très haut débit
Question de :
M. Philippe Nauche
Corrèze (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Philippe Nauche attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la couverture des territoires ruraux en très haut débit. En 2010 le Gouvernement a mis en place un programme national très haut débit censé relever ce défi majeur d'aménagement du territoire, lequel soulève deux questions de fond. Tout d'abord se pose celle de la péréquation : la séparation artificielle, en effet, au sein d'un même territoire de vie, entre des zones dites rentables qui sont réservées à la seule initiative privée et des zones non rentables placées dès lors à la seule charge de la collectivité. Cela rend de fait la réalisation de cet objectif plus coûteux en argent public. En second lieu, se pose la question du financement national qui doit permettre de programmer sur la durée la mise en oeuvre de ces infrastructures essentielles, dès lors que l'abondement du fonds d'aménagement numérique des territoires n'est toujours pas effectué. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend adopter afin d'assurer la cohérence entre l'objectif affiché du très haut débit pour tous.
Réponse en séance, et publiée le 29 juin 2011
COUVERTURE DES TERRITOIRES RURAUX
PAR LE TRÈS HAUT DÉBIT
M. Philippe Nauche. Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, l'accès confortable à Internet, et plus généralement aux services numériques, est devenu en quelques années un besoin essentiel pour nos concitoyens et pour nos entreprises - télétravail, télémédecine, maintien à domicile des personnes âgées, domotique, services publics électroniques, lien social - à la faveur d'un mouvement profond qui touche l'ensemble de notre société et modifie notre façon de communiquer, d'apprendre, d'échanger, de travailler, de produire.
Avec le très haut débit, nous ouvrons une nouvelle étape structurante, et sans doute décisive, pour le développement de notre société et de nos territoires. C'est en ce sens que nous oeuvrons, à l'échelle de l'agglomération de Brive, avec le syndicat mixte DORSAL.
Plusieurs rapports, dont celui du sénateur Maurey remis en octobre 2010 au Premier ministre, font état de la perspective d'un fossé numérique entre des communes ou parties de communes où les opérateurs investiront et d'autres, beaucoup plus nombreuses, qui seront délaissées faute de rentabilité. Ce constat est naturellement inacceptable pour tout élu de la République. Le très haut débit pour tous est un objectif inconditionnel et les collectivités sont prêtes à relever le défi, comme elles l'ont fait avec succès voici quelques années pour le haut débit.
En 2010, le Gouvernement a lancé un programme national de déploiement du très haut débit, censé relever ce défi majeur pour l'aménagement du territoire. Aucune ambition touchant aux services à la personne et à la croissance économique ne peut désormais écarter les infrastructures numériques, à l'instar des infrastructures électriques, routières et ferroviaires par le passé.
Un an plus tard, les réponses des opérateurs de télécommunications à votre appel à manifestation d'intention d'investissement laissent, dans le meilleur des cas, 90 % des communes françaises sans couverture par le très haut débit d'ici à 2025.
Au-delà de cette situation difficile, votre programme soulève deux questions de fond.
En premier lieu, celle de la péréquation, à laquelle nous sommes tous ici très attachés. La séparation artificielle, au sein d'un même territoire de vie, entre des zones dites rentables, réservées à la seule initiative privée, et des zones non rentables, laissées dès lors à la seule charge de la collectivité, n'est pas cohérente. Il faut permettre des montages entre public et privé sur les réseaux d'initiative publique qui concernent les zones urbaines et rurales, afin d'assurer d'ores et déjà les péréquations locales.
En second lieu, le Fonds d'aménagement numérique des territoires n'est pas abondé, et son comité de gestion n'a toujours pas été créé. Pourtant, le rapport du sénateur Maurey préconise un effort financier national de 10 milliards d'euros sur quinze ans et propose des pistes pour abonder ce fonds.
Il est donc urgent, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez. Car, malgré l'objectif affiché du très haut débit pour tous, les moyens utilisés pour y parvenir ne me paraissent pas compatibles avec l'exigence d'optimisation de la dépense publique ni avec la perspective, fût-elle lointaine, d'une couverture nationale, source de richesse pour nos territoires, y compris les plus ruraux.
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le député, le Gouvernement n'a pas l'intention d'empêcher le déploiement de réseaux, qu'ils soient publics ou privés : la liberté d'installation des réseaux est inscrite dans la loi.
Contrairement à ce que vous avez suggéré, la distinction entre intervention publique et intervention privée n'est pas artificielle, mais nécessaire. En effet, le recours aux subventions publiques pour le déploiement de réseaux est strictement encadré par les orientations de la Commission européenne relatives aux aides d'État, qui interdisent de faire appel aux aides publiques dans des zones que les investisseurs privés ont l'intention de desservir dans un délai de trois ans.
Nous sommes donc obligés, selon une logique de complémentarité entre public et privé, de distinguer par avance ce qui relève de l'initiative privée de ce qui ressortit à l'initiative publique. À partir des intentions d'investissement des opérateurs privés, que le Gouvernement a rendues publiques fin avril, la concertation doit dès lors s'engager au niveau local entre les acteurs privés et les collectivités territoriales.
Les commissions régionales d'aménagement numérique du territoire, qui seront prochainement installées, permettront de délimiter précisément les zones respectivement dévolues à l'intervention privée et à l'intervention publique. Le programme national " très haut débit " a justement pour but d'organiser la péréquation, en aidant davantage les zones qui en ont le plus besoin. Il satisfera 33 à 45 % des besoins de subventions publiques en vue de déployer la fibre optique jusqu'à l'abonné, dans la limite d'un montant maximal par prise compris entre 200 et 350 euros, selon l'importance des zones rurales concernées.
Quant au financement, le programme national dispose de deux milliards d'euros au titre des investissements d'avenir destinés à financer les projets d'infrastructures. Je vous confirme que les guichets de soutien financier ouvriront dès cet été. Cette enveloppe permettra de financer de nombreux réseaux d'initiative publique. Une fois les crédits du programme national épuisés, le Fonds d'aménagement numérique des territoires, créé par la loi du 10 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, prendra le relais : soyez rassuré sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche.
M. Philippe Nauche. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions.
Comment ne pas creuser la fracture numérique entre les zones urbaine et rurale qui coexistent au sein d'un même territoire ? Il faudrait pouvoir mener à bien, à l'échelle d'une agglomération, un projet global prenant en considération tant une zone très urbaine, où la prise par abonné est relativement peu coûteuse, que des zones rurales où l'on commence par desservir les centres bourgs avant de procéder à un maillage complémentaire.
Étant donné la précaution avec laquelle l'opérateur historique, en particulier, a pris position, ne fournissant aucune garantie quant au début et, surtout, quant à l'achèvement de l'aménagement, le système actuel risque de pénaliser lourdement toutes les villes moyennes dotées d'une agglomération.
Auteur : M. Philippe Nauche
Type de question : Question orale
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances et industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2011