DOM-ROM : La Réunion
Question de :
M. Jean-Claude Fruteau
Réunion (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur les suppressions de postes de professeurs à La Réunion, sur les fermetures de classes et sur les conséquences pour la scolarité des élèves. Les mesures de restrictions budgétaires - suppressions de 16 000 postes dans l'éducation nationale en 2011 - impactent durement l'ensemble du territoire national et tout particulièrement le département de La Réunion. Cette situation conduit à la fermeture de nombreuses classes soulevant la colère des parents d'élèves et des élus locaux puisque, bien souvent, ces classes se situent dans des quartiers où les besoins sont forts en raison des difficultés sociales qui y sont présentes. Ces coupes budgétaires, récurrentes depuis de nombreuses années, ont des conséquences directes pour la scolarité des élèves. Ainsi, à titre d'exemple, force est de constater la similitude de cette politique de coupes budgétaires avec la dégradation du niveau des élèves comme l'atteste par exemple la progression des personnes en situation d'illettrisme. Aussi, compte tenu de la situation très dégradée à La Réunion, il lui demande de revenir sur ses décisions de suppression de postes ainsi que sur les fermetures de classe pour la prochaine rentrée.
Réponse en séance, et publiée le 29 juin 2011
SUPPRESSIONS DE POSTES ET FERMETURES DE CLASSES
À LA RÉUNION
M. Jean-Claude Fruteau. Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, malgré les annonces du Président de la République la semaine dernière sur les fermetures de classes dans les écoles primaires, force est de constater qu'à La Réunion la situation ne cesse de se dégrader. Ainsi, à compter de la prochaine rentrée scolaire, et selon l'intersyndicale de l'éducation, ce ne sont pas moins de 114 postes qui seront supprimés dans le seul premier degré.
Depuis plusieurs semaines, l'ensemble de la communauté éducative, des parents d'élèves ainsi que des élus locaux se mobilisent fortement contre les suppressions de classes dans les écoles primaires, sans que leurs appels de détresse semblent être entendus par le ministère ou par l'académie de La Réunion.
Ainsi, dans ma circonscription, l'une des plus défavorisées de l'île, le solde des ouvertures et des fermetures de classes aboutit à la suppression de seize classes, dont sept, près de la moitié, sur la seule commune de Saint-Benoît, commune dont je suis, c'est certainement un hasard, le maire.
La situation n'est plus tenable, d'autant que l'académie de La Réunion est durement touchée par le fléau de l'illettrisme : 28 % des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans sont illettrés, alors que ce taux est de 9 % dans l'hexagone, soit trois fois moins. Quant aux résultats de l'évaluation des acquis des élèves de CM2, effectuée au mois de janvier dernier, elle démontre une fois encore les difficultés particulières rencontrées par les élèves réunionnais : en français, 39 % d'entre eux ont des acquis fragiles ou insuffisants, alors que ce taux est de 26 % pour l'ensemble de la France ; en mathématiques, ce sont 48 % des élèves qui présentent de sérieuses faiblesses, alors que le taux est de 30 % pour l'ensemble national. Ces résultats auraient dû appeler de la part du Gouvernement une action et un traitement spécifiques.
Les décisions de fermeture de classes ne répondent qu'à une seule logique : la logique comptable. Elles vont à rencontre de l'intérêt et du niveau scolaire des enfants, alors même que la démographie scolaire de l'île est à peu près stable. Ces fermetures auront pour conséquence l'augmentation des effectifs moyens par classe, ce qui entraînera inéluctablement une diminution de la qualité du suivi individuel des élèves.
Mon étonnement face à ces fermetures de classes est d'autant plus grand qu'en mars dernier, en répondant à la question d'une de nos collègues, M. Luc Chatel déclarait ici même, dans cet hémicycle, devant la France entière : " Compte tenu des difficultés de l'île de la Réunion, nous n'allons fermer aucune classe, aucun collège, aucun lycée. " Les belles promesses d'alors ne se retrouvent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, dans les actes qui président à la prochaine rentrée scolaire.
Compte tenu de la situation et des difficultés scolaires récurrentes rencontrées par les élèves de La Réunion, je voudrais savoir si le Gouvernement entend suspendre dès à présent les fermetures de classes et appliquer ainsi, avec quelques mois d'anticipation, l'annonce de M. le Président de la République.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui n'a pu être présent ce matin.
Dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre, nous ne pouvons plus aujourd'hui faire l'économie d'une gestion scrupuleuse des dépenses publiques. Si nous poursuivions sur la pente dans laquelle notre pays s'est engagé depuis des années, nous risquerions de compromettre durablement l'avenir de nos enfants.
Le véritable enjeu pour notre école, aujourd'hui, ce ne sont pas les moyens, c'est une adaptation plus efficace de ces moyens aux besoins éducatifs. C'est dans la perspective de cette évolution moderne que se prépare la rentrée 2011 dans votre académie.
Les priorités retenues s'inscrivent autour d'un axe majeur, l'égalité des chances, décliné en quatre objectifs : pour le premier degré, faire évoluer les pratiques pédagogiques pour une plus grande réussite des élèves et mieux prendre en charge les élèves en difficulté d'apprentissage ; pour le second degré, consolider l'acquisition des compétences au collège et accompagner les élèves pour un parcours de réussite au lycée.
Concernant le nombre de postes, votre académie a bénéficié, en 2010, de 85 créations. Cette année, 162 emplois ne sont effectivement pas renouvelés, soit 0,81 % des 20 000 agents de l'académie.
Dans le premier degré, cette évolution est à rapprocher de la baisse des effectifs : 450 élèves en moins.
Elle s'explique aussi par une évolution pédagogique. Désormais, la plupart des enseignants du premier degré sont habilités à enseigner des langues étrangères. Il n'est donc plus nécessaire de conserver les intervenants spécialisés. Ce non-renouvellement n'a en rien affecté le nombre d'élèves par classe dans le premier degré, qui demeure inchangé.
Dans le second degré, des postes n'ont pas été renouvelés, en raison notamment de la réduction des décharges de service non statutaires, de la rationalisation de structures et de la fin de la période transitoire de la rénovation de la voie professionnelle.
Enfin, les seuils d'ouverture et de fermeture de classe n'ont pas été modifiés : au total, il y aura 92 fermetures et 34 ouvertures. Ces mesures, fruit d'un travail de concertation, ont été validées par le comité technique paritaire académique, le 30 mars dernier.
Il est bien entendu, monsieur le député, que, si des ajustements s'avèrent nécessaires après comptage physique des élèves à la rentrée, ils seront réalisés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.
M. Jean-Claude Fruteau. Madame la secrétaire d'État, vous vous doutez que votre réponse ne peut me satisfaire. Sur le principe, tout d'abord, car le premier argument que vous mettez en avant, c'est le contexte budgétaire et la nécessité de gérer scrupuleusement les dépenses publiques. Tout le monde s'accorde sur ce point, encore faut-il le faire avec discernement et ne pas opérer de coupes sombres dans les secteurs où les difficultés sont déjà considérables.
Je passerai sur l'argument, souvent avancé par M. Chatel, selon lequel l'école n'est pas seulement une question de moyens. Certes, ce n'est pas seulement une question de moyens, mais c'est aussi une question de moyens.
Enfin, votre arithmétique ne me convainc pas. Vous arguez en effet de 450 élèves en moins pour justifier la fermeture de classes. Mais 450 élèves, cela correspond approximativement à dix-huit classes ; or vous venez vous-même de dire qu'il y aura 58 classes supprimées. En d'autres termes, le taux d'encadrement va baisser, le nombre d'élèves par classe augmenter et la situation, qui ne tient pas compte des besoins de la population réunionnaise, va encore se dégrader.
Auteur : M. Jean-Claude Fruteau
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et vie associative
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2011