emploi et activité
Question de :
M. Gaëtan Gorce
Nièvre (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Gaëtan Gorce attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation sur l'évolution inquiétante de l'industrie automobile française. Cette industrie impacte de plus en plus l'économie du département de la Nièvre. Elle engendre depuis des années des conséquences sociales dramatiques pour notre territoire et pour des centaines de salariés. Henkel, GDX automotive, Valéo rencontrent aujourd'hui de très importantes difficultés liées pour partie à leurs rapports avec leurs donneurs d'ordres qui leur imposent des réductions de coûts de plus en plus difficiles à supporter. Cette logique industrielle a encore dernièrement eu des effets néfastes sur Faurecia à Cercy la Tour. Les constructeurs automobiles français n'hésitent en outre pas à encourager les sous-traitants nivernais à délocaliser leurs unités de production à l'étranger, à compétitivité et productivité égale. Face à l'ampleur des conséquences que cette situation risque de produire sur l'emploi dans la Nièvre comme sur l'ensemble du territoire français, et faute d'avoir pu mesurer les effets du plan « sous-traitance automobile» annoncé par le Premier ministre en 2006, il souhaite savoir quelles initiatives le Gouvernement compte prendre afin d'amorcer une véritable réflexion en terme de filière, associant les sous-traitants et les donneurs d'ordres du secteur automobile, ainsi que les représentants des territoires concernés.
Réponse en séance, et publiée le 9 avril 2008
PERSPECTIVES DE L'INDUSTRIE AUTOMOBILE
DANS LA NIÈVRE
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, ma question concerne l'industrie de l'équipement automobile en France, qui dépend directement de l'activité de l'industrie automobile, et qui, en termes d'emplois, représente des enjeux considérables.
Cette industrie, je le rappelle, se situe au quatrième rang mondial et au second rang européen. Elle emploie plus de 100 000 salariés, pour un chiffre d'affaire de 25,5 milliards d'euros. Au plan local, les stratégies des constructeurs automobile sont telles qu'elles exercent un impact extrêmement négatif sur les territoires. Non seulement, elles encouragent les délocalisations, et conduisent à exercer sur les fournisseurs qui restent installés en France une pression telle que ceux-ci n'arrivent plus, malgré une réelle compétitivité, à assumer totalement la charge qui leur est imposée.
Dans mon département, la Nièvre, où l'industrie de l'équipement automobile représente une part très conséquente des emplois, la situation devient très préoccupante. Au moins quatre entreprises sont aujourd'hui en difficulté, pour ces raisons : Faurecia à Cercy-la-Tour, Valéo à Nevers, GDX à Corvol l'Orgueilleux, et, surtout, Henkel à Cosne-sur-Loire.
Pour ne prendre que l'exemple d'Henkel, qui fabrique à Cosne-sur-Loire des produits de collage, d'étanchéité, de traitement de surfaces pour l'industrie automobile, je précise que cette entreprise réalise 80 % de son chiffre d'affaires avec Renault, Peugeot et Toyota. Elle est directement tributaire de la hausse des prix du pétrole, qu'elle doit nécessairement répercuter sur les produits qu'elle vend aux constructeurs, mais elle se voit imposer par ces derniers des prix, incompatibles avec le maintien de l'équilibre de ses comptes. De l'avis même du groupe, celui-ci n'a pas l'intention de délocaliser ; il souhaite pouvoir poursuivre son activité sur place, mais cela lui est impossible compte tenu des conditions de prix qui lui sont imposées.
En termes d'activités et d'emploi, les conséquences sont inquiétantes pour nos territoires, mais elles le sont aussi pour notre industrie automobile. En effet, si elle exerce une pression considérable sur les sous-traitants, elle risque, par un effet boomerang, de se priver de leur savoir-faire et de se trouver dans la situation de l'arroseur arrosé.
Face à l'ampleur et à la gravité de ces phénomènes, je souhaite savoir ce que le Gouvernement entend faire pour exercer une influence utile sur les constructeurs, afin qu'ils infléchissent leur stratégie, en prenant davantage compte les intérêts de l'ensemble de la filière dans le but d'éviter les conséquences sociales dramatiques que l'on constate aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Monsieur le député, comme vous l'avez souligné, l'industrie automobile et l'ensemble de sa filière de sous-traitants constituent une activité essentielle pour l'économie française. Or les mutations économiques intervenues constituent au niveau des marchés mondiaux incitent les constructeurs à redéployer leurs moyens vers des marchés plus porteurs, à plus forte croissance.
Votre département, la Nièvre, est particulièrement concerné : plus de 20 % des établissements industriels sont consacrés à la sous-traitance automobile et près de 4 000 salariés peuvent être touchés par ces mutations. Le Gouvernement est pleinement conscient de ces enjeux, pour les entreprises et le développement économique, mais aussi pour les salariés et les territoires, terres d'accueil des PME de sous-traitance automobile.
C'est la raison pour laquelle, il se mobilise dans plusieurs directions.
Première action concrète : l'action que nous menons sur les délais de paiement qui font l'objet d'une demande récurrente de la part de l'ensemble des entreprises sous-traitantes. Elles souhaitent en effet qu'ils soient raccourcis. À cet égard, un accord est intervenu, le 1er septembre dernier, entre les fédérations professionnelles de la filière.
En outre, dans le projet de loi sur la modernisation de l'économie, nous irons plus loin en la matière, car la trésorerie des PME sous-traitantes ne doit pas servir à financer les entreprises donneuses d'ordre. Cela est une priorité pour nous.
De même, les pôles de compétitivité, mis au point pour conforter l'activité économique de certaines filières, continuent à monter en puissance. Ainsi j'ai été heureux de constater que le centre d'innovation du groupe PSA, que j'ai visité la semaine dernière, avait contribué au développement de trois pôles de compétitivité dans notre pays. Cela contribue à fixer des PME sur nos territoires et à les associer à l'activité industrielle automobile.
La réforme du crédit d'impôt recherche doit également permettre à toutes les PME sous-traitantes de dynamiser l'innovation, facteur clé de réussite dans ce secteur comme dans d'autres.
Enfin, des recommandations pour l'anticipation des mutations économiques et la gestion prévisionnelle des emplois et compétences sont actuellement étudiées par la mission d'appui à la filière automobile - qui réunit donneurs d'ordres et sous-traitants, syndicats patronaux et salariés, et services de l'État - et pourraient faire prochainement l'objet d'une charte proposée à l'ensemble des acteurs.
Ces actions menées au niveau national trouvent un relais au plan régional. Les efforts d'accompagnement des mutations économiques du tissu industriel sont poursuivis grâce à la mobilisation de l'ensemble des pouvoirs publics. Un débat devrait prochainement être lancé sur les actions à mettre en place localement en faveur des équipementiers de rang 2 et plus.
S'agissant de votre région, la Bourgogne, l'association Automobile, reconnue par les professionnels, a souhaité renforcer son programme d'amélioration continue de la productivité de la filière automobile, avec le soutien de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. La Nièvre joue un rôle moteur dans ce domaine.
Une initiative récente du préfet, à laquelle vous avez d'ailleurs été personnellement associé, menée conjointement avec le groupe Henkel, l'Agence française pour les investissements internationaux, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, a par ailleurs permis de lancer une réflexion sur le " mieux produire ", les diversifications possibles et les orientations permettant de pérenniser l'activité de sites structurants.
Ainsi, monsieur le député, comme je vous l'indiquais, les pouvoirs publics, le Gouvernement en particulier, sont plus que jamais mobilisés sur ce dossier. L'industrie automobile, fleuron de notre économie, ne doit pas se conjuguer au passé.
Nous croyons en l'avenir de l'ensemble de cette filière dans notre pays. Nos entreprises ont une longueur d'avance en matière d'innovation ; il convient de les conforter et de les accompagner dans leur réorganisation afin de fixer cette activité sur nos territoires. À ce titre, votre département est directement concerné.
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je vous remercie de votre présence et de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Je prends bonne note des différentes initiatives qui seront mises en oeuvre, mais, comme vous l'imaginez, ce sont vos actes que nous jugerons. De ce point de vue, je ne peux que vous demander à nouveau de soutenir les démarches que nous avons entreprises.
Dans la Nièvre, la volonté des élus comme des partenaires sociaux est de faire en sorte que des solutions d'avenir soient trouvées. Cela suppose que l'État puisse faire jouer non seulement ses moyens financiers mais aussi l'influence qu'il est susceptible d'exercer sur notre politique industrielle afin que la stratégie des constructeurs fasse l'objet de discussions. Il s'agit non pas, bien sûr, de laisser le politique en décider, mais d'améliorer la prise en compte des enjeux liés à l'innovation. À cet égard, qu'une entreprise comme Henkel, dotée de réelles capacités d'innovation et de recherche, soit en difficulté peut paraître excessif.
Je fais le voeu que, grâce à l'action menée conjointement par l'État et la région Bourgogne, les collectivités locales, les partenaires sociaux et les élus locaux, nous puissions trouver des solutions qui garantissent l'avenir de cette industrie, chaque fois qu'elle en a la capacité, ce qui est le cas dans le bassin de Cosne.
Auteur : M. Gaëtan Gorce
Type de question : Question orale
Rubrique : Automobiles et cycles
Ministère interrogé : Industrie et consommation
Ministère répondant : Industrie et consommation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 avril 2008