Question orale n° 1225 :
DOM-ROM : La Réunion

13e Législature

Question de : M. Jean-Claude Fruteau
Réunion (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur l'illettrisme à La Réunion en général et sur le bilan à mi-parcours de la «Charte de partenariat de prévention et de lutte contre l'illettrisme à La Réunion 2007 - 2013» en particulier. Si la préoccupation à l'égard de ce fléau est toujours prégnante, force est de constater que les effets produits par cette charte peinent à se faire sentir trois ans après sa mise en oeuvre. En effet, alors qu'en 2007, la proportion de personnes en situation d'illettrisme recensées à l'occasion des Journées d'appel et de préparation de la défense s'élevait à 22 %, ce taux a progressé pour atteindre 27,9 % en 2010. La situation se dégrade donc au lieu de se résorber. Par ailleurs, dans son rapport du 15 septembre dernier, le Conseil économique et social de La Réunion (CESR) pointe du doigt les freins, les blocages, le manque de coordination entre les acteurs ainsi que l'absence d'une volonté politique claire en la matière. Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet crucial pour l'avenir des jeunes Réunionnais ainsi que les orientations nouvelles qu'il compte donner à cette charte pour que l'ensemble des objectifs initiaux soient remplis.

Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2010

ILLETTRISME À LA RÉUNION

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, pour exposer sa question, n° 1225, relative à l'illettrisme à la Réunion.
M. Jean-Claude Fruteau. Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, l'illettrisme constitue, depuis plus de trente ans, un problème très préoccupant à La Réunion.
Selon les dernières estimations, il y aurait 110 000 à 130 000 personnes dans cette situation. De plus, alors qu'en 2007 la proportion de personnes en situation d'illettrisme recensées à l'occasion des journées d'appel et de préparation à la défense s'élevait à 22 %, ce taux a progressé pour atteindre 27,9 % en 2010. Il n'est pas inutile de rappeler qu'en métropole, le taux d'illettrisme des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans est de 9 %, c'est-à-dire trois fois moins !
La situation est grave et se dégrade encore au lieu de se résorber. Je ne suis guère optimiste pour l'avenir, compte tenu des coupes budgétaires pratiquées tant à l'encontre du service public de l'éducation que des associations qui oeuvrent dans ce domaine. En effet, si l'illettrisme est un handicap pour le développement économique et social, c'est avant tout un handicap humain qui entretient la détresse sociale et la marginalisation des personnes qui en sont les victimes.
Certes, la préoccupation à l'égard de ce fléau a toujours été prégnante, comme en témoigne la charte de partenariat de prévention et de lutte contre l'illettrisme à La Réunion pour 2007-2013. Mais le bilan à mi-parcours de cette charte montre à l'évidence que les progrès attendus tardent à se faire sentir plus de trois ans après son entrée en vigueur.
Que peut-on attendre, dans ces conditions, de la nouvelle charte intitulée " Agir pour lire, lire pour agir 2010-2015 ", signée le 18 novembre dernier dans la précipitation, sans évaluation préalable de l'ancien dispositif et en excluant d'ailleurs les deux principales fédérations de parents d'élèves ?
Pourtant, dans un rapport du 15 septembre dernier intitulé " Pour une île lettrée " et portant sur la charte 2007-2013, le conseil économique et social de La Réunion soulignait les freins, les blocages, le manque de coordination entre les acteurs, le défaut de cohérence globale, la dispersion des énergies ainsi que l'absence d'une volonté politique claire en la matière. Il est donc évident que, si le plan d'action de la nouvelle charte n'est pas revu et corrigé en profondeur, les mêmes causes entraîneront les mêmes effets.
Quelles sont, madame la secrétaire d'État, les orientations nouvelles, en termes de moyens et de dispositifs, qui seront mises en oeuvre à compter de l'année prochaine, afin que les changements apportés à la lutte contre l'illettrisme à La Réunion ne soient pas uniquement cosmétiques et que l'ensemble des objectifs initiaux soient enfin atteints ?
M. Albert Facon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Luc Chatel, retenu par d'autres obligations.
L'illettrisme est l'affaire de tous et constitue un défi majeur pour notre république. À La Réunion, ce fléau touche aujourd'hui entre 100 000 et 120 000 adultes. Le Président de la République a annoncé, lors du comité interministériel pour l'outre-mer du 6 novembre 2009, un vaste plan de lutte. Décliné localement, ce plan a pour objectif, à La Réunion, de réduire de moitié en dix ans l'écart avec la métropole.
Lors de son déplacement à la rentrée scolaire 2010, Luc Chatel a eu l'occasion de présenter certains objectifs concrets : parvenir à 100 % de scolarisation des enfants dès l'âge de trois ans, étendre l'accompagnement éducatif à l'ensemble des écoles réunionnaises, multiplier la création d'écoles de parents, renforcer le dispositif " École ouverte ".
Cette nouvelle ambition pourra évidement s'appuyer sur le plan national de lutte contre l'illettrisme, présenté en mars dernier. Son objectif est d'agir le plus tôt possible, dès la maternelle, pour veiller à l'appropriation de la langue. Trop souvent en effet, à l'issue de la maternelle, le nombre de mots connus par les enfants varie énormément, et c'est cet écart qui fait la différence au moment de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture au cours préparatoire. Aussi faut-il favoriser l'acquisition aussi précoce que possible du vocabulaire, que ce soit par la stimulation de la mémoire ou par la lecture de textes de qualité, qui susciteront le plaisir d'apprendre à lire et à écrire.
Luc Chatel a également demandé aux cent inspecteurs d'académie en charge des écoles maternelles de concentrer leur action sur la prévention de l'illettrisme. L'éducation nationale travaille avec le monde associatif, et ce plan a été décliné sur le terrain, lors d'assises de l'illettrisme organisées dans toutes les académies.
Ces assises ont permis de faire le point sur l'application du dispositif à La Réunion. L'objectif pour votre département est clair : 25 000 illettrés en moins d'ici 2015. L'implication de tous les acteurs, le partage d'expériences et la mutualisation des moyens sont les clefs qui permettront d'atteindre cet objectif et de relever le défi de la lutte contre l'illettrisme.
La prévention de l'illettrisme s'articule aussi autour d'un autre objectif, celui de réduire le décrochage scolaire et les sorties du système scolaire sans qualification, afin de permettre une meilleure insertion professionnelle.
M. le président. Merci de conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. En signant avec treize partenaires, le 18 novembre dernier, une nouvelle charte et le plan 2011-2015 de prévention et de lutte contre l'illettrisme, le recteur Mostafa Fourar a concrètement engagé son académie.
Monsieur le député, nous sommes plus que jamais mobilisés, en métropole comme outre-mer, pour éradiquer ce fléau qu'est l'illettrisme.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.
M. Jean-Claude Fruteau. Merci pour cette réponse, madame la secrétaire d'État, qui me laisse cependant grandement sur ma faim. Si vous avez partagé avec moi un constat admis par tous, si vous avez redéfini vos objectifs, nous n'avons rien entendu des orientations précises et des moyens mis en oeuvre. Je voudrais donc exprimer ici ma déception.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Fruteau

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et vie associative

Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et vie associative

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2010

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