aujourd'hui au centre de tous les débats et rien ne lui est épargné.
Les agriculteurs français font face, amèrement, à une baisse constante de leurs revenus depuis maintenant presque dix ans. Cette baisse se monte à 34 % en 2009, après un recul de 20 % en 2008. Les agriculteurs sont les victimes de la crise et de la volatilité extrême des prix, mais aussi et surtout de la suppression des outils de régulation et de la libération des marchés.
Les éleveurs du grand bassin allaitant sont très affectés par ces crises successives. Dans une récente étude sur l'évolution des prix agricoles, l'UFC-Que choisir révélait que si les revenus des agriculteurs baissent, le consommateur voit paradoxalement les prix augmenter. Cette étude soulignait ainsi l'inquiétante opacité des grandes marques de distribution quant aux marges réalisées sur les produits alimentaires.
Avec la loi de modernisation agricole, le Gouvernement se targue d'apporter des solutions à la détresse des agriculteurs ; mais, dans le même temps, les décisions annoncées risquent d'aggraver très fortement leur situation.
En effet, un autre danger menace aujourd'hui l'agriculture française : le projet de révision de la délimitation des zones défavorisées simples, lancé par la Commission européenne. Ce classement des zones défavorisées applicable à partir du 1er janvier 2014 met gravement en péril l'agriculture en Bourgogne et plus particulièrement dans la Nièvre, département le plus touché de la région par cette révision.
L'application des nouveaux critères de classement induit une très forte diminution du nombre de communes nivernaises concernées - 70 % seraient ainsi déclassées - et de la superficie agricole, dont la moitié serait déclassée. Or les indemnités compensatrices de handicap naturel soutiennent utilement les exploitations, notamment les plus modestes, et facilitent l'installation des jeunes agriculteurs.
La révision des zones défavorisées s'appuie sur huit critères liés au sol et au climat, délimitant des zones affectées de handicaps naturels importants, les aspects économiques et socio-démographiques ayant été abandonnés. C'est la combinaison de ces critères qui permettait jusqu'ici une répartition juste et équitable.
La redéfinition des périmètres des zones défavorisées simples et de piémont dans l'agriculture entraînera une diminution considérable des soutiens, à savoir une perte annuelle de 5 millions d'euros sur les 7,2 millions actuellement perçus au titre du soutien aux zones herbagères. Aussi apparaît-il nécessaire d'intégrer ou de réintégrer d'autres critères et, en ce qui concerne la Bourgogne, celui de la surface en herbe.
Le maintien en zone défavorisée du département de la Nièvre, compte tenu de ses besoins spécifiques, paraît indispensable. Je demande donc au Gouvernement de renoncer à présenter à la Commission européenne toute proposition de modification des zonages actuels qui ne réintégrerait pas ces critères.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Vous connaissez bien la question, monsieur Paul : la Commission européenne, par une communication du 21 avril 2009, a engagé la révision de ces zones pour répondre au rapport de la Cour des comptes européenne remis le 27 juin 2003, soulignant que l'éventail d'indicateurs utilisé par les État membres pour déterminer ces zones était dicté par des priorités plus nationales qu'européennes. Dans son rôle, la Cour relevait un risque de disparité de traitement entre les bénéficiaires.
La Commission a donc proposé une nouvelle méthode de délimitation de ces zones, s'appuyant sur la combinaison de deux catégories de critères communs à l'ensemble des États membres. Huit critères biophysiques permettaient de définir les zones présentant des handicaps naturels ; des indicateurs témoignant du degré d'intensité des modes d'exploitation permettant ensuite de limiter le zonage aux territoires où les handicaps naturels n'ont pu être surmontés ni par une intervention humaine ni par le progrès technique.
La Commission a donc invité les États membres à effectuer sur ce fondement des simulations pour l'ensemble de leurs territoires. Dans cet esprit, la France a présenté le résultat de ces simulations aux organismes professionnels et aux associations d'élus le 10 février dernier, avant de les transmettre, le 26 février, à la Commission, accompagnées des remarques et objections résultant de cette concertation.
Ces simulations font apparaître que les critères de zonage envisagés par la Commission excluent des aides des zones objectivement défavorisées et qui devraient pourtant en bénéficier, ce que vous venez de souligner en ce qui concerne votre département, monsieur le député.
Le ministre de l'agriculture a donc indiqué à la Commission que sa proposition de méthode de zonage ne convenait pas en l'état. Il a également mis en place, après cette mise en garde, un groupe de travail composé de représentants des organismes professionnels, des associations d'élus et des services de l'État pour définir des critères additionnels plus conformes aux attentes légitimes d'un certain nombre de territoires français.
Ce groupe devra rendre ses conclusions au début du mois de juillet ; votre question arrive donc au bon moment. Dans le cadre de cet exercice, soyez assuré que les informations que vous avez portées à la connaissance du ministre de l'agriculture seront examinées avec toute l'attention qu'elles méritent. En tout état de cause, sachez qu'une éventuelle révision ne s'appliquerait qu'après 2013 et en dehors des zones de montagne et de haute montagne, dont les délimitations demeurent inchangées.
M. le président. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. J'ai bien entendu la réponse du Gouvernement qui montre une certaine prise de conscience du caractère profondément inéquitable de la proposition de la Commission. Néanmoins, je souhaiterais que le Gouvernement ne se contente pas d'un regard critique sur la proposition européenne, mais se montre extrêmement combatif pour faire réintégrer dans le critère de classement en zone défavorisée la situation économique réelle des territoires concernés.
À défaut, on risque de se retrouver dans une situation des plus inéquitables : des territoires répondant à des critères climatiques ou géologiques se trouveraient classés en zone défavorisée alors qu'ils jouissent d'une prospérité évidente, je pense par exemple à de très grands vignobles.
Nous avons besoin que le Gouvernement ne démissionne pas face à cette proposition mais se montre au contraire très combatif. Je compte donc sur lui pour relayer auprès de la Commission européenne ces propositions très concrètes. Il ne s'agit pas seulement de critiquer la position européenne : nous devons défendre énergiquement une contre-proposition.
Auteur : M. Christian Paul
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Alimentation, agriculture et pêche
Ministère répondant : Alimentation, agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2010