ovins
Question de :
M. Jean-Michel Clément
Vienne (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Michel Clément attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de l'élevage ovin. Le département de la Vienne, et plus particulièrement la 3e circonscription dont il est l'élu, compte jusqu'à ces dernières années parmi les premiers départements français pour l'élevage ovin. Une filière en amont et en aval s'y est organisée et développée. Un marché mensuel, au coeur du bassin de production, au carrefour de trois régions, assure une cotation nationale. La production ovine contribue aussi à l'identité du territoire constitué par le Pays montmorillonnais, bassin historique de cette production. Aujourd'hui, l'élevage ovin, ici et en France, est menacé. C'est un sinistre économique qui est annoncé dans une région qui a connu successivement les fermetures des usines d'ameublement Domoform et de textile Aubade. Les éleveurs ovins, malgré tous les efforts d'évolution technique et d'adaptation aux demandes du consommateur, n'ont plus de revenus et la production ovine française assure moins de 40 % de la consommation en France. Dans la Vienne : le cheptel est passé de 600 000 brebis il y a 25 ans, à 255 000 en 2007, et on annonce la perte d'un troupeau de 10 à 15 000 unités pour 2008 ; le nombre d'éleveurs se situait déjà en dessous du millier en 2007 (63 % en moins au cours des 25 mêmes années) et il ne reste plus aujourd'hui que 500 éleveurs disposant d'un troupeau supérieur à 150 brebis. La crise est là et, sans revenu, les producteurs ovins se tournent vers d'autres productions, là où c'est possible, et d'ailleurs face au constat d'un revenu inexistant, c'est la cessation des paiements qui guette. La crise économique s'étendra à l'ensemble du territoire rural et des entreprises qui vivent de cette activité localement. Les nombreux rapports parlementaires n'y ont rien fait ; le dernier en date, celui des sénateurs Bailly et Fortassin, dans leur rapport sur l'avenir de la filière ovine, rendu public le 24 janvier 2008 lance le cri d'alarme suivant : « Réagir maintenant pour continuer à manger de l'agneau français demain ». Le rapport souligne la grande précarité du secteur : baisse du cheptel et du nombre d'exploitations (le département de la Vienne le confirme), faiblesse des revenus des éleveurs, recours massif à des importations à bas prix de pays tiers (chilled néo-zélandais)... Les raisons sont aussi à rechercher dans l'absence de parité de soutiens de la PAC par rapport à d'autres productions. Les observations tirées du réseau RICA démontrent le fort déficit d'aides publiques aux élevages ovins, en comparaison de celles perçues par les grandes productions. Le montant des aides qu'ils perçoivent est 2 fois plus faible par travailleur que celui relevé pour l'élevage bovin viande et 3,5 fois plus faible que celles perçues par les grandes cultures. « Le rééquilibrage des soutiens publics apparaît urgent pour essayer d'enrayer la baisse d'activité de ce secteur d'élevage, baisse qui pourrait s'accélérer dans les mois et les années à venir » concluaient les rédacteurs de l'étude INRA en juillet 2007. Des mesures urgentes s'imposent dès aujourd'hui pour faire face à l'année 2008 et éviter un abandon massif de la production ovine dans le département de la Vienne et ailleurs et ce, dès avant le 11 mai, date limite de maintien du troupeau par rapport à la prime compensatrice ovine. Et des mesures nouvelles, durables, doivent être prises en accord avec nos partenaires européens à l'heure où s'engagent les négociations sur la PAC pour la période 2009-2013. Le bilan à mi-parcours de celle-ci démontre combien certains choix opérés par la France sont préjudiciables aux productions les plus exigeantes en travail, intimement liées à l'aménagement du territoire et conformes aux orientations prises lors du Grenelle de l'environnement. Un prélèvement significatif à l'intérieur du premier pilier lui paraît-il une réponse durable pour redonner un espoir à toute une filière et à des territoires comme l'est du département de la Vienne, 5e département de production à l'échelon national ? Deux mesures simples y contribueraient : un ajustement de la PCO à hauteur de 30 € par brebis, soit l'équivalent de 200 € par UGB, sans plancher ; une prime à l'herbe de 100 € par hectare, à ajuster en considération des zones défavorisées comme l'est de la Vienne et les zones de montagne. Au surplus avec les nouvelles redéfinitions des zones défavorisées par la Communauté européenne, la Vienne pourrait probablement en être exclue, entraînant la perte de 3,7 millions d'euros pour le département. Cela représente pour une exploitation moyenne d'ovins 5 500 €. Il rappellera que le territoire de la Vienne est couvert à 50 % en zone défavorisée et l'élevage ovin représente 97 % de ce territoire, démontrant toute l'acuité de la question. Toutefois dans l'urgence de la crise, d'autres mesures à caractère national s'imposent : 35 € par brebis constituent un minimum sur lequel s'accordent les professionnels. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement français pour venir en aide aux éleveurs ovins à court terme et plus globalement pour maintenir cette activité sur le territoire national ? Il le remercie de ses réponses précises, attendues avec impatience par toute une population qui vit de cette activité.
Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2008
CRISE DE L'ÉLEVAGE OVIN DANS LA VIENNE
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour exposer sa question, n° 161.M. Jean-Michel Clément. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, le département de la Vienne, et plus particulièrement la troisième circonscription, dont je suis l'élu, compte parmi les premiers départements français pour l'élevage ovin. Une filière en amont et en aval s'y est organisée et développée. Un marché mensuel, au coeur du bassin de production, au carrefour de trois régions, assure une cotation nationale. La production ovine contribue aussi à l'identité du territoire constitué par le pays montmorillonnais, bassin historique de cette production.
Or, là comme dans toute la France, l'élevage ovin est aujourd'hui menacé. Un nouveau sinistre économique est annoncé dans une région qui a connu successivement les fermetures des usines d'ameublement Domoform et de textile Aubade. Les éleveurs ovins, malgré tous les efforts d'évolution technique et d'adaptation aux demandes du consommateur, n'ont plus de revenus et la production ovine française assure moins de 40 % de la consommation en France. Dans la Vienne, depuis vingt-cinq ans, les pertes sont impressionnantes : de 600 000 brebis le cheptel est passé à 255 000 en 2007, et on annonce la perte d'un troupeau de 10 000 à 15 000 unités pour 2008 ; le nombre d'éleveurs a baissé de 63 %, tombant à moins d'un millier en 2007, et ils ne sont plus aujourd'hui que 500 à disposer d'un troupeau supérieur à 150 brebis.
La crise est bien là. Privés de revenus, les producteurs ovins se tournent vers d'autres productions, là où c'est possible. Ailleurs, c'est la cessation de paiements qui les guette. La crise économique s'étendra à l'ensemble du territoire rural et des entreprises qui vivent de cette activité. Les nombreux rapports parlementaires n'y ont rien fait. Le dernier en date, celui des sénateurs Bailly et Fortassin consacré à l'avenir de la filière ovine, rendu public le 24 janvier dernier, lance ce cri d'alarme : " Réagir maintenant pour continuer à manger de l'agneau français demain ". Il souligne la grande précarité du secteur : baisse du cheptel et du nombre d'exploitations - que confirme le département de la Vienne -, faiblesse des revenus des éleveurs, recours massif à des importations à bas prix de pays tiers.
Les raisons sont à rechercher aussi dans l'absence de parité du soutien de la PAC entre les productions. Les observations tirées du réseau RICA démontrent le fort déficit d'aides publiques aux élevages ovins par rapport à celles destinées aux grandes productions. Le montant des aides perçues par travailleur est deux fois moindre que pour l'élevage de bovins à viande et 3,5 fois plus faible que pour les grandes cultures. Comme le concluaient les rédacteurs de l'étude INRA publiée en juillet 2007, " le rééquilibrage des soutiens publics apparaît urgent pour essayer d'enrayer la baisse d'activité de ce secteur d'élevage, baisse qui pourrait s'accélérer dans les mois et les années à venir ".
Monsieur le ministre, des mesures urgentes s'imposent dès aujourd'hui pour faire face à l'année 2008 et éviter un abandon massif de la production ovine dans le département de la Vienne et ailleurs. Et cela avant le 11 mai, date limite de maintien du troupeau pour l'octroi de la prime compensatrice ovine. Des mesures nouvelles durables doivent être prises en accord avec nos partenaires européens, à l'heure où s'engagent les négociations sur la politique agricole commune pour la période 2009-2013.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Clément.
M. Jean-Michel Clément. Le bilan à mi-parcours de la PAC démontre combien certains choix opérés par la France sont préjudiciables aux productions les plus exigeantes en travail et intimement liées à l'aménagement du territoire. Un prélèvement significatif à l'intérieur du premier pilier vous paraît-il une réponse durable pour redonner un espoir à toute une filière et à des territoires tels que l'est du département de la Vienne ? Deux mesures simples y contribueraient : un ajustement de la PCO à hauteur de 30 euros par brebis, soit l'équivalent de 200 euros par UGB, sans plancher, et une prime à l'herbe de 100 euros par hectare, à ajuster en considération des zones défavorisées, comme l'est de la Vienne et les zones de montagne.
M. le président. Monsieur Clément...
M. Jean-Michel Clément. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour venir en aide à court terme aux éleveurs ovins et, plus globalement, pour maintenir cette activité sur le territoire national ?
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la crise est là, en effet. C'est une crise grave à laquelle est confronté tout l'élevage ovin, et depuis assez longtemps. Pour ma part, j'ai beaucoup de raisons d'être attaché à l'agriculture extensive, à l'élevage ovin et caprin en particulier, puisque j'ai eu l'honneur d'animer et de diriger un département montagnard pendant longtemps.
Vous l'avez constaté dans votre département de la Vienne, qui compte parmi les plus importants en matière d'élevage ovin, le cheptel est en diminution constante, ce qui s'explique principalement par la faiblesse des revenus des éleveurs. Cette situation touche l'ensemble de notre territoire national et la même crise peut être constatée dans nombre de pays européens.
Comme vous, je pense que cet élevage est essentiel : respectueux de l'environnement, il joue un rôle déterminant dans beaucoup de zones fragiles et permet de maintenir une activité agricole sur les terres les plus difficiles. Le maintien de la production ovine est donc pour moi une priorité et, dès mon arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche, j'ai pris des mesures en ce sens. Au-delà des réponses urgentes à apporter, il faut donner des perspectives pour relever la ligne d'horizon, redonner de la confiance et éviter que des fermes continuent de disparaître.
J'ai ainsi décidé, le 30 août 2007, de mettre en place un plan de soutien en faveur de la filière ovine. Ce plan allie des mesures conjoncturelles en faveur des éleveurs les plus en difficulté et des mesures structurelles destinées à dynamiser et renforcer à long terme les élevages ovins sur le territoire national. Il a été mis en place pour aider les éleveurs d'ovins allaitants les plus en difficulté. Les crédits affectés à cette opération, à hauteur de 15 millions d'euros, constituent un effort important dans un contexte budgétaire difficile. Les aides gérées par l'office de l'élevage seront versées aux éleveurs dans le courant du mois d'avril, celles provenant du fonds d'allégement des charges suivront de peu.
Au-delà de ce qui a été fait l'année dernière et de ce que nous ferons cette année pour maintenir l'activité, il faut répondre aux différents appels lancés pour redonner de l'espoir, un horizon durable à l'élevage ovin et caprin. Les différents rapports que vous avez cités, monsieur le député, l'ont très clairement dit.
Au niveau européen, l'heure est au bilan de santé de la politique agricole commune. Le lundi 17 mars, le Conseil des ministres s'est prononcé sur une première proposition politique à ce sujet et nous terminerons ce travail sous la présidence française au mois de novembre. Dans ce cadre, j'ai engagé au niveau communautaire un débat sur l'avenir des filières ovines et sur le régime de soutien à ce secteur. La France est soutenue dans sa démarche par les États membres les plus concernés par l'élevage ovin. Voilà comment nous avons obtenu lundi dernier, à l'occasion de cette première délibération politique, un certain nombre d'avancées qui vont dans le sens que vous avez suggéré. C'est ainsi que la modification de l'article 69 est désormais acquise. Grâce à cet outil du règlement européen, nous pourrons, à l'intérieur du premier pilier, redistribuer les aides de manière plus équitable. Nous allons donc procéder à un rééquilibrage des aides directes vers certaines productions ou zones fragiles. C'est précisément le cas de l'élevage ovin, qui est une production indispensable dans les territoires les plus fragiles.
Pour ma part, j'ai d'ores et déjà indiqué - et je le confirmerai cet après-midi lors de mon audition devant la commission des affaires économiques et la délégation pour l'Union européenne - mon intention de mobiliser, à l'occasion du bilan de santé, cet article 69 rénové pour accorder un soutien supplémentaire et durable au secteur ovin. J'ai par ailleurs prévu d'organiser, dans le cadre de la présidence française, une grande conférence sur la filière ovine en septembre 2008. Au-delà des mesures conjoncturelles que nous avons prises et de celles que nous prendrons malgré les contraintes budgétaires, je souhaite que la préparation de la nouvelle politique agricole commune, dont le bilan de santé constitue une étape importante, soit l'occasion de procéder à une réorientation des aides pour donner un avenir durable au secteur ovin, qui en a besoin.
M. le président. Je remercie M. Clément d'accepter de ne pas reprendre la parole. Les questions et les réponses sont trop longues ce matin et, à ce rythme, tout le monde ne pourra pas passer dans le temps imparti. Je vous demande donc de vous tenir rigoureusement à un temps de parole de deux à trois minutes par question et par réponse.
Auteur : M. Jean-Michel Clément
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et pêche
Ministère répondant : Agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2008