hôpitaux
Question de :
Mme George Pau-Langevin
Paris (21e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme George Pau-Langevin interroge Mme la ministre de la santé et des sports sur les fermetures de services de l'hôpital Tenon, consécutives à la restructuration des activités de l'AP-HP. Le centre IVG sera notamment concerné. Il n'est, aujourd'hui, pas acceptable que ces centres, si importants dans les quartiers populaires où la sensibilisation à la contraception fait parfois défaut, disparaissent. La modernisation des urgences de Tenon, en cours, sera par ailleurs probablement amputée puisque celles-ci devraient être relocalisées. Elle s'inquiète donc des conséquences des restructurations consécutives à la loi HPST, qui viennent restreindre l'offre de soin de proximité dans le 20e arrondissement.
Réponse en séance, et publiée le 25 juin 2010
CONSÉQUENCES DE LA RESTRUCTURATION
DE L'HÔPITAL TENON
Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre de la santé et des sports, ma question, à laquelle j'associe ma collègue Danièle Hoffman-Rispal, porte sur la situation de l'hôpital Tenon dans le XXe arrondissement, qui compte près de 200 000 habitants.
L'hôpital Tenon disposait d'un centre qui pratiquait environ 500 IVG par an. Ce centre est fermé depuis six mois. Grâce à la mobilisation des femmes du quartier, il a été remplacé par un centre d'accueil et d'orientation, mais celui-ci ne pratique plus d'IVG. Les femmes sont réorientées vers l'hôpital Trousseau qui, lui-même, connaît diverses difficultés. Alors qu'il pratiquait 250 IVG, il va devoir en faire plus de 1500 ; les services seront débordés et l'on va inciter les femmes à pratiquer des IVG médicamenteuses alors que ce n'est pas toujours la solution souhaitable.
Tout retard peut être extrêmement préoccupant, car on ne peut pas forcément repousser une intervention comme l'IVG : il y a des délais légaux. Si l'on perd du temps entre Tenon et Trousseau, il y aura malheureusement une multiplication des dépassements.
Certaines femmes devront également se tourner vers des cliniques privées ; mais dans cet arrondissement populaire, bon nombre d'entre elles n'en auront pas les moyens. Ajoutons que les femmes de ces milieux modestes ont un moindre accès à l'information ; il est d'autant plus inadmissible de fermer des centres dans des quartiers populaires. Suite à une forte mobilisation dans l'arrondissement, un autre centre a été ouvert, mais cela reste tout de même une grande injustice.
Par ailleurs, notre quartier et l'hôpital Tenon sont dans une situation singulière. Les services des urgences étaient dans un état lamentable, Après avoir organisé des concertations durant des années, on a décidé de construire un énorme bâtiment. Les riverains ont protesté, on s'est battu pour essayer de faire comprendre le nouveau projet de l'Assistance publique. Et aujourd'hui, alors que le bâtiment est en train de monter, on vient nous expliquer qu'on n'y mettra plus que des urgences " non urgentes " et que les urgences véritables seront dans un autre hôpital !
Nous avons donc vraiment l'impression que l'Assistance publique ne sait pas ce qu'elle veut et que ces atermoiements aboutissent à une gabegie d'argent public.
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la députée, vous m'interrogez sur la situation de l'hôpital Tenon, dans le cadre du projet stratégique de l'AP-HP, et plus spécifiquement sur l'accès à l'IVG. Vous savez que c'est un des combats de ma vie de maintenir et de développer ce droit fondamental des femmes.
Tout d'abord, nous avons moins besoin d'IVG instrumentales. L'IVG médicamenteuse n'est certes pas la seule réponse mais 50 % des IVG se font désormais sous cette forme, et c'est heureux. J'ai d'ailleurs souhaité développer l'offre de soins en ce domaine et, dans certaines régions, cela se passe déjà ainsi pour les deux tiers des IVG.
Par ailleurs, et nous pouvons peut-être le regretter, les professionnels militants que nous avons connus au début des années soixante-dix - je vois Marie-George Buffet hocher la tête -, qui se sont levés pour pratiquer des IVG, n'existent plus. Nous avons changé d'époque et c'est tout de même fort heureux.
Enfin, il est nécessaire d'avoir un accueil de qualité, ce qui n'est pas toujours le cas dans un certain nombre de centres d'orthogénie.
L'hôpital Tenon, hôpital de référence, continuera à apporter une réponse adaptée aux besoins de proximité de la population.
Un centre d'accueil des patientes, spécialement dédié à l'IVG, y est maintenu depuis 2009. Il informe les patientes sur toutes leurs questions liées à la contraception, à l'interruption volontaire de grossesse, aux infections sexuellement transmissibles ou aux problèmes de violence. Les patientes y sont prises en charge pour des questions de contraception et de planning familial urgent. Les femmes en attente d'une interruption volontaire de grossesse sont orientées vers les centres d'IVG de leur choix.
L'accès à l'interruption volontaire de grossesse continue d'être garanti, le centre de Tenon étant maintenant rattaché au centre d'orthogénie de l'hôpital Trousseau. L'activité d'orthogénie dans ce secteur du XXe arrondissement se trouve renforcée grâce au renforcement de l'équipe médicale, à qui des moyens supplémentaires en temps médical et infirmier sont accordés. L'offre de soins en est améliorée et permet de proposer aux patientes des soins médicaux plus complets.
L'AP-HP est l'un des acteurs principaux de la prise en charge des IVG en Île-de-France. Je compte sur sa direction générale pour tenir la politique qu'elle a définie en la matière, améliorer l'organisation de ses centres d'orthogénie et garantir l'accessibilité à l'IVG. J'ai demandé expressément aux directeurs généraux des agences de santé et tout particulièrement au directeur général de l'ARS Île-de-France de considérer que c'est l'une des actions prioritaires à mener pour améliorer la qualité de l'offre de soins, et ils auront évidemment des comptes extrêmement précis à me rendre sur ce sujet. Je veille personnellement à ce qu'il en soit ainsi, car le premier hôpital français se doit bien sûr d'être exemplaire en la matière.
J'ai répondu très précisément à cette question de l'offre de soins en matière d'IVG en Île-de-France lors d'un débat au Sénat, mais je suis à votre disposition pour vous apporter des réponses plus complètes par écrit.
M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Mme George Pau-Langevin. J'ai bien compris votre explication, madame la ministre, mais je persiste à penser qu'il n'est pas cohérent de fermer un centre qui réalise un grand nombre d'IVG et d'envoyer les femmes concernées dans un autre qui en fait infiniment moins - à moins que ce ne soit dû au fait que, dans tel hôpital, un professeur accepte de faire des IVG et que, dans tel autre, on n'en ait pas envie... Mais, à ce moment-là, c'est le principe du droit à l'IVG que l'on remet en cause.
Quant à la question des urgences, nous pouvons tout de même craindre que ce ne soit une évolution de fond, certains hôpitaux accueillant des urgences et d'autres pas ; mais, là encore, ce n'est pas forcément un progrès pour la médecine de proximité.
Auteur : Mme George Pau-Langevin
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et sports
Ministère répondant : Santé et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2010