Question orale n° 162 :
TGV

13e Législature

Question de : Mme Marisol Touraine
Indre-et-Loire (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Marisol Touraine attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les nuisances liées à la future ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV-SEA) dans le département de l'Indre-et-Loire. Alors qu'au regard de l'intérêt général nul ne conteste l'utilité de la LGV, cependant qu'elle ne sera que d'un intérêt mineur pour le département de l'Indre-et-Loire, sa réalisation ne peut se faire sans tenir compte des habitants concernés par le tracé. En l'état actuel du projet, elle ne peut qu'exprimer sa préoccupation au regard des choix opérés par RFF et lui demander de faire en sorte que l'ensemble du tracé soit réexaminé. Pour ce qui relève de la traversée des zones urbaines, et elle pense notamment au cas de la commune de Chambray-lès-Tours, le parcours de la LGV doit être réalisé en déblai profond. Ce n'est qu'à cette condition que les nuisances générées par le tracé pourront être limitées. Les représentants de RFF ont d'ailleurs confirmé la possibilité technique de cette solution, précisant que seules les incidences financières induites les avaient amenés à exclure cette proposition de leur projet. Cette appréciation purement financière paraît inacceptable au regard des conditions de vie durables de la population de ce secteur de l'agglomération tourangelle. De la même manière, des mesures d'insertion paysagère adéquates doivent être trouvées pour permettre aux communes de l'ensemble du val de l'Indre, dont le cadre de vie est un des atouts majeurs, de préserver la qualité de leurs paysages tant appréciés par les habitants et indispensables au développement de l'activité touristique. Dans ce cadre, il est nécessaire de rechercher la plus grande continuité paysagère tout au long de la nouvelle voie, en privilégiant la création de haies, de murs ou de merlons et la réalisation de tranchées couvertes, notamment dans la zone urbaine de Veigné. De même, les mesures de protection sonore sont très insuffisantes au regard de la gêne occasionnée par le passage de la future ligne. La seule prise en compte de la moyenne des pics sonores et des périodes de silence sur une plage horaire pour réaliser les équipements de protection, minore considérablement les nuisances provoquées par la nouvelle infrastructure. Aussi, pour les apprécier à leurs justes valeurs, il aurait également fallu tenir compte des infrastructures déjà existantes et raisonner à partir du niveau sonore cumulé par la juxtaposition de celles-ci : l'autoroute A 10 et la nouvelle autoroute A 85 ouverte à la circulation en décembre dernier et dont les riverains, déjà, se plaignent du bruit qu'elle engendre. A ces voies de circulation il faut ajouter la ligne TGV existante, sur laquelle le développement prévu du fret ferroviaire fait qu'elle doit être l'objet de travaux phoniques spécifiques ; aménagements qui sont pour l'heure absents du projet LGV-SEA. Dans ce contexte, il est fort probable que le niveau sonore cumulé dans les communes de Monts, Sorigny, Veigné et Villeperdue, dépasse le seuil légal de 60 dB. Ce seuil, par ailleurs, apparaît trop élevé, et il serait souhaitable qu'il le rabaisse par décret. Enfin, pour la première fois, RFF a décidé de confier la réalisation et l'exploitation de la LGV-SEA à une entreprise concessionnaire. Compte tenu des incidences financières engendrées pour les communes traversées par la LGV, il lui semble normal que les concessionnaires d'infrastructures ferroviaires soient assujettis au versement d'une taxe professionnelle aux communes traversées comme la législation l'impose aux concessionnaires d'infrastructures autoroutières. Une telle mesure serait la seule à même de compenser les pertes de revenus et de recettes fiscales relatives à la disparition des taxes d'habitations et de foncier bâti et non bâti, à la perte de taxes professionnelles due au déplacements d'activités économiques, et à la baisse de recettes pour les activités liées au tourisme. Elle souhaite qu'il puisse rencontrer les élus et les associations concernés par la future LGV, et qu'à l'issue de cette rencontre, les nombreux avis formulés par eux soient enfin pris en compte. Elle est sûre que, comme elle, il ne souhaite pas que la réalisation de ce projet se fasse au détriment de la population.

Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2008

TRACÉ DE LA LIGNE À GRANDE VITESSE
SUD EUROPE ATLANTIQUE EN INDRE-ET-LOIRE

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour exposer sa question, n° 162.
Mme Marisol Touraine. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement devra prochainement se prononcer sur le tracé de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, puisque l'enquête publique est close depuis quelques semaines déjà et que nous attendons les conclusions du rapport auquel elle a donné lieu.
C'est la raison pour laquelle, cette ligne traversant l'Indre-et-Loire, je tiens à appeler votre attention, et celle du Gouvernement, sur les nuisances fortes que son tracé ne manquera pas d'occasionner pour la population de ce département, d'autant que si nul n'y conteste l'utilité de la ligne à grande vitesse au regard de l'intérêt général, je rappellerai que l'Indre-et-Loire n'en tirera aucun bénéfice direct puisque le département ne profitera ni de la réduction du temps de trajet pour Bordeaux ni d'aucune création de gare. Les nuisances, en revanche, seront incontestables, la ligne traversant des zones urbaines fortement peuplées, notamment la commune de Chambray-lès-Tours. C'est pourquoi l'ensemble des élus et des associations de riverains souhaitent - et je les soutiens - que la ligne soit, dans cette zone, réalisée en déblai profond. Réseau ferré de France a indiqué que cette solution était techniquement réalisable mais que seules des considérations d'ordre financier l'avaient conduit à l'exclure, ce qui est pour nous inacceptable puisque le surcoût d'une telle option représente une goutte d'eau au regard du coût total du projet.
La population et les élus ont les mêmes exigences en ce qui concerne la vallée de l'Indre, notamment pour les communes de Veigné, Monts, Sorigny et Villeperdue, où, afin de préserver la qualité de l'environnement et le développement du tourisme, qui est une activité économique importante, des aménagements du même type sont nécessaires.
Il me semble également que les mesures de protection phonique prévues se révèlent très insuffisantes. La seule prise en compte de la moyenne des pics sonores sur une plage horaire minore en effet considérablement les nuisances effectives que le projet fait craindre - nous en avons fait la triste expérience avec l'ouverture de l'autoroute A 85 dans ce même secteur. Il est donc indispensable de tenir compte des infrastructures déjà existantes et de raisonner à partir du niveau sonore cumulé résultant de leur juxtaposition : les autoroutes A 85 et A 28, ainsi que la ligne TGV existante, sur laquelle se développera, tel est du moins le projet, le fret ferroviaire. Si on tient compte de cette juxtaposition, le seuil réglementaire des soixante décibels est dépassé alors que l'OMS recommande pour la nuit un niveau inférieur à trente décibels. Or un décret suffit pour fixer le seuil de référence en matière de bruit. Ainsi, il revient au Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, de revoir à la baisse les seuils existants, qui se révèlent trop élevés.
Lors de la construction de la ligne TGV vers Marseille, des progrès importants ont du reste été accomplis en matière de règles de protection de l'environnement : il vous est possible de marquer de votre empreinte le grand projet de la LGV en vous engagement fortement en faveur de la protection contre le bruit.
Je tiens à terminer en indiquant un point nouveau : pour la première fois RFF a confié la réalisation et l'exploitation de la LGV à une entreprise concessionnaire. Je souhaite que les concessionnaires d'infrastructures ferroviaires soient assujettis comme les concessionnaires d'infrastructures autoroutières au versement d'une taxe professionnelle aux communes traversées. Or nous n'avons actuellement aucun élément d'information sur le sujet. Ce serait pourtant une manière de compenser les pertes de recettes fiscales subies par les communes en raison du passage de la LGV.
Je souhaite enfin que M. Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, puisse recevoir les élus et les associations afin d'entendre leurs demandes. Je suis certaine que le Gouvernement ne souhaite pas plus que moi que la réalisation de la LGV se fasse au détriment de la population.
M. le président. La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé des transports.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé des transports. Madame la députée, je tiens tout d'abord à excuser l'absence de Dominique Bussereau, qui s'est rendu auprès des familles des victimes du dramatique accident de voiture qui a eu lieu hier soir sur l'autoroute A 9.
Le projet de LGV Tours-Bordeaux a fait l'objet d'une phase de concertation approfondie au cours de laquelle Réseau ferré de France a notamment étudié des variantes techniques du projet. Sur cette base, le dossier d'avant-projet sommaire a été approuvé par une décision ministérielle du 16 avril 2007, en demandant au maître d'ouvrage la prise en compte de nombreuses améliorations du tracé. Certaines variantes ont cependant dû être écartées, compte tenu d'impossibilités techniques ou de leur caractère disproportionné au regard des avantages attendus. Le projet ainsi défini et les études qui ont permis de l'élaborer ont fait l'objet d'une enquête publique qui s'est déroulée du 25 octobre au 19 décembre 2007. Cette étape permet à une commission d'enquête indépendante de mettre en regard de manière impartiale les avantages du projet et les nuisances qu'il engendre. Les conclusions de la commission d'enquête, dont le rapport est attendu pour la fin du mois d'avril prochain, permettront à Dominique Bussereau d'examiner les réponses complémentaires qu'il conviendra éventuellement d'apporter.
Vous citez le cas particulier de la commune de Chambray-lès-Tours. Je tiens à vous préciser que l'abaissement du profil en long de la LGV, auquel vous faites référence, a été étudié de manière approfondie afin d'évaluer la possibilité de diminuer l'impact acoustique du projet. Il s'est révélé techniquement très complexe en raison notamment du volume des dépôts de matériaux ou de l'évacuation des eaux. Une autre solution a donc été retenue : elle consiste en un tracé en déblai sur les deux tiers du linéaire de la LGV traversant la commune et en remblai sur un tiers, accompagné d'aménagements paysagers permettant d'améliorer l'insertion de l'infrastructure.
En ce qui concerne la commune de Veigné, la présence de l'A10, de l'A85 et de la LGV sur son territoire a rendu nécessaire une approche spécifique qui a conduit à proposer le passage de la LGV en fort déblai sous les infrastructures autoroutières. RFF a de plus travaillé à leur insertion dans le cadre de vie commun et sur la qualité architecturale des ouvrages d'art, en collaboration avec un paysagiste conseil.
Concernant les nuisances sonores, la réglementation impose une obligation de résultat. Le respect des seuils réglementaires, en tenant compte de l'usage et de la nature des locaux, des caractéristiques de l'infrastructure et de l'ambiance sonore initiale, est donc un impératif absolu.
Dans le cas de la LGV Tours-Bordeaux, des dispositifs de protection à la source, dont 9 400 mètres d'écrans acoustiques et quelque 20 500 mètres de merlons acoustiques, sont prévus au stade d'avancement actuel du projet. De plus, lorsque les protections à la source se révéleront insuffisantes ou inenvisageables, une isolation de façade sera mise en oeuvre après concertation avec les riverains.
En cas de difficulté de réalisation de ces protections, l'acquisition des bâtiments à usage d'habitation exposés au-delà de la norme réglementaire sera proposée aux riverains concernés. Les études seront poursuivies tout au long de l'avancement du projet.
Quant aux évolutions de la législation, un comité opérationnel mis en place à la suite du Grenelle de l'environnement est chargé de conduire une réflexion spécifique sur le bruit. Ces propositions permettront d'éclairer le Gouvernement sur les mesures à appliquer.
Enfin, madame la députée, vous soulevez la question du versement d'une taxe professionnelle aux communes traversées. Cette proposition me paraît très difficile à mettre en oeuvre, notamment parce qu'il faudrait déterminer quelles entreprises seraient taxées - le gestionnaire d'infrastructure, les entreprises ferroviaires utilisant les voies... - et parce qu'elle ajouterait des coûts qui seraient répercutés sur les budgets des collectivités publiques - État, régions, communes - appelées à cofinancer la réalisation de cette opération.
M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.
Mme Marisol Touraine. Je le regrette, monsieur le secrétaire d'État, mais la réponse que vous venez de donner ne satisfera ni les élus ni les riverains.
J'ai bien entendu qu'un groupe de travail avait été mis en place à la suite du Grenelle de l'environnement, ouvrant donc des perspectives de renforcement des normes applicables en matière de bruit. J'insiste sur ce point puisqu'il relève de la compétence exclusive du Gouvernement et qu'il existe par conséquent une possibilité de réaliser une avancée importante dans le droit de l'environnement et dans la protection de la qualité de vie de nos concitoyens.
Pour ce qui est du projet lui-même, j'ai surtout entendu le Gouvernement défendre le tracé actuel, qui ne satisfait pas les habitants. Je regrette que des mesures plus fortes ne soient pas prises pour l'enfouissement de la ligne dans les zones urbaines.
Enfin, en ce qui concerne l'impossibilité qu'il y aurait à taxer l'entreprise concessionnaire RFF, monsieur le secrétaire d'État, je m'étonne car je ne vois pas pourquoi ce qui est possible pour les entreprises concessionnaires d'autoroutes ne le serait pas pour les entreprises concessionnaires des voies ferrées. C'est la première fois que l'on envisage une telle mesure, en effet, mais enfin, ce qui est devenu une habitude dans le secteur autoroutier pourrait parfaitement être transposé au domaine ferroviaire - et je ne sache pas que l'on ait parlé de surcoûts pour les entreprises concernées. Ce serait aussi une façon de dédommager les communes traversées que de leur permettre d'investir dans des projets d'aménagement et de développement durable.

Données clés

Auteur : Mme Marisol Touraine

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports ferroviaires

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2008

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