urbanisme
Question de :
M. Patrick Bloche
Paris (7e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Patrick Bloche interroge M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur l'application de la loi Dutreil du 2 août 2005 en faveur des PME. En effet, cette loi a ouvert la possibilité aux collectivités locales, en donnant délégation à des sociétés d'économie mixte missionnées à cet effet, de préempter les baux commerciaux au moment de leur transfert. Le décret d'application de cette disposition a été publié deux ans et demi après la promulgation de la loi. Force est de constater, aujourd'hui, que cette possibilité offerte aux collectivités locales notamment dans les quartiers touchés par la mono-activité est dans la pratique difficilement applicable. C'est la raison pour laquelle il souhaite connaître les initiatives que le Gouvernement compte prendre afin d'y remédier.
Réponse en séance, et publiée le 25 juin 2010
DROIT DE PRÉEMPTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SUR LES BAUX COMMERCIAUX
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour exposer sa question, n° 1161, relative à la mise en oeuvre du droit de préemption des collectivités territoriales sur les baux commerciaux.M. Patrick Bloche. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Elle concerne l'application de la loi Dutreil du 2 août 2005.
Cette loi a, en effet, ouvert la possibilité aux collectivités locales de préempter, en donnant délégation à des sociétés d'économie mixte missionnées à cet effet, les baux commerciaux au moment de leur transfert. Le décret d'application de cette disposition, très attendu, a finalement été publié deux ans et demi après la promulgation de la loi.
Force est de constater aujourd'hui que cette possibilité offerte aux collectivités locales, et qui concerne notamment les quartiers touchés par la mono-activité, est difficilement applicable en pratique, et ce pour trois raisons principales.
D'abord, ce droit de préemption - contrairement à celui concernant les murs - ne peut être délégué, ce qui signifie que la collectivité locale est amenée à gérer toute la procédure. Elle doit ainsi se doter de compétences nouvelles. D'autre part, ce droit n'étant pas délégué, une délibération du conseil municipal est nécessaire à chaque étape de chaque dossier. Dans l'hypothèse, enfin, où la collectivité franchit ces étapes, c'est-à-dire une fois la préemption effectuée - par exemple pour un fonds de commerce -, elle devient exploitante directe du fonds, ce qui n'est pas sans poser problème.
Deuxièmement, le modèle de déclaration que doivent remplir les cédants, défini par l'arrêté de 2008, est très insuffisant. Comportant très peu d'informations, il ne donne pas les moyens à la collectivité de savoir s'il est, ou pas, intéressant d'exercer le droit de préemption. Ainsi, l'activité envisagée par l'acheteur du droit n'est pas mentionnée.
En outre, ce droit de préemption laisse un rôle déterminant au propriétaire des murs, qui conserve non seulement la maîtrise de la fixation du loyer mais aussi la faculté d'agréer ou non le repreneur du bail ou du fonds.
De telles conditions de mise en oeuvre annihilent dans les faits ce droit de préemption. Nous souhaiterions savoir si le Gouvernement a l'intention de modifier ce décret, voire de modifier la loi, afin que ce droit puisse être délégué, que toutes les informations nécessaires à l'instruction rapide du dossier figurent dans la déclaration et que les droits du propriétaire soient limités, au moins durant une certaine période, en cas de préemption effective.
À défaut, ce droit nouveau n'aura jamais l'occasion d'être réellement exercé.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser Hervé Novelli, qui est en déplacement ce matin et m'a chargée de répondre à votre question.
Vous avez très bien rappelé, monsieur le député, l'instauration par la loi du 2 août 2005 d'un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux. La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a complété ce dispositif en étendant la possibilité de préemption aux terrains portant - ou destinés à porter - des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.
Le décret d'application n'est sorti, c'est vrai, que le 26 décembre 2007 : il a en effet nécessité plusieurs mois de travaux préparatoires afin d'engager une concertation approfondie avec les organisations professionnelles et consulaires concernées ainsi qu'avec l'Association des maires de France. Il a apporté toutes les précisions nécessaires à une mise en oeuvre efficace du droit de préemption par les municipalités et à la rétrocession du fonds ou du bail préempté à un commerçant ou un artisan. Par la suite, le décret du 22 juin 2009, pris en application de la loi de modernisation de l'économie, a complété le dispositif pour l'adapter à la préemption des terrains.
Vous avez bien rappelé la teneur de ces textes, et je n'y reviens pas. Je vous confirme que l'exercice du droit de préemption appartient en propre à la commune, qui ne peut déléguer ce droit, notamment aux sociétés d'économie mixte. La rétrocession du bien doit être faite par la commune dans un délai d'un an, ce court délai étant justifié par la nécessité de se prémunir contre les risques de dépréciation.
Depuis l'entrée en application de ces textes, les chambres de commerce et d'industrie ainsi que certaines municipalités ont fait savoir à Hervé Novelli que ce nouveau droit de préemption est devenu effectif et qu'il est exercé avec discernement. Il contribue en particulier à préserver la diversité commerciale et à maintenir le commerce de proximité, notamment dans le centre des villes et dans les banlieues - c'était son objectif principal.
Il semble toutefois que, dans les grandes villes - comme Paris, dont vous êtes l'élu -, l'exercice de ce droit soit rendu plus complexe par le coût des fonds de commerce dans certains quartiers.
Des améliorations du dispositif peuvent être envisagées. Des réflexions se poursuivent à ce sujet, tant au sein du Gouvernement que du Parlement, notamment dans le cadre de la discussion de la proposition de loi sur l'urbanisme commercial, et le Gouvernement demeure ouvert à toutes les suggestions qui pourraient être faites à cette occasion.
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Je remercie Mme la secrétaire d'État de la réponse très ouverte du Gouvernement. J'ai effectivement rédigé ma question à partir de mon expérience parisienne. C'est l'intérêt général qui nous réunit ici : la possibilité de préempter les baux commerciaux au moment de leur transfert est un moyen très utile de diversifier les commerces dans certains quartiers. On devrait, de mon point de vue, revoir ce décret et améliorer ce dispositif : il est dommage que cette disposition opportune de la loi Dutreil soit si difficilement applicable.
Auteur : M. Patrick Bloche
Type de question : Question orale
Rubrique : Communes
Ministère interrogé : Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation
Ministère répondant : Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2010