politique de l'eau
Question de :
Mme Catherine Coutelle
Vienne (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Catherine Coutelle interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur les réponses que le Gouvernement entend apporter aux sécheresses répétées en France ces dernières années. Poitou-Charentes est une des régions les plus durement touchées et les mesures annoncées semblent toujours insuffisantes. Au-delà de cette gestion immédiate, elle souhaite connaître sa vision de l'agriculture demain et des réserves d'eau pour différents usages. Elle souhaite que soient précisés les choix politiques concernant l'eau, ressource précieuse, à moyen et long terme.
Réponse en séance, et publiée le 29 juin 2011
POLITIQUE DE L'EAU
M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour exposer sa question, n° 1549, relative à la politique de gestion de l'eau.Mme Catherine Coutelle. Madame la ministre de l'écologie, la France traverse une période de sécheresse sans précédent. La région Poitou-Charentes est particulièrement touchée. Vous avez d'ailleurs accompagné le Président de la République lorsqu'il s'y est rendu pour constater les dégâts causés par ce printemps sec suivi d'un début d'été caniculaire. Des agriculteurs, en particulier les éleveurs, vivent une situation catastrophique : certains vendent leurs animaux, d'autres se débattent dans des difficultés matérielles et financières terribles. Heureusement, ils bénéficient de la solidarité du monde paysan.
Le Gouvernement pare au plus pressé : restrictions d'arrosage, interdiction du broyage des pailles, blocage du prix des céréales ou du fourrage. Ces mesures sont prises au compte-gouttes et tardivement.
La sécheresse, outre ses conséquences sur l'agriculture, affecte les zones humides fragiles, le fonctionnement des centrales nucléaires, l'approvisionnement en eau potable et les activités touristiques. Les pêcheurs nous alertent depuis des années sur l'état des rivières.
Ce qui arrive en 2011 pourra se reproduire dans les prochaines années. Aussi mes interrogations portent-elles sur l'avenir : quelle sera la gestion de l'eau ? Comment en partager les usages ? Comment en préserver la quantité et la qualité ? Quelle agriculture développer pour qu'elle soit plus économe en eau ?
Alors que l'agriculture représente la moitié de l'eau consommée, l'une des mesures annoncées est la création massive de retenues d'eau. Aujourd'hui, ces bassines - différentes des retenues collinaires - sont financées à 80 % par de l'argent public et ne se remplissent plus seulement par les excès d'eau d'hiver, mais aussi par des prélèvements dans les nappes, aggravant les difficultés. Les agriculteurs savent d'ailleurs que seule une partie de la profession est concernée. Dans ma circonscription, plusieurs réserves sont déjà hors d'usage parce que le sol n'était pas adapté et qu'elles se sont fissurées. Après un pic d'irrigation dans les années 2000, les surfaces de cultures irriguées de notre région diminuent. Ne faut-il pas encourager cette évolution plutôt que de donner des signaux inverses ?
Il est plus que jamais nécessaire de se poser la question de l'adaptation des cultures au climat afin que celles-ci consomment moins d'eau, car ce n'est pas le climat qui s'adaptera aux plantes. Or, cédant à certains lobbies, on a privilégié les recherches sur le maïs au détriment d'expérimentations sur des plantes moins exigeantes en eau, telles que le sorgho ? La recherche publique doit s'intensifier dans ce domaine.
Force économique, atout pour la France, l'agriculture devra évoluer. Sans une remise en cause de ses pratiques, nous irons vers des conflits ayant pour enjeu l'usage de l'eau. Il est impératif que, dans chaque secteur, la consommation de l'eau soit modifiée. Il s'agit d'un bien vital, dont nous devons garantir l'accès à tous et qu'il faut partager avec justice, dans l'intérêt général.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la députée, nous devons en effet faire face à une sécheresse importante, à laquelle les pluies passagères des derniers jours n'ont pu remédier. Il s'agit, du reste, d'une sécheresse structurelle, les grandes nappes d'eau étant déficitaires depuis plusieurs années.
Le Gouvernement a d'abord pris, en urgence, des mesures d'accompagnement dont je ne peux pas vous laisser dire qu'elles sont tardives ; c'est contraire à la vérité. En effet, le Fonds national des calamités agricoles, qui existe depuis longtemps, n'a jamais été mobilisé aussi tôt dans la saison. En revanche, vous avez raison de souligner que les changements climatiques vont nous amener à vivre, de manière de plus en plus intense et fréquente, des événements équivalents ; il faut donc se préparer à un manque d'eau structurel dans les années qui viennent.
C'est pourquoi, lors de son déplacement, le 9 juin dernier en Charente, le Président de la République a annoncé non seulement des mesures d'urgence, mais aussi des mesures structurelles, qui reposent sur deux piliers. Je regrette que, de ces deux piliers, les médias n'aient retenu que le premier - la création des retenues d'eau - car le second - la modification des pratiques agricoles -, s'il est un peu plus complexe, est au moins aussi important.
La création des retenues d'eau se fait dans le respect de l'environnement et concerne des eaux d'hiver, et non l'eau des rivières, par exemple. Vous avez souligné à juste titre que la vie aquatique souffrait actuellement de la sécheresse ; les pêcheurs, qui l'observent de manière quotidienne, ne manquent pas de nous le rappeler.
Quant à la modification des pratiques agricoles, elle repose sur un plan sur cinq ans, qui prévoit une réduction des volumes prélevés sur 14 000 hectares, en y implantant des cultures plus économes en eau que le maïs, comme le sorgho ou le soja. Cette mesure s'inscrit dans l'objectif de réduction des consommations d'eau de 20 % d'ici à 2020, qui sera inscrit dans le prochain plan national d'adaptation au changement climatique, que je présenterai début juillet.
Ce plan s'accompagne de la mise en place, au niveau local, d'organismes uniques de prélèvement d'eau pour l'irrigation, chargés d'assurer une gestion collective de la ressource en responsabilisant le milieu agricole et en lui donnant les moyens d'anticiper. On saura en effet plus tôt dans la saison quels sont les prélèvements autorisés, et ces prélèvements seront répartis entre les différents irrigants.
J'ajoute que cet objectif de réduction doit s'appliquer à tous les usages, puisque le déficit concerne tout le monde. À cet égard, je veux dire un mot de la réduction des fuites dans les réseaux d'eau potable, dont certains perdent jusqu'à 50 % de l'eau qui y transite. L'objectif est d'atteindre un taux de fuite de 15 %, ce qui correspond à une économie potentielle, au plan national, de 600 millions de mètres cubes par an. La loi " Grenelle 2 " a prévu, lorsque les taux de perte sont trop importants, un programme pluriannuel de travaux d'amélioration du réseau ; une modulation est prévue pour les services ruraux. Le décret correspondant sera publié au cours de l'été.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour une brève intervention.
Mme Catherine Coutelle. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu à ma question, en particulier en évoquant une sécheresse structurelle due au changement climatique. Un effort considérable doit être fait en la matière. Toutefois, je regrette que vous n'ayez pas insisté sur la recherche. En effet, il serait bon que l'INRA notamment intensifie ses recherches sur des plantes qui soient moins consommatrices d'eau. Quant à la réduction des fuites dans les réseaux d'eau potable, nous savons tous, dans les collectivités locales, qu'elle nécessite un effort financier considérable que l'usager ne pourra assumer seul.
Auteur : Mme Catherine Coutelle
Type de question : Question orale
Rubrique : Eau
Ministère interrogé : Écologie, développement durable, transports et logement
Ministère répondant : Écologie, développement durable, transports et logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2011