services à la personne
Question de :
M. Jean-Patrick Gille
Indre-et-Loire (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Patrick Gille attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale sur les associations d'aide à domiciles. Depuis plusieurs mois, les associations d'aide à domicile tire la sonnette d'alarme sur leurs difficultés financières. Les décisions récentes du Gouvernement (suppression de l'exonération de cotisations sociales) ne peuvent que précipiter les difficultés du secteur, alors même que le Gouvernement va lancer prochainement le chantier de la dépendance. Exsangues, les associations ne pourront répondre à la mobilisation pour ce grand enjeu de société.
Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2010
SITUATION FINANCIÈRE DES ASSOCIATIONS D'AIDE À DOMICILE
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour exposer sa question, n° 1228, relative à la situation financière des associations d'aide à domicile.M. Jean-Patrick Gille. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à la veille du débat national sur la dépendance je souhaite appeler votre attention sur la situation de plus en plus difficile des associations d'aide à domicile qui interviennent après des personnes en situation de grande fragilité et de handicap. La multiplication des redressements judiciaires témoigne d'une réelle crise du secteur, et ceci sur l'ensemble de la France.
À défaut de répondre à l'urgence financière, le Gouvernement avait commandé avant l'été plusieurs rapports. L'ensemble de ces travaux devait être remis pour le 30 septembre 2010, c'est-à-dire il y a plus de deux mois. Où en sommes-nous ?
Pour l'heure, vous ne leur avez apporté aucune réponse pouvant les aider à rétablir leur situation financière ; vous aggravez même leurs difficultés. En effet, ces jours-ci, le Gouvernement supprime à la hussarde, dans la loi de finances, l'abattement forfaitaire de quinze points de cotisations sociales pour les particuliers employeurs, mais aussi, et on en a moins parlé, la franchise dont bénéficient les prestataires agréés, alors que les parlementaires des deux assemblées ont clairement manifesté leur opposition à cette mesure.
La paie de leurs salariés constitue l'essentiel des dépenses de ces structures. Cette mesure va donc accentuer leurs difficultés financières. Pour un département moyen comme le mien, l'Indre-et-Loire, l'ASSAD et l'ADMR sont intervenues en 2009, avec leurs 2 400 salariés, auprès de 19 000 personnes. La suppression de l'abattement forfaitaire et de la franchise représentera pour ces associations un surcroît de charges de 300 000 à 400 000 euros, autrement dit un surcoût que ni elles ni les départements ne sont plus en mesure de financer.
Au niveau national, ce sont plus de 6 millions d'heures d'intervention qui pourraient ne pas être réalisées, 54 000 bénéficiaires qui pourraient en pâtir et plus de 11 000 emplois qui sont menacés. Au final, ce sont les usagers qui vont payer ou voir diminuer les heures qui leur sont accordées. Non seulement vous sacrifiez donc des emplois qualifiés et vous ouvrez à nouveau la voie du travail au noir, mais vous affaiblissez l'offre de services pour les plus fragiles - sujet auquel je vous sais, madame la secrétaire d'État, particulièrement sensible.
Plutôt que de chercher des économies qui, plusieurs études l'ont prouvé, se traduiront en réalité par des charges nouvelles pour les collectivités locales, par du chômage et des dépôts de bilan de nombre d'associations, quand pensez-vous répondre la demande de ces structures et mettre en place un fonds d'urgence pour redresser leur situation qui, je le répète, se détériore chaque jour, et relever le défi de la dépendance ?
M. le président. Vaste programme !
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, Roselyne Bachelot et moi-même accordons beaucoup d'importance à la question que vous posez.
L'aide à domicile constitue en effet un pilier essentiel de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées fragilisées et représente un maillon essentiel du maintien à domicile de nos aînés et plus largement des personnes handicapées.
Comme vous le soulignez, ce secteur traverse actuellement une période difficile, avec notamment des tensions financières qui commandent de privilégier une réflexion approfondie des pouvoirs publics.
Ce secteur est complexe, car il fait appel à des financements publics variés, ceux des conseils généraux, des caisses de retraites, de la Caisse nationale d'allocations familiales, à des financements privés, mais également aux usagers. Pour faire le point sur l'ensemble des difficultés auxquelles il est confronté, le Gouvernement a décidé, au printemps dernier, de lancer une série de travaux afin d'appréhender plus finement l'origine des difficultés et d'y apporter des solutions.
À cet effet, des lettres de mission ont été adressées à l'attention du directeur général de la cohésion sociale et du directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. La DGCS a ainsi été chargée de l'animation d'un groupe de travail permettant d'établir un état des lieux territorialisé de l'offre de services d'aide à domicile, secteur qui souffre d'un manque de données partagées, objectives et disponibles. Ce groupe a également eu pour mission de réfléchir sur l'efficience des structures avec pour objectif de recenser et de proposer des solutions opérationnelles en termes de modernisation, de mutualisation et d'adaptation des services.
La CNSA quant à elle a été chargée d'animer un groupe de travail sur le contenu qualitatif des plans d'aides qui sont mis en place pour le maintien à domicile des personnes âgées ou des personnes handicapées, afin d'aboutir à des référentiels partagés entre les différents acteurs.
Enfin, les trois inspections générales, l'IGAS, l'IGF et l'IGA, ont été saisies d'une mission sur le financement et la tarification des services d'aide à domicile.
Ces travaux ont fait l'objet d'un certain nombre de propositions que le Gouvernement souhaite expertiser pour répondre au mieux aux difficultés de ce secteur. Ces solutions doivent également être éclairées par l'ensemble des travaux qui sont menés sur le sujet, notamment ceux qui sont conduits par l'Association des départements de France qui a orienté sa réflexion sur les thématiques financières et tarifaires.
Concernant plus spécifiquement l'exonération de cotisations sociales, je rappellerai qu'un effort financier massif a été fait depuis plusieurs années pour développer les services à la personne. Le coût des aides au secteur des services à la personne, qui représente 6,5 milliards d'euros par an, a augmenté de 40 % depuis 2006.
Dans le cadre du chantier de réduction des niches fiscales et sociales, nous suivons les préconisations de la Cour des comptes, et notamment celle de recentrer les aides sur les publics prioritaires.
C'est la raison pour laquelle nous réaffirmons deux priorités premièrement, ne pas toucher aux personnes les plus fragiles - personnes âgées, dépendantes, handicapées - qui ont besoin d'un employé à domicile. Le dispositif propre d'exonération pour ces publics, plus favorable, sera inchangé ; deuxièmement, préserver un équilibre global sur le secteur. Nous ne remettrons pas en cause le crédit et la réduction d'impôt de 50 %, qui va compenser, pour les particuliers, la moitié du surcoût lié à la suppression des exonérations spécifiques.
Quoi qu'il en soit, l'ensemble des réflexions conduira à des orientations pour une réforme structurelle du secteur de l'aide à domicile. Elle est indispensable. Dans l'attente de cette réforme, je serai évidemment attentive à toute situation particulière que vous voudrez bien me signaler, afin d'être en mesure d'apporter ici et là des réponses précises au cas par cas, même si, je le répète, il nous faut apporter une réponse structurelle à ce secteur dont nous avons besoin, en particulier dans la perspective du chantier dépendance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
M. Jean-Patrick Gille. Madame la secrétaire d'État, chacun connaît votre intérêt et votre engagement pour ce sujet. Vous avez rappelé toutes les réflexions qui ont été engagées par le Gouvernement - nous en attendons encore les réponses - et la nécessité d'une réforme structurelle.
Je saisis la perche que vous m'avez tendue pour évoquer les situations d'urgence dans le secteur associatif qui ne peut pas attendre ces réformes structurelles : il importe que le ministère apporte assez rapidement des aides à un secteur associatif qui, s'il travaille au bénéfice des plus fragiles, est lui-même très fragilisé.
Si l'article 90 du projet de loi de finances prévoit que les publics les plus fragiles ne seront pas concernés par les nouvelles dispositions, nos interrogations demeurent : quel mécanisme mettra-t-on en place pour qu'ils ne le soient pas ? Plus généralement, dès lors que les associations seront fragilisées dans leur organisation, il y a évidemment un risque de déstabilisation de tout le dispositif. Voilà ce qui nous inquiète. Mais je prends bonne note de l'ouverture que vous avez mentionnée à la fin de votre réponse.
Auteur : M. Jean-Patrick Gille
Type de question : Question orale
Rubrique : Services
Ministère interrogé : Solidarités et cohésion sociale
Ministère répondant : Solidarités et cohésion sociale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2010