fonctionnement
Question de :
Mme Catherine Génisson
Pas-de-Calais (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Catherine Génisson attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur les chiffres des suppressions de postes dans l'éducation nationale, et en particulier dans l'académie de Lille qui bat de tristes records dans ce domaine à chaque rentrée scolaire. Et pourtant, on ne s'habitue pas à ce qui apparaît très clairement comme une casse, progressive mais méthodique, du service public de l'éducation.
Réponse en séance, et publiée le 18 mai 2011
SUPPRESSIONS DE POSTES DANS L'ACADÉMIE DE LILLE
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour exposer sa question, n° 1444, relative aux suppressions de postes dans l'académie de Lille.Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, les années se ressemblent lorsque l'on évoque les chiffres des suppressions de postes dans l'éducation nationale, en particulier dans l'académie de Lille qui bat de tristes records à chaque rentrée scolaire. Néanmoins, on ne s'habitue pas à ce qui apparaît très clairement comme une casse, progressive mais méthodique, du service public de l'éducation.
Vos prédécesseurs usaient, abusaient, de l'argument selon lequel la baisse du nombre d'élèves justifiait la suppression de près de 100 000 postes au niveau national depuis 2002, dont 66 000 ces quatre dernières années. Pourtant, depuis cette année, les effectifs augmentent à nouveau, conséquence du boom de l'année 2000. Dans ce contexte démographique, maintenir et renforcer l'encadrement pédagogique aurait constitué une chance pour nos enfants et leurs professeurs, leur permettant de travailler dans de meilleures conditions et rendant notamment possible un soutien plus individualisé afin de faire face aux difficultés d'apprentissage.
Le Gouvernement ne partage pas cette appréciation. Il persiste dans sa logique comptable plutôt qu'éducative. Dans ces conditions, est-il étonnant que les enquêtes internationales montrent une baisse inquiétante du niveau scolaire dans notre pays, alors même qu'une récente étude indique qu'avec 6,1 enseignants pour cent élèves ou étudiants, la France a le plus faible taux d'encadrement des pays de l'OCDE ?
Ce constat est particulièrement dramatique dans le Nord-Pas-de-Calais, dont vous n'êtes pas sans connaître la réalité du contexte économique et social. Les difficultés du territoire rejaillissent directement sur le niveau des élèves et, par voie de conséquence, sur les besoins d'accompagnement. Vous n'en tenez toujours pas compte et la saignée s'accélèrera encore en 2011, en particulier pour les maternelles et les écoles primaires : dans ces établissements de notre académie, près de 317 postes seront supprimés.
Derrière le vertige des chiffres, les habitants du Nord-Pas de-Calais, comme l'ensemble de nos concitoyens, peuvent mesurer les conséquences concrètes de ce qui apparaît comme un véritable abandon de l'école : fermeture de classes, voire d'écoles, en particulier en milieu rural ; multiplication des classes surchargées, alors même que l'existence d'un lien direct entre effectif adapté et réussite est directement établie ; destruction des RASED qui répondaient efficacement au décrochage scolaire de milliers d'élèves ; suppression progressive de la prise en charge de la scolarisation des moins de trois ans, ce qui concernait pas moins de 40 % des enfants de deux ans du Nord-Pas-de-Calais, contre 20 % au niveau national, mais aussi abandon de l'enseignement des langues en primaire assuré par les intervenants spécialisés et diminution des postes d'assistant de vie scolaire pourtant indispensables au parcours des élèves handicapés.
Monsieur le ministre, ce constat appelle de ma part une question simple : quelles sont vos intentions afin de sauver un système éducatif malade d'être depuis trop longtemps considéré comme une simple variable d'ajustement budgétaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, comment pouvez-vous parler de casse du service public de l'éducation alors que le budget de l'éducation nationale pour cette année, le plus important que le Parlement ait jamais voté, consacre plus de 60 milliards d'euros à l'avenir de nos enfants ?
Je rappelle que les professeurs seront plus nombreux à la prochaine rentrée qu'ils ne l'étaient il y a quinze ans, alors que le nombre d'élèves a diminué, ce qui signifie que le taux d'encadrement sera plus élevé, contrairement à ce que vous affirmez.
Si les résultats obtenus par le système éducatif ne satisfont pas nos ambitions, madame la députée, c'est parce que, pendant quinze ans, les différents gouvernements se sont contentés d'ajouter des moyens aux moyens, sans envisager d'adapter la pédagogie ni d'améliorer l'organisation du système.
Certes, l'éducation nationale, premier budget de l'État, ne peut se soustraire à la politique de maîtrise de la dépense publique. Comment pouvez-vous encore imaginer que l'État puisse emprunter 180 milliards d'euros par an, soit trois fois le budget de l'éducation nationale ? Ce serait irresponsable vis-à-vis de nos enfants, de ceux-là même qui peuplent les classes.
M. Jean-Pierre Dufau. Et le taux d'encadrement ?
M. Luc Chatel, ministre. Cependant, cet effort, nous le faisons en responsabilisant les différents échelons de l'éducation nationale, c'est-à-dire en travaillant au plus près du terrain, en veillant à ne pas réduire l'offre éducative et à garantir une véritable équité entre élèves.
C'est ce que nous faisons dans votre académie, madame la députée. Ainsi, dans le premier degré, les taux d'encadrement y ont été stabilisés à l'école primaire et les capacités de scolarisation des enfants de deux ans en ZEP ont été maintenues. Vous parliez de priorité : en voilà deux.
Les spécificités des départements ont également été prises en considération, s'agissant notamment de la mise en réseau et des écoles rurales dans les départements les moins peuplés. Quant au second degré, on a donné la priorité aux collèges, en maintenant les moyens spécifiques alloués à l'éducation prioritaire. Vous le voyez, nous agissons avec discernement.
Il est un fait que vous semblez refuser de regarder en face, madame la députée : votre académie a perdu près de 70 000 élèves en dix ans. Plus précisément, votre département du Pas-de-Calais comptera, à la rentrée 2011, 553 élèves de moins dans le premier degré.
Mme Catherine Génisson. Non ! Ces chiffres sont faux.
M. Luc Chatel, ministre. La bonne gestion et la bonne répartition des moyens sur tout le territoire supposent donc logiquement que nous nous adaptions à cette réalité.
Je rappelle en outre que la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'a pas été appliquée à proportion de la perte d'effectifs parmi les élèves. Elle n'a donc nullement affecté le taux d'encadrement, lequel est resté stable et a même progressé dans certains secteurs.
Vous le voyez, madame la députée, si nous appliquons la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, nous le faisons avec discernement sur l'ensemble du territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Par courtoisie, monsieur le ministre, je vous remercie d'une réponse qui ne me satisfait pourtant absolument pas, car elle est purement comptable.
Je vous précise par ailleurs que les données dont vous disposez concernant le département du Pas-de-Calais sont erronées : les effectifs recommencent à y augmenter.
Je me permets enfin de tirer une sonnette d'alarme républicaine : je demande au Gouvernement d'entendre nos concitoyens, qu'il s'agisse des élèves ou de la communauté enseignante.
Auteur : Mme Catherine Génisson
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mai 2011