affaires étrangères et européennes : ambassades et consulats
Question de :
M. Jean-Pierre Kucheida
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Pierre Kucheida attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'externalisation des services de délivrance des visas. Petit à petit les consulats de France s'engagent dans des procédures d'externalisation des services de délivrance des visas en déléguant à des prestataires privés le soin d'établir ces titres. Cette méthode aggrave le coût de l'établissement du document pour la personne qui en fait la demande. Plateforme téléphonique aux appels surtaxés, déplacements pour des rendez-vous de finalisation des demandes répétées au rythme des annulations des rencontres, achat d'une carte téléphonique prépayée pour accéder aux services téléphoniques du délégataire font du visa non plus un sésame mais un trésor. Les quelques rares expertises qui ont été conduites sur le bénéfice de l'externalisation de la délivrance de visas n'ont nullement permis d'attester de l'efficacité de ce dispositif. Elles soulignent au contraire l'impact négatif de ce mécanisme pour les demandeurs. Or cette méthode se généralise. Il demande s'il ne serait pas opportun d'en faire un diagnostic approfondi et de mettre en perspective les lacunes de ce dispositif avec le travail qui était réalisé par les services consulaires.
Réponse en séance, et publiée le 1er février 2012
EXTERNALISATION DES SERVICES DE DÉLIVRANCE
DES VISAS
M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
L'externalisation, stratégie courante dans la gestion des entreprises privées, conquiert peu à peu les administrations publiques.
Depuis quelques années, les consulats en particulier recourent de plus en plus à des prestataires extérieurs, auxquels ils confient des tâches qui relevaient jusqu'alors de leur activité de délivrance de visas, c'est-à-dire en fait du service public.
Cette externalisation peut se comprendre quand les activités sont limitées dans le temps, mais il ne me semble pas que ce soit le cas s'agissant de la délivrance des visas.
Les motivations de l'externalisation sont, semble-t-il, essentiellement financières. Il a été régulièrement fait état d'une volonté de réduire les dépenses de fonctionnement des consulats. Pour ce faire, le ministre des affaires étrangères a choisi de déléguer à des prestataires privés le soin d'établir ces titres, avec les risques que cela peut comporter.
Ainsi que le ministre en charge de ce dossier l'évoquait en 2011, il s'agissait d'éviter aux agents des tâches à moindre valeur ajoutée. Cependant, cette méthode aggrave le coût de l'établissement du document pour la personne qui en fait la demande.
Plateforme téléphonique aux appels surtaxés, déplacements pour des rendez-vous répétés au rythme des annulations des rencontres, achat d'une carte prépayée pour accéder au service téléphonique du délégataire font du visa non plus un sésame mais un énorme trésor qu'il faut constituer pour pouvoir espérer l'obtenir.
Les quelques rares expertises qui ont été conduites sur le bénéfice de l'externalisation de la délivrance de visas n'ont nullement permis d'attester de l'efficacité de ce dispositif. Elles soulignent, au contraire, l'impact négatif de ce mécanisme pour les demandeurs. Or cette méthode a malheureusement tendance à se généraliser.
Ne serait-il donc pas opportun de faire un diagnostic approfondi et de mettre en perspective les lacunes de ce dispositif avec le travail qui était réalisé jusqu'à présent par les services consulaires ?
J'ajoute que cette nouvelle façon de faire porte atteinte à l'image de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération. Monsieur le député, vous avez appelé l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les procédures d'externalisation en matière de demandes de visas.
Permettez-moi au préalable de vous dire qu'en 2011 la France a délivré plus de 2,15 millions de visas, chiffre en augmentation de près de 8 % par rapport à 2010. Cette hausse des demandes étant très importante, les moyens de l'État ne peuvent pas évoluer au même rythme dans le même temps.
Dans ce contexte, mais aussi afin de saisir l'occasion de moderniser nos prestations et d'améliorer les conditions d'accueil des demandeurs, il a été décidé d'externaliser, dans un certain nombre de pays, les tâches annexes liées aux demandes de visas. Il s'agit, selon les cas, de la prise de rendez-vous, de la collecte des dossiers ou de la remise des passeports. Cette externalisation ne concerne ni la décision, ni l'établissement des titres qui restent des tâches régaliennes à la charge exclusive des agents titulaires de l'État.
L'externalisation a effectivement un coût pour le demandeur, mais celui-ci est strictement encadré par les textes et ne peut dépasser trente euros. Quant à la prise de rendez-vous via une plate-forme téléphonique moyennant une surtaxe à laquelle vous faites référence, son coût demeure relativement limité et c'est une pratique largement utilisée par les entreprises publiques ou privées, y compris en France pour les usagers français.
Ces coûts sont compensés par les avantages qui sont offerts aux demandeurs : la réduction des délais pour obtenir un rendez-vous ; la diminution du temps passé aux guichets, le prestataire disposant du personnel nécessaire ; l'accueil dans des locaux adaptés, avec des espaces dédiés aux enfants notamment ; l'information par appel téléphonique ou SMS de la possibilité de venir récupérer son passeport.
Cette qualité de service est vérifiée par nos postes diplomatiques et consulaires auxquels les prestataires doivent fournir des tableaux de performance quotidiens. Des contrôles réguliers et approfondis sont également effectués, notamment dans le cadre de missions d'audit qui sont menées régulièrement.
Cette externalisation n'est pas une spécificité française. Elle est désormais pratiquée par la majorité de nos partenaires européens. Ainsi, chaque fois que cela est possible, nous nous efforçons de mettre en place des centres communs d'externalisation avec nos partenaires de l'espace Schengen.
Enfin, il est important de noter que le demandeur qui ne souhaiterait pas passer par un prestataire peut toujours prendre rendez-vous auprès du consulat et venir déposer lui-même son dossier.
M. le président. Monsieur Kucheida, vous avez la parole pour une brève réponse, le temps qui vous était imparti étant écoulé.
M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le ministre, vous avez parlé de rapidité. Or les échos que j'ai pu avoir montrent que ce que vous dites n'est pas tout à fait vrai.
Par ailleurs, le dernier argument que vous avez utilisé me semble quelque peu spécieux. Je ne sais pas en effet si une personne aurait la capacité, à l'étranger, d'aller à l'encontre d'un système mis en place par le pays.
Je souhaite que l'on puisse procéder à un audit externe, afin de connaître la réalité de l'efficacité d'un tel système.
Auteur : M. Jean-Pierre Kucheida
Type de question : Question orale
Rubrique : Ministères et secrétariats d'état
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2012