DOM-ROM : Guadeloupe
Question de :
Mme Jeanny Marc
Guadeloupe (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Jeanny Marc attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les moyens humains, budgétaires et matériels des services judiciaires de Guadeloupe. Les récentes manifestations des magistrats ont exprimé en premier lieu un idéal qui donne à la justice la place institutionnelle lui permettant d'assurer effectivement la garantie des droits et d'établir l'égalité des justiciables dans un État de droit. En Guadeloupe, l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales faisait constater que, sur la période 2009-2010, l'archipel se situait au deuxième rang des départements les plus violents de France juste derrière la Seine-Saint-Denis. En cinq ans, les vols avec violence, les violences sexuelles et les affaires auxquelles sont liés les mineurs ont triplé. Autre phénomène inquiétant, le taux de récidive pour ces mêmes délits atteint des taux 1,5 fois supérieurs à ceux enregistrés en France hexagonale. De plus, le rapport de l'inspection générale des services judiciaires de janvier 2011 dresse un constat accablant sur le fonctionnement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre. On y apprend qu'il y manque deux magistrats, trois juges d'application des peines et huit fonctionnaires du greffe. Dans les autres services judiciaires et pénitentiaires du département, les besoins sont tout aussi importants. Par ailleurs, un autre rapport faisant suite à la mission d'information conduite par les sénateurs Cointat et Frimat s'inquiète de l'importance des dysfonctionnements de la justice aux Antilles-Guyane et plus singulièrement en Guadeloupe. En dépit de leur parfaite motivation à vouloir assurer la continuité du service de justice, les magistrats et les personnels de justice rencontrés récemment ont fait part ces dernières semaines de ce que l'on pourrait qualifier de véritable souffrance au travail tant les moyens humains et matériels sont défaillants. L'analyse des moyens et budgets prévus pour leurs juridictions permet de démontrer que ces derniers sont en baisse alors que, dans d'autres départements où l'activité est moins importante, ils sont en hausse. Depuis 2004, c'est à une véritable boulimie législative qu'ont dû faire face les services de justice de Guadeloupe et tout cela, bien entendu, sans véritables moyens budgétaires et humains pour pouvoir l'appréhender efficacement. Les magistrats sont d'autant plus inquiets qu'ils ne connaissent pas encore les moyens qui leur seront attribués pour appliquer dans les prochaines semaines les dispositions prévues dans la récente réforme de la garde à vue et dans le projet de loi relatif au droit des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge examiné actuellement au Parlement. Il est tout de même important de préciser sur ce dernier point que le parquet n'a aujourd'hui plus les moyens humains et financiers nécessaires pour expertiser la dangerosité des justiciables. Dès lors et au regard de tous ces éléments, comment prendre en compte le quotidien des victimes qui ne sont pas protégées ? Le service judiciaire de Guadeloupe a aujourd'hui besoin d'un véritable plan Marshall. Les personnels de justice et les magistrats accorderont du prix aux engagements que prendra le ministère de la justice pour doter en moyens humains, matériels et financiers, une justice en Guadeloupe suffisamment indépendante pour ne plus être faible devant les forts et dure avec les faibles, une justice accessible à tous et d'abord aux plus modestes, une justice plus rapide, qui lutte efficacement contre la récidive et qui protège les victimes. Elle lui demande de quels moyens disposeront les services judiciaires de Guadeloupe pour rendre suffisamment performants et organisés les pôles justice des mineurs, instances et affaires familiales, parquet et traitement du contentieux pénal.
Réponse en séance, et publiée le 18 mai 2011
MOYENS DES SERVICES JUDICIAIRES DE GUADELOUPE
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanny Marc, pour exposer sa question, n° 1452, relative aux moyens des services judiciaires de Guadeloupe.Mme Jeanny Marc. Monsieur le garde des sceaux, les récentes manifestations des magistrats ont exprimé un idéal qui donne à la justice la place institutionnelle qui doit lui permettre de garantir les droits et l'égalité des justiciables.
En Guadeloupe, les vols avec violence, les violences sexuelles, les affaires impliquant des mineurs et le taux de récidive ont triplé en cinq ans, ce qui place l'archipel au deuxième rang des départements les plus violents de France.
Depuis 2004, c'est à une véritable profusion législative qu'ont dû faire face les services de justice de Guadeloupe sans réels moyens budgétaires et humains supplémentaires. Malgré leur parfaite motivation, les magistrats et les personnels de justice nous alertent sur ce que l'on pourrait qualifier de véritable souffrance au travail.
Les magistrats sont d'autant plus inquiets qu'ils auront à appliquer dans les prochaines semaines de nouvelles dispositions législatives d'importance.
Plus inquiétant encore, plusieurs rapports ont déjà vigoureusement tiré la sonnette d'alarme. Au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, il manque deux magistrats, trois juges d'application des peines et huit fonctionnaires du greffe.
Pas moins de 650 décisions sont en attente d'exécution en matière correctionnelle et 300 dossiers ne sont pas traités au service de l'exécution des peines.
Je pourrais allonger la liste des besoins importants recensés au tribunal de grande instance et à la cour d'appel de Basse-Terre, au tribunal administratif ainsi qu'au niveau des services pénitentiaires.
En Guadeloupe, le service public de justice a besoin d'un véritable plan Marshall pour appréhender les pôles prioritaires que sont la justice des mineurs, les instances, les affaires familiales, le parquet et le traitement du contentieux pénal.
Quels engagements immédiats votre ministère prendra-t-il pour doter en moyens humains, matériels et financiers les juridictions de Guadeloupe ?
Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour rendre la justice accessible à tous et d'abord aux plus modestes ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. La lutte contre toutes les violences en Guadeloupe est une priorité absolue de la politique pénale menée sur place par le Gouvernement sous l'égide du procureur général. Pour y répondre, de nombreuses actions ont été menées en liaison avec l'autorité préfectorale dans le cadre de réunions d'état major de sécurité.
S'agissant des effectifs, les juridictions de la Guadeloupe font l'objet d'une attention toute particulière des services de la chancellerie afin que l'ensemble des postes de magistrats et de fonctionnaires soient pourvus. À ce jour, soixante-huit magistrats sont en poste sur l'ensemble du ressort pour soixante-neuf emplois localisés, c'est-à-dire prévus dans l'organigramme. En outre, le récent rapport de l'inspection générale des services judiciaires relatif à la mission d'inspection de fonctionnement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a préconisé de créer deux emplois de vice-président au sein de ce tribunal et d'améliorer la répartition de la charge de travail entre les deux juges d'application des peines actuellement en poste. En conséquence, un poste de vice-président a été créé dans la circulaire de localisation des emplois 2011 et il est envisagé de nommer un vice-président en surnombre. Pour ce qui est des fonctionnaires de catégorie B, un effort substantiel a été opéré avec une augmentation de 16 % de leur effectif.
Quant aux moyens matériels, des investissements conséquents accompagnent actuellement plusieurs projets immobiliers importants. Ainsi, les locaux du palais de justice de Basse-Terre ont fait l'objet depuis 2004 de nombreux travaux de réaménagement et d'amélioration. Un projet de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Pointe-à-Pitre, sur le site de la maison d'arrêt, est en cours d'examen. Par ailleurs, des démarches sont engagées en vue d'affecter définitivement les locaux de l'ancienne gendarmerie aux services judiciaires. Quant au devenir du tribunal d'instance de Saint-Martin, il fait actuellement l'objet d'une étude conjointe par plusieurs directions de la chancellerie.
Pour ce qui est, enfin, des moyens budgétaires alloués aux juridictions guadeloupéennes, je rappelle que la répartition des crédits relève des chefs de la cour d'appel, responsables en matière d'exécution budgétaire, dans le cadre du budget opérationnel de programme - BOP - qui leur a été notifié.
À ce titre, s'agissant du fonctionnement courant, les crédits alloués au BOP de Basse-Terre, en 2010, se sont élevés à 2,69 millions d'euros. Dans un contexte budgétaire contraint, la chancellerie a tenu à prendre en compte les spécificités de la cour d'appel de Basse-Terre pour préserver dans la mesure du possible les moyens qui lui sont alloués.
En ce qui concerne les frais de justice, le budget alloué au BOP est en constante augmentation depuis 2008 : successivement 2,16 millions, 2,27 millions et 2,33 millions entre 2008 et 2010. Le budget augment donc chaque année, peut-être pas assez, mais il augmente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanny Marc.
Mme Jeanny Marc. Je suis tout de même un peu déçue, monsieur le garde des sceaux. Pour avoir rencontré les fonctionnaires du service de justice de Guadeloupe, je sais qu'ils connaissent les plus grandes difficultés à le faire fonctionner convenablement.
Je vous demande, s'il vous plaît, de prêter la plus grande attention à cette situation car beaucoup de conflits, familiaux ou de voisinage, dégénèrent du fait du temps qui s'écoule avant qu'une décision de justice ne soit rendue.
J'ai entendu notre collègue s'élever contre la construction d'une prison : vous connaissez notre combat pour la prison de Basse-Terre. Là encore, il est urgent de la remplacer. J'ai noté que vous aviez modifié les délais décidés par votre prédécesseur mais il faut agir vite, pour des raisons de sécurité mais aussi pour l'image même de la nation française.
Auteur : Mme Jeanny Marc
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Justice et libertés
Ministère répondant : Justice et libertés
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mai 2011