Question orale n° 166 :
revendications

13e Législature

Question de : M. Jean Proriol
Haute-Loire (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean Proriol appelle l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la nécessité de prise en compte par les pouvoirs publics du besoin crucial d'accompagnement ressenti par les personnes, et notamment les femmes, qui vivent des deuils anténataux. La Cour de cassation vient de rendre le 6 février dernier trois arrêts majeurs qui reconnaissent aux parents le droit de nommer, de déclarer à l'état-civil et d'inhumer les foetus mort-nés. Ces arrêts prennent en compte la souffrance réelle de milliers de mères d'enfants nés sans vie, et cette reconnaissance, tant attendue par les familles, répond à leur détresse et leur permet d'engager désormais leur travail de deuil. Les parents concernés par ces arrêts ont d'ailleurs déclaré être prêts à renoncer aux droits sociaux associés à la maternité, puisque pour eux c'est la reconnaissance par la société de l'existence des enfants perdus qui est le souci primordial. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer comment elle envisage de répondre au besoin d'accompagnement de ces femmes et à la prise en charge des traumatismes vécus, quels moyens spécifiques elle entend mettre en oeuvre et dans quel délai.

Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2008

RECONNAISSANCE DES DEUILS ANTÉNATAUX

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour exposer sa question, n° 166.
M. Jean Proriol. Je souhaite appeler votre attention, madame la ministre de la santé, sur une situation qui, si elle n'est pas, fort heureusement, très répandue dans notre pays, n'en est pas moins vécue très douloureusement : il s'agit des personnes, et notamment des mamans, confrontées à des deuils anténataux et pour qui un accompagnement par les pouvoirs publics est une nécessité ressentie comme cruciale. En effet, ces familles souhaitent faire le deuil d'un enfant né sans vie ou mort-né, mais ce deuil est rendu particulièrement difficile dans la mesure où pour l'instant aucune mesure d'accompagnement moral ou social n'existe, et que d'autre part les enfants nés sans vie n'ont pas de statut juridique.
La Cour de Cassation vient de rendre, le 6 février 2008, trois arrêts qui relancent le débat de l'inscription à l'état-civil des foetus nés sans vie. Ces arrêts reconnaissent à trois familles le droit de nommer, de déclarer à l'état-civil et d'inhumer les foetus mort-nés qui ne répondaient pas aux critères établis par la circulaire interministérielle du 30 novembre 2001, laquelle ne faisait que reprendre les seuils fixés par l'Organisation mondiale de la santé.
Sans vouloir aucunement, bien entendu, engager de polémique sur ce sujet sensible ni remettre en cause le statut de l'embryon et du foetus, on peut penser, comme le font certains, que ces arrêts prennent en compte la souffrance réelle de milliers de mères d'enfants nés sans vie. Cette reconnaissance, très attendue par les familles, répond en partie à leur détresse et leur permet d'engager désormais leur travail de deuil. Un grand nombre des parents concernés par ces arrêts ont d'ailleurs déclaré être prêts à renoncer aux droits sociaux associés à la maternité, le souci primordial étant pour eux la reconnaissance par la société de l'existence des enfants qu'ils ont perdus.
Conjointement avec le ministre chargé de la sécurité sociale, vous avez pris, madame la ministre, un décret et un arrêté en date du 9 janvier 2008, afin de permettre l'octroi d'un congé de paternité aux pères d'enfants nés sans vie. Ces mesures répondent à une proposition du médiateur selon laquelle, la femme ayant droit à juste titre au maintien de son congé de maternité, le père pouvait prétendre à un congé de paternité. C'est un début d'accompagnement et de soutien psychologique.
Pouvez-vous, madame la ministre, préciser, d'une part, comment vous envisagez de répondre plus avant au besoin d'accompagnement de ces parents et de prise en charge des traumatismes vécus ; d'autre part, quels moyens spécifiques vous entendez mettre en oeuvre, et dans quel délai ?
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Proriol, comme vous l'avez souligné, les situations de décès anténatal sont particulièrement douloureuses. Des milliers de mères d'enfants nés sans vie sont frappées par cette épreuve terrible ; elles doivent, bien entendu, bénéficier d'un accompagnement de qualité fondé avant tout sur le respect. À cet effet, nous devons créer les conditions d'un réel suivi personnalisé et continu des parents, depuis l'annonce éventuelle d'une maladie ou malformation de l'enfant désiré jusqu'à son décès.
Je rappellerai les quelques principes fondamentaux qui doivent guider, à chaque étape de cet accompagnement, les professionnels de santé : l'information des parents, qui doivent être étroitement associés aux différentes prises de décision ; l'indispensable coordination entre les différents partenaires et les parents ; l'écoute, la disponibilité et le soutien ; la délivrance de conseils précis et l'accompagnement dans les différentes démarches administratives.
La présence d'associations spécialisées dans l'accompagnement du deuil anténatal, qu'elles soient extérieures ou internes à l'établissement, constitue, il faut le souligner, une aide précieuse pour les parents endeuillés, mais aussi pour les professionnels de santé qui les entourent en ces moments difficiles pour eux aussi. Ces associations font un travail remarquable et savent aider avec bienveillance et dignité les familles endeuillées.
Je veux par ailleurs que les établissements de santé aient les moyens d'assurer dans les meilleures conditions l'accompagnement du deuil anténatal, afin de rendre plus humaine la prise en charge de ces situations. Ces professionnels qui font un travail formidable ont besoin d'être orientés, aidés. J'ai pensé qu'il serait profitable à tous qu'ils disposent d'un outil de référence, et c'est dans cet esprit qu'a été demandée la rédaction d'une circulaire comprenant des recommandations précises. Ainsi, mieux guidés, ils pourront apporter un soutien encore plus sensible, attentif et professionnel aux parents endeuillés.
Les professionnels impliqués doivent recevoir une formation spécifique afin d'être en mesure - lorsque, bien entendu, les parents en font la demande - de les informer sereinement et de façon complète sur le parcours qui sera le leur. Les parents doivent aussi pouvoir disposer d'informations pratiques et trouver facilement des réponses aux questions qu'ils se posent. Les documents émanant d'associations consacrées au deuil anténatal doivent également être mis à leur disposition. Les services d'assistance sociale doivent eux aussi s'impliquer et être à la disposition des familles pour répondre pleinement à leurs préoccupations.
Une circulaire et des dispositions réglementaires sont donc prévues pour encadrer tout cela.
Un autre point me tient particulièrement à coeur : la circulaire que j'espère pouvoir vous présenter d'ici trois mois - c'est-à-dire avant les vacances - devra préciser les modalités spécifiques de prise en charge du corps de l'enfant décédé. Je souhaite en outre que, dans tous les cas, les parents reçoivent une information complète sur le devenir du corps de leur enfant. Si chacun doit pouvoir trouver sa façon personnelle d'affronter de tels drames, il est souhaitable de favoriser l'expression de rituels funéraires, qui permet aux parents endeuillés de marquer la réalité de la perte et d'enclencher le processus de deuil. Il faut donc, dans la mesure du possible, ouvrir des espaces dédiés à ces pratiques.
Enfin, au-delà de la sensibilisation des professionnels à la nécessité de communiquer de façon appropriée avec les familles, il me paraît essentiel de développer la formation continue de l'ensemble des intervenants - médecins, mais aussi sages-femmes, personnel médical et administratif, agents de différents services, assistants sociaux et, bien sûr, personnel soignant. Les professionnels de santé, qui effectuent leur mission dans des conditions de travail parfois contraignantes, doivent être mieux formés, mieux préparés, mais aussi soutenus pour être en mesure d'assurer à toutes ces familles plongées dans la peine un accompagnement adéquat dans des situations particulièrement éprouvantes.
Vous pouvez être assuré, monsieur le député, cher Jean Proriol, que je veillerai avec la plus grande attention à favoriser cette évolution positive des pratiques, qui répond aux attentes légitimes des personnes touchées par de tels drames.
M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.
M. Jean Proriol. Merci, madame la ministre, d'avoir pris en compte ces situations, qui sont tragiques pour les parents et pour l'ensemble des familles concernées. J'ai bien noté les mesures que vous allez prendre prochainement et je vous en remercie.

Données clés

Auteur : M. Jean Proriol

Type de question : Question orale

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2008

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